Prologue p.2

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Il se retourne vers elles, et lève instantanément la main. Lorsque je comprends ce qui se trame derrière ce geste, quelques secondes à peine, il est déjà trop tard. Je ne suis pas assez réactif, et je sais que je vais m'en vouloir toute ma vie pour ça.

Sa grosse main s'écrase sur la joue de ma mère, et le claquement résonne dans la pièce de la plus atroce des façons, alors que ma sœur se dérobe sous ses jambes. Je reste médusé. Impuissant. Comme un idiot. Trop choqué pour me rendre bien compte de ce qui venait de se dérouler sous mes yeux. Je n'arrive à temps que pour l'empêcher de lui en foutre une deuxième. Mais, mamma mia, merci ! La colère et la haine me font exploser de rage et me donnent assez d'adrénaline pour que je puisse le choper par le col de sa chemise de minable, et le plaquer contre le mur avec force.

-Si tu lèves encore une fois une seule la main sur elles, t'es mort espèce d'enfoiré ! Capito bene ? je lui hurle en pleine face.

Ma voix résonne comme un grondement aussi sourd que le tonnerre, ricochant sur les murs et ne laissant place à aucun autre bruit.

Ma poitrine se soulève rapidement, j'ai du mal à reprendre mon souffle tant respirer et le haïr en même temps m'est difficile.

Cette pute me rit simplement au nez. De ses chicots pourris par la clope, et avec son haleine chargée d'alcool, il me rit littéralement au nez.

J'entends vaguement ma mère et ma sœur pleurer derrière moi, et ça me fends le cœur. Mais je rejette de mon esprit tout ce qui peux me faire redescendre de ma montée d'adrénaline dans un coin de ma tête, pour mieux me concentrer sur ma haine débordante.

J'observe ces traits que je déteste tant, sur ce visage que je hais plus que n'importe quel autre.

Bien je ne le considérais pas beaucoup, après cette scène qui resterait gravée dans ma mémoire, il n'est définitivement plus rien à mes yeux. Ce n'est plus mon père. Comme il ne l'a jamais été. Et ce n'est pas un homme non plus. Il n'est plus rien. Moins que rien, même. Du coup, je peux lui éclater librement la tronche sur la table sans aucun remords. Ce que je fais sans attendre.

Merde, j'ai dû le ménager, car le craquement du cartilage de son nez ne me semble pas si bruyant que ça, alors je recommence, encore, et encore. Jusqu'à ce que je puisse observer le sang affluer sur mes mains et tacher la nappe blanche à fleurs de ma mère. Elle n'a jamais été si belle cette nappe. D'ailleurs, celle-ci pousse un cri aigu, tandis que ma sœur renifle toutes les cinq secondes, gémissant de désespoir face à cette scène trop brutale pour ses yeux si doux.

Mais ça fait tellement longtemps que je rêve de faire ça que je me fiche de tout ! C'est même grisant de ne plus se focaliser sur le fait d'être bon, gentil, ou aimable. Je me déchaine dans la fureur comme l'océan qui se fracasse contre les rochers en pleine tempête, et l'écume m'en prend la bouche tant je ne suis plus du tout maître de moi.

C'est si satisfaisant, quand bien même si je sais que les cris terrifiés, les pleurs incessants, et la souffrance constante de ma mère et ma sœur, me pourchasseront pour tout le reste de ma vie. Quand bien même si je deviens complètement fou, en imaginant les tourments qu'elles subissent au quotidien, tout comme je les subissais depuis l'enfance.

Mais elles comprendront que je l'ai fait pour elles. Pour ce qu'il leur a fait, et Dieu sait que ce n'est pas la première fois, j'en mettrai ma main à couper ! Tout concorde. Comme si son geste était trop naturel pour n'être qu'une première fois. Ma sœur qui baisse la tête, ma mère qui ne dit mot en sa présence... Je sens que ce n'est qu'une énième récidive de la part de cet enfoiré. Et ça me fout encore plus les boules. Putain mais quel con je suis ! Être aveugle aussi longtemps ! Comment ai-je pu partir loin d'elles, sans songer un instant à ce qu'elles pourraient vivre avec ce monstre alors qu'il m'a tourmenté tant d'années de la même sorte !

Charlie : Je t'aimerai pour deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant