Juliette Greco

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Muse de Saint-Germain-des-Prés à l'époque des concerts de Jazz dans les caves, où elle fait la connaissance des philosophes, écrivains et artistes pénétrés par la mouvance de l'existentialisme, Juliette Gréco était une femme libre... jusqu'à l'insolence ! Elle est partie dans l'autre monde en septembre 2020, deux ans après son dernier compagnon, le pianiste compositeur Gérard Jouannest. Dans une chanson qu'elle interprétait il y a ces paroles : « ...... /Au fond de moi s'éveille/Le désir charmant/De devenir vieille... » Son désir a donc été exaucé puisqu'elle avait 93 ans au moment du départ...

Elle est tout de même revenue, d'une manière plus éthérée, le 22 juin 2021 à 2 H du matin pour déposer quelques pensées à partager avec tous.

« C'est Juliette Gréco, chanteuse et actrice parfois. Je me suis décidée à venir pour passer un petit mot pour les proches que j'ai laissés et aussi pour les personnes qui m'ont appréciée au cours de ma carrière. Je suis bien là où je me trouve depuis mon départ. Je ne peux pas donner trop de détails mais je suis avec des proches partis avant moi et ça c'est bien agréable de retrouver des êtres chers. C'est une joie qui perdure. Ensuite il y a de nouveaux projets à construire car on souhaite une continuité dans ce que l'on n'a pas terminé. On veut aboutir dans d'anciens espoirs avec d'autres que l'on retrouve. C'est une continuité et nous sommes heureux de pouvoir faire ce travail ensemble. Bien sûr il faut peaufiner ce projet commun pour pouvoir le réussir au mieux, ne pas perdre son temps par la suite, car le temps presse de plus en plus. Il y a un but à atteindre qui concerne tout le monde pour parfaire l'humanité entière. Une évolution que l'on ne soupçonne pas quand on se réincarne ; on oublie que c'est si important. C'est pourquoi il faut bien s'imprégner de ce que l'on doit faire, qui est l'essentiel pour soi et les autres. Il faut se réaliser, c'est à dire être bien dans ce que l'on fait, être à sa place, sentir que l'on est bien dans sa voie et que cela soit utile en même temps pour la communauté. Il faut parfois s'arrêter pour réfléchir si l'on a des doutes, se concentrer pour faire le point sur ce qui est important dans la vie en cours, ne pas s'éparpiller, éviter les projets stériles, car il faut avancer dans sa vie et aussi pour les autres qui sont autour. Essayer de repartir avec une certaine satisfaction dans ce que l'on a fait d'utile, laisser une trace qui peut aider la communauté. En fait il faut faire au mieux même si ce n'est pas toujours facile. Car il faut faire le point au retour, c'est automatique. Il y a souvent des déceptions car on voit tout de suite les erreurs. Mais il y a aussi des satisfactions pour la joie donnée aux autres, pour l'entraide qui apporte le soulagement. Aucun chemin n'est facile mais il peut y avoir des satisfactions malgré tout pour soi et pour les autres qui nous ont aimés et appréciés. Je ne vais pas trop m'attarder, je sais que le temps est compté. Dans ma dernière vie j'ai eu pas mal de chance, j'ai aimé, j'ai été aimée, avec un métier qui m'a apporté des satisfactions. J'aurais pu faire encore d'autres choses mais il y a des choix qui s'imposent, et ce que je n'ai pu faire ce sera pour la prochaine vie si c'est possible. J'embrasse les personnes que j'ai aimées et que j'aime encore, car les sentiments perdurent quand ils étaient sincères. Merci madame pour votre écoute attentive et pour votre promptitude à prendre mes mots. »

Quand Juliette Gréco fait son apparition, ses parents attendaient un garçon. Une première fille était née trois ans plus tôt. Un prénom féminin n'avait donc pas été envisagé. Pris de court (et de déception!), le prénom de la mère lui fut légué ; ce qui fit deux Juliette Gréco ! Ce qui est étonnant c'est que plus tard la chanteuse n'a pas choisi un pseudo pour sa carrière d'artiste alors que les rapports avec sa mère étaient plutôt houleux ; à l'âge de 13 ans, la fille gifle sa mère lorsqu'elle la surprend en train de lire son journal intime ; gifle que la mère n'a pas rendue.

Cette mère, qui n'était pas maternelle ni affectueuse, avait par contre un sens du devoir patriotique ; résistante et gaulliste, elle est arrêtée par la Gestapo (pour avoir aidé des juifs à passer en Espagne) et sera déportée. Les deux sœurs prennent alors le train pour Paris mais, repérées, elles seront arrêtées et emprisonnées à Fresnes. Plus tard l'aînée (19 ans) sera déportée. Juliette, elle, sera libre mais seule dans ce grand Paris qu'elle ne connaît pas. Par chance une adresse lui avait été glissée, celle de sa prof de français, Hélène Duc, devenue comédienne à Paris.

En 1949, Juliette Gréco débute sa carrière à l'âge de 22 ans alors qu'elle ne sait pas chanter (elle n'a appris que la danse dans son enfance) et ne souhaite pas être chanteuse. Encouragée par Jean-Paul Sartre (car tout de même il fallait qu'elle fit quelque chose d'artistique, elle aussi, dans ce quartier de Saint-Germain-des-Prés !), il lui propose donc des titres d'auteurs connus et lui offre une chanson tirée de sa pièce « Huis Clos » créée en 1944. Puis il l'envoie (de sa part) vers le compositeur Joseph Kosma pour y mettre des musiques. Ce dernier lui joue la mélodie qu'il a écrite pour le texte de Raymond Queneau « Si tu t'imagines/Fillette, fillette/Si tu t'imagines/Xa va xa va xa/Va durer toujours». Elle reste muette, paralysée par le trac. Alors ce célèbre compositeur lui donne une leçon de chant avec patience et douceur. Car elle doit chanter sur scène quatre jours plus tard à « La Rose Rouge », sorte de Café-théâtre où des personnalités de Paris ou d'ailleurs viennent voir les spectacles qui y sont donnés. Elle y chantera les mains nouées par le trac derrière le dos, vêtue d'un pantalon et pull noirs, couleur à laquelle elle sera fidèle. Et même si ce n'est pas une grande réussite (manque de métier, diront les critiques), à partir de ce soir-là elle a un métier : chanteuse ; mais il va falloir travailler beaucoup.

Elle apprendra à maîtriser son trac, à oser quelques gestes pour soutenir les textes de ses chansons et à perfectionner sa voix ; c'est à dire, elle va apprendre le métier de chanteuse... avec le résultat que l'on connaît par sa longue carrière. Très vite elle choisira sa tenue de scène : une robe de velours noir, sans décolleté, avec manches jusqu'aux poignets ; une robe longue près du corps allant jusqu'aux pieds.

Juliette Gréco a eu la chance de chanter les textes de grands auteurs qui ont su capter l'originalité de sa voix et son interprétation qui reflétait sa forte personnalité. Voici quelques noms : Raymond Queneau, Robert Desnos, Léo Ferré, Georges Brassens, Jacques Brel, Serge Gainsbourg et tant d'autres dont Maxime Le Forestier, Jean-Claude Carrière, Etienne Roda-Gil, Olivia Ruiz, Abd Al Malik, Benjamin Biolay, Miossec et d'autres encore, j'en oublie... Elle-même n'a écrit que quelques-unes de ses chansons.

Il y a aussi les films, puisque Juliette Gréco avait rêvé d'être comédienne. Elle a tourné dans « Orphée » de Jean Cocteau ainsi que sous la direction d'Otto Préminger et de John Huston. Il y a eu la rencontre importante avec le producteur, réalisateur et scénariste américain, Darryl Zanuck, avec lequel elle a tourné plusieurs films. Pendant quatre ans une histoire amoureuse les réunit dans les projets de films jusqu'à ce que la chanteuse se lasse de tout ça... pour retourner à son véritable métier : « Le cinéma n'est pas ma vie. Ma vie à moi, c'est d'être toute seule sur la scène et de chanter mes petites chansons. » Elle dit ces mots alors qu'elle tourne « Le Grand Risque », son dernier film avec Zanuck.

En novembre 1955, Juliette Gréco a eu l'opportunité de faire bonne impression au théâtre en jouant « Anastasia » avec une belle présence sur scène et cette voix si particulière de tragédienne.

Pour la télévision il y a eu un feuilleton avec « Belphégor », personnage qui l'a rendue très populaire.

Il y a aussi cette belle rencontre de complicité sur un plateau de télé en février 1969 : deux chanteuses, habillées de noir, l'une au piano, Barbara, l'autre, Juliette Gréco, qui chante les paroles d'un succès de la première : « Voilà combien de jours, voilà combien de nuits/Voilà combien de temps que tu es reparti/Tu m'as dit cette fois c'est le dernier voyage/De nos cœurs déchirés c'est le dernier naufrage/ Au printemps tu verras, je serai de retour/Le printemps c'est joli pour se parler d'amour ». Quelques vers d'une chanson émouvante, une émotion palpable partagée par ces deux grandes dames de talent.

Juliette Gréco était connue et célèbre dans le monde entier, très appréciée en Allemagne et au Japon, sans doute encore. Elle a arrêté la scène à 91 ans, avec regret, pour raisons de santé.

Beaucoup de rencontres coups de foudre dans sa vie amoureuse, des passions plus ou moins bien vécues, et aussi une union plus sereine qui a apporté une complicité dans son métier de chanteuse.

Un seul enfant, une fille, Laurence-Marie née en 1954, décédée en 2016 suite à une maladie, lui laissant une petite-fille orpheline, Julie, adulte aujourd'hui.

Juliette Gréco a écrit un livre « Jujube » paru en 1982, où elle parle de ses souffrances d'enfance. Je n'ai pu me le procurer, il paraît qu'il est épuisé.

Personnalités disparues : leurs messages de l'au-delàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant