Michel Bouquet

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C'était le jour de l'Hommage National à Michel Bouquet, acteur disparu le 13 avril 2022 ; je ne le savais pas lorsque j'ai allumé la radio branchée sur France Infos, cet après-midi là. Tout de suite j'entends une voix que je reconnais, celle de Muriel Robin emplie d'émotion qui vouvoie le maître, qui tutoie l'ami, comme un père pour elle ; les phrases sont bouleversantes, et Muriel Robin est bouleversée par la franchise de ses propres mots qui réveillent son passé personnel compliqué, douloureux ; mais elle va jusqu'au bout de ce qui doit être dit car elle a gagné une vie en rencontrant cet homme qui avait perçu en elle de grandes qualités artistiques. Elle lui doit beaucoup, elle le sait, elle le lui dit. C'est touchant. Émouvant. Ensuite c'est le tour de l'acteur Pierre Arditi, qui dit de belles paroles, lui aussi. Plus tard j'apprendrai que j'ai raté Fabrice Luchini, passé en premier ; homme de théâtre et de cinéma aimant les grands auteurs, comme le maître disparu.

Par la suite je constaterai que l'Hommage rendu à cette personnalité suivait de près sa visite auprès de mes antennes. Quand l'expression scénique s'arrête définitivement et qu'il y a une possibilité de contact qui permet de s'exprimer autrement, par delà les barrières de l'opaque matière, beaucoup souhaitent tenter cette communication qui permet d'émettre un message, de livrer un témoignage, de dire « nous sommes vivants » à ceux d'en bas qui doutent de cette véracité.

C'était le 27 avril 2022 à 1 h du matin.

«-C'est Michel Bouquet qui est là pour s'exprimer, si ça ne vous dérange pas trop.

(- Non, ça ne me dérange pas, au contraire, je vous écoute et je prends note de vos mots. )

-Je suis parti il y a très peu de temps et déjà je me suis envolé au plus loin de ce monde terrestre pour voir ce qui ce qu'il y aurait derrière toutes ces années passées à jouer, jouer et encore jouer tous ces rôles si éloignés de ce que je suis en réalité, et ça m'a beaucoup plu. Le temps est passé très vite avec toutes ces vies différentes dans une seule vie, jusqu'à mon âge très avancé au moment de mon départ. Ouf, je m'en suis pas si mal tiré, j'ai pas trop souffert par rapport à tant d'autres malheureux... Que puis-je dire sur cet au-delà dont on ignore tout avant d'y aller, et lorsque nous y sommes enfin, nous n'osons pas en parler car c'est un peu délicat de raconter ce que chacun doit découvrir en partant. Mais une chose est certaine, ce n'est pas fini, il y a une une suite à vivre , à recommencer à avancer sur la route de la destinée de tous. Et là chacun découvrira où il en est pour décider ce qui est le plus important pour lui et les autres. On ne doit pas décider sa vie de façon égoïste, ça c'est impossible, nous sommes tous liés. Sinon rien ne marche. Souvent les personnes ne veulent pas participer et coopérer lorsqu'elles sont redescendues et ça fait beaucoup de dégâts autour d'elles, les plans sont complètement détournés dans un but égoïste, cela retarde le plan commun et amène beaucoup de souffrances pour d'autres. Tout ça est bien dommage. Que dire de plus sans trop dire pour ne pas influencer les êtres faibles et les curieux à faire des bêtises. *Je sais que les funérailles ne s'étaient pas encore déroulées lorsque je suis venu très vite vous voir, comme vous l'aviez fait remarquer à ma première tentative de communication, mais ça n'avait pas d'importance pour moi puisque j'étais déjà parti, envolé l'oiseau vers le ciel et ses secrets bien gardés. Je m'y trouve bien, et je reste surpris tout de même de la rapidité de l'envol. Sans doute j'étais prêt, détaché à moitié de la matière vu l'âge avancé qui était le mien. Je suis quand même bavard, bien que je ne sais de quoi parler ni quoi raconter précisément, car je ne sais pas tout, on ne m'a pas tout dit encore, je suis dans les derniers arrivants, il faut attendre que le nettoyage de l'âme avance pour tout comprendre et assimiler de nouveaux schémas pour le futur qui nous concerne, c'est un peu comme si on repartait à zéro. Mais on oublie rien, la mémoire de chacun se mélange aux mémoires anciennes, c'est indélébile, mais on n'est pas obligé de fouiller sauf si on recherche des passages précis pour se renseigner utilement et avancer dans le futur. Je suis quand même encore bavard, comme si j'expliquais à des élèves une pièce à jouer. Mais non, mais non, je suis juste heureux de constater que la communication fonctionne parfaitement vers l'endroit que j'ai quitté il y a peu de temps, ça c'est pratique pour passer un message et dire que nous sommes encore vivants et en bonne santé. Merci madame pour votre écoute et votre dextérité à écrire tout ce que j'ai exprimé. »

*Il est vrai que je n'avais pas accepté ce premier contact que j'avais trouvé un peu hâtif ; l'expression est plus développée, car mieux renseignée, en laissant le temps faire la décantation de ce que l'on a quitté et de ce que l'on a découvert...

Je ne vais pas énumérer les exploits scéniques et cinématographiques de ce talentueux personnage de théâtre et de cinéma, car lors de l'éloge funèbre du Président de la République, celui-ci a déroulé le riche CV de l'homme de théâtre et tout autant le CV de l'acteur impressionnant de vérité. ( Plus rien à rajouter. )

Si, tout de même : deux fois le César du meilleur acteur, en 2002 et en 2006 ; deux fois le Molière du comédien, en 1998 et en 2005. Puis en 2014, Fabrice Luchini remet à Michel Bouquet un Molière d'Honneur. Des récompenses, il en faut ; c'est un complément aux applaudissements du public.

Personnalités disparues : leurs messages de l'au-delàOù les histoires vivent. Découvrez maintenant