9 : 00 p.m

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Ni l'un ni l'autre n'avait eu tort. Les rues sont bondées, la foule est en effervescence. Entre les touristes qui découvrent cette étrangère, les yeux pleins d'étoiles, et les tokyoïtes qui avancent vite sur les trottoirs, Shoto et Katsuki ne savent même plus où tourner la tête.

Dans la soirée, les lumières artificielles des enseignes publicitaires ou des magasins polluent le ciel de leur éclat. L'une d'entre elle saisit l'œil curieux de Shoto qui s'approche sans tarder sur sa vitrine. Il ne reste pas longtemps, attiré par autre chose, une odeur de salé. Un stand de takoyaki, typique de la street food japonaise. Il tourne la tête vers Katsuki :

— Tu as faim ? demande-t-il.

Le garçon aux cheveux blonds hausse les épaules.

— Prends-en si tu en veux ! Rien ne t'en empêche.

Shoto sourit, se tournant alors vers le commerçant. Deux brochettes de takoyaki dans chaque main, les deux adolescents décident alors de poursuivre leur chemin.

Ils passent par des rues bondées de monde mais qui, contrairement à ce qu'une telle foule pourrait laisser croire, n'est seulement agitée que par les bruits des pas, des moteurs de voitures et de conversation. En revanche, lorsqu'ils entrent par la suite dans des petites rues cachées du public, c'est un nouveau monde encore qui se dévoile à leurs yeux.

Un monde plus discret et encore plus silencieux. Aux kanjis calligraphiés d'encre noire sur des tissus blancs. Aux multiples commerces artisanaux et aux restaurants dont la bonne odeur des menus se répand sur toute la rue. Là, il n'y a personne en dehors de quelques âmes. Un chat traverse la route sur le son d'un poste radio posé sur le rebord d'une fenêtre ouverte.

Shoto mord dans sa brochette, sa main serre la paume de Katsuki et leurs doigts se frottent en eux, presque aussi discrets que l'anonymat de l'impasse.

La chaleur de leur peau est telle une bulle d'intimité entre ces immeubles tout collés. Seuls, apaisés. Leurs pas sont lents et alors qu'ils passent devant un autre poste de radio allumé, Katsuki abandonne sa brochette et ne laisse pas le temps à Shoto de finir la sienne. Il lui saisit les mains, en amène une à rencontrer la peau chaude de sa nuque. Passant son propre bras autour de la taille de son ami, il se balance une fois d'un côté puis d'un autre au rythme de la musique. Shoto se fend d'un rire enjoué.

Il fait chaud et sous les mouvements de leur danse, les pans flottant de leurs vêtements se soulèvent avec grâce, les accompagnant dans leur gestuelle.

Ils ne se lâchent pas la main.

Ils ne se lâchent pas des yeux.

Le sourire jusqu'aux oreilles.

Tokyo à leurs pieds, minuscule.

Ils le pouvaient, ils s'enfermeraient dans cette bulle, tireraient le temps de sorte à ce qu'il ne puisse s'arrêter. Pouvoir profiter de cette nuit comme si elle était la seule qu'ils ne vivraient jamais. Mais comme le temps, tout a une fin. Ce soir-là, c'est le poste radio qui s'éteint sans un bruit en même temps que s'éclate l'imaginaire de Shoto.





Un peu plus tard, ils regardent les gens depuis leur poste d'observation. Assis à même le sol sur une la devanture d'une vitrine de magasin, ils ont tous deux les pieds en compote d'avoir trop marché. Ils pourraient rentrer à l'hôtel, trouver le confort de leur draps mais ils n'en ont pas envie. Ils ont l'impression que rentrer de suite serait mettre fin à leur morceau d'adolescence, laisser passer une nuit qui les rapproche considérablement vers septembre, la rentrée et la fin de l'été.

Shoto retient un bâillement ; il est épuisé et s'il n'était pas déjà à moitié allongé sur l'épaule de Katsuki comme il a maintenant l'habitude, il tomberait littéralement de sommeil.

Une canette de soda vide dans la main, son ami aux cheveux blonds est quant à lui parfaitement éveillé et compte bien le rester. Hors de question qu'il arrive quelque chose à Shoto s'ils sont tous deux K-O.

— Sho ? commence-t-il. Je peux te poser une question ?

Son ami lève les yeux, attentif. Il repris :

— Comment cela s'est passé ? Une fois que ton frère ait avoué sa faute et que ton père s'est enragé ?

Shoto baisse les yeux, replonge dans des souvenirs lointains :

— Touya a été envoyé à l'hôpital psychiatrique de Daigo quelques jours après l'incident. Mon père a catégoriquement refusé de lui rendre visite, voire même de le considérer comme son fils. Là-bas, Touya essaie tout les quatre matins de se tuer. À chaque fois que ma mère n'est pas sur un jour de visite. Elle passe sa vie dans cette chambre, à faire je-ne-sais-quoi pour que Touya reste en vie. Elle perd son temps j'ai l'impression.

« Natsuo est le seul qui ai vraiment accepté qu'il n'y en aurait plus que pour Touya. Alors quand il a eu son diplôme à la fin du lycée, il n'a pas attendu qui que ce soit pour s'en aller. Il a quitté la maison, a quitté Kyoto et maintenant, je n'ai pas la moindre nouvelle sur ce qu'il fait ni où il est. Et puis il y a Fuyumi. Elle est restée faire ses études à Kyoto parce que j'étais encore petit. Mais dès que je suis entré en dernière année au collège, elle aussi a pris le large.

Un silence s'installe mais il n'est en rien gênant.

— J'ai l'impression qu'en parler après toutes ces années m'allège. C'est plus simple de le dire à haute voix que de le garder pour moi.

— Demain sera un nouveau chapitre et contrairement aux autres, celui-ci tu saura comment l'écrire. Non ?

Katsuki sourit, se décale pour laisser Shoto se redresser.

— J'aurai tellement aimé pouvoir t'embrasser, te remercier d'exister, chuchote ce dernier tout en posant sa main sur la joue de Katsuki.

Le garçon aux cheveux blonds se relève avec légèreté. Se tournant vers Shoto une dernière fois, il lui tend la main.

— Il est tard, lui dit-il. Quoi qu'il arrive, nous nous retrouverons dans un train.

Shoto n'a pas besoin de plus de mots. Il saisit sa paume, la serre dans la sienne et, côte à côte, ils rejoignent l'hôtel.

•••••••••

Bonjour ! Comment ça va aujourd'hui ? 

Nouveau chapitre et j'avoue que l'ambiance est particulière. Les prochains seront assez différents de ce qu'il y a eu jusqu'à aujourd'hui mais c'est pour une bonne chose. Disons que c'est le début de la fin ^^ 

Est-ce que ça vous a plu ? Qu'est-ce que vous en pensez ? 

Des bisous, Koala. 

Prochain arrêt [TodoBaku]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant