11 : 00 p.m

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Shoto n'a aucune idée de quand il va s'arrêter. Il s'est assis sur un siège à côté de la porte, comme si soudainement alors qu'il n'a rien demandé à personne, la machine s'arrêterait pour le laisser sortir.

Elle ne s'est pas arrêtée, elle ne s'arrêtera d'ailleurs pas avant d'avoir atteint le prochain arrêt. Celui-ci est à des milliers de kilomètres aux yeux de Shoto. Serrant son sac contre lui, il n'a de toute façon, pas d'autres choix que d'attendre que cela se termine, plus loin dans cette ville ou dans une autre.

Le regard dans le vague, il se berce aux secousses régulières du wagon. En montant, il n'a pas pensé à prendre un billet. Il n'a d'ailleurs aucune idée de combien d'argent il lui reste dans les poches, ni si ce sera suffisant pour la fin du mois. Étrangement et contrairement à ce que le Shoto de début août aurait pensé, cela lui importe peu. Il n'ira pas y jeter un œil si cela ne lui est pas nécessaire. Ce n'est pas le plus important maintenant.

Le paysage défile, des reliefs campagnards lorsque son trajet s'éloigne de la ville ; ou l'émergence de maisons et bâtiments de béton lorsqu'il quitte les champs et les boiseries.

Sur une ligne droite, la barrière qui protège la route de la voie ferrée s'abaisse et en passant devant, il n'y a aucune voiture qui attend de pouvoir traverser. Les gens n'apparaissent que pour une petite seconde. Une petite seconde dans laquelle Shoto peut entrevoir un morceau de leur vie. Une salutation, un chien en pleine balade avec son maître ou sa maîtresse.

C'est en arrivant sur Maebashi, ville dont il entend le nom sur les hauts parleurs, qu'il reprend ses esprits. A combien de kilomètres de Tokyo se trouve-t-il ? Il n'en sait rien.

Il pourrait descendre ici cependant. Attendre qu'un train passe dans le sens inverse et retourner dès maintenant sur la capitale, croisant les doigts pour que Katsuki s'y trouve encore. Mais son corps ne bouge pas. Il n'a pas envie de bouger, de se lever de son siège. Ses jambes refusent de faire fonctionner leurs muscles. Ses pieds restent bien soudés au sol tremblant du wagon.

Il allume son téléphone. L'écran affiche l'heure mais il n'arrive pas à la lire ; ou plutôt, il refuse inconsciemment d'y prêter attention.

A l'extérieur, des gens se retrouvent là où d'autres se quittent. Parmi eux, un jeune garçon qui doit bien avoir quatorze ans. Il a les cheveux bruns aux reflets verts et de jolies boucles qui tombent sur son front. Il est accompagné d'une femme qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Le sourire jusqu'aux oreilles, il réceptionne dans ses bras une jeune fille du même âge et aux joues rosées par la joie.

Shoto les observe un instant. A vrai dire, il ne détourne les yeux qu'uniquement lorsque le train repart sur son chemin. Il a la vague impression de les connaître sans les avoir jamais vu. Ces tâches de rousseur, ce pull à l'effigie d'un super-héros, si familier et si étranger en même temps. Mais si Shoto leur a déjà adressé un mot, il est incapable de préciser quand ni de quoi évoquait leur conversation. Dans tous les cas, il n'a pas l'occasion d'en savoir plus. Il file déjà dans le futur.

A bien trois stations plus tard, il se décide à sortir de là. Les gens ont commencé à grimper, à s'agglutiner peu à peu. Il ne veut pas étouffer.

Il se traîne dans les rues de cette ville encore inconnue. Les murs de ses bâtiments et les bancs sur la voie publique ne lui disent rien mais cela ne l'étonne pas. Il a beau avoir passé un mois ou presque à sauter de train en train, il ne s'est pas arrêté à chaque petit village ou ville. Cette dernière, portuaire, s'ajoute à cette liste aujourd'hui, ce qui laisse à Shoto le loisir de s'y promener. Il passe devant plusieurs bâtiments, s'approchant peu à peu du son si caractéristique de l'océan. Il regarde à peine devant lui, gardant le nez dans sur les façades, les vitrines. Et alors qu'il marche entre la route et les arbres qui bordent cette dernière, décorant avec goût les mètres de goudron.

Seulement, en passant devant un parc et juste en face, un musée d'art de la ville. Il ne comptait pas s'arrêter mais il change d'avis en voyant du mouvement à l'intérieur. Un corps mouvant à travers une double-porte. Shoto se fige sur place, reconnaissant la silhouette de cette personne, qu'il n'a pas vu depuis des années.

Alors il s'approche, pousse la porte du musée et fait trois pas. Le coeur battant d'une légère angoisse il s'avance vers l'une des tables où est assise une femme aux cheveux blancs, parsemés de mèches rouges ici et là. Lunettes sur le nez, elle est penchée sur un livre, mâchant une bouchée d'un bagel. Il hésite, avant de se lancer après une longue inspiration :

— Fuyumi ? demande-t-il.

Ladite Fuyumi relève la tête, ses yeux s'ouvrant de surprise en découvrant l'adolescent devant elle. Marquant sa page et reposant son déjeuner, elle se lève de sa chaise, les mains repliées sur sa poitrine.

Les sourcils froncés, elle peine à croire qui se trouve face à elle. Pantoise, elle met un moment à se sortir de sa rêverie, retombant les pieds à plat dans la réalité.

— Shoto ? murmure-t-elle en levant un bras vers lui, déposant avec douceur une phalange sur sa joue, tout juste sous sa cicatrice. Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

Il sourit, plongeant dans les souvenirs de ces yeux gris qu'ils lui ont tant manqués. Le cœur gonflé d'émotion, les larmes attendant patiemment de s'écouler sur ses joues, il ignore toute éducation. Oubliant les règles que la société lui impose depuis sa naissance, il ouvre ses bras pour entourer sa sœur et la serre contre lui. Il constate avec amusement qu'aujourd'hui, il la dépasse d'au moins une tête ; et avec nostalgie, que son départ lui a arraché un bout de lui-même.

— C'est une longue histoire, répondit en murmurant.

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Bonjour ! Comment ça va aujourd'hui ? Ma ville est de nouveau envahie par les touristes, je suis allée me balader hier et aujourd'hui et souvent j'ai fait du slalome entre les gens xD ça ma fait bizarre.

Pardon pour ma publication tardive, j'ai eu du mal à conclure ce chapitre. Et je crois que c'est en partie parce qu'il ne reste qu'un chapitre avant l'épilogue et je n'ai pas envie que ça se termine ^^;

En tout cas, j'espère que le chapitre vous a plu ! Vous vous attendez à voir Fuyumi ? 

Et si un jour vous vous rendez au Japon et que vous passez par Niigata, bah déjà c'est une très jolie ville je trouve et en plus, je vous donne une adresse. Si vous êtes végan-e, végétalien-ne, végétarien-ne et/ou intolérant-e-s au gluten je vous envoie là-bas :

https://kokagecafe.com/

C'est le café où se trouve Fuyumi et ça a l'air super bon !

Des bisous, Koala.


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