Il est un peu plus de midi et pourtant, je ne suis toujours pas levée. À quoi bon en vérité ? Cela fait des années que je cherche une raison de me lever chaque matin, et la réponse reste toujours la même : parce que c'est comme ça. Alors tous les jours je traîne les pieds, cherchant ce que je vais bien pouvoir faire d'autre à part étudier. Je me décide à sortir de mon lit afin de me diriger vers la salle de bain. Une douche ne me fera que du bien et ce n'est pas comme si j'avais beaucoup de chemin à faire, ce n'est jamais trop grand, un 9m². Cela fait maintenant trois ans que je vis en résidence étudiante et ça ne me déplaît pas tant que ça, même si parfois j'aimerais avoir mon propre appartement, un petit chez moi, où les livres et les plantes déborderaient. Il est déjà un peu plus d'une heure de l'après-midi quand je sors de la douche, et à la vue des nombreuses notifications qui apparaissent sur mon téléphone, mon réveil tardif s'est fait remarquer.
5 appels manqués. 13 nouveaux messages.
Les appels sont tous de ma mère, mais certains messages viennent de Lou, mon amie depuis le lycée.
Lou : Saluuuut, dis-moi, tu fais quoi
aujourd'hui ?
Envoyé à 10h46.Lou : Ça te dit de faire les magasins ?
Envoyé à 11h04.Lou : T'es là ?
Envoyé à 11h43.Lou : J'ai faim.
Envoyé à 12h24.Je ne peux m'empêcher de décrocher un sourire en lisant le dernier message. Lou et moi sommes amies depuis la Première, et je crois bien que c'est la première fois que je trouve quelqu'un qui me correspond autant. Après quelques secondes de réflexion, je décide de lui répondre.
Moi : 14h chez toi ?
Envoyé à 13h07.En attendant une réponse, je regarde rapidement les messages de ma mère et décide de lui répondre brièvement que je vais bien et que je compte sûrement faire un tour en ville. Je repose ensuite mon téléphone sur le bureau, et commence à me préparer.
***
Mon téléphone vibre, je regarde la notification du coin de l'il, puis décide finalement de prendre ce dernier.
Lou : Je risque d'être en retard, 15h ça ira ?
Cela ne m'étonne pas, Lou est souvent en retard et je crois bien que je ne pourrai jamais la blâmer pour ça, parce que d'une façon ou d'une autre, cela m'arrange.
Moi : Pas de soucis :).
Il est 13h46, cela pourrait me laisser le temps d'étudier un peu et pourtant, je finis quand même par m'étaler sur mon lit. Les yeux fermés, la respiration profonde, je sens mon coeur battre dans tous mon corps. Trop vite. Trop fort. Mais ça va aller. Ça va toujours. C'est du moins ce dont j'essaie de me convaincre.
***
- Je. déteste. tes. escaliers., dis-je en arrivant chez mon amie.
Je vois sur son visage qu'elle ne peut s'empêcher de se moquer de moi. Mais quelle idée de mettre autant d'escaliers dans un immeuble aussi ? À chaque fois j'ai l'impression d'y laisser ma vie, et à chaque fois, c'est le visage rouge, essoufflée et épuisée que j'arrive devant la porte de son appartement. Et à chaque fois, je maudis ses escaliers.
- Je te sers quelque chose à boire ? me demande-t-elle en me regardant entrer.
- Non, ça ira. J'ai pris une bouteille sur moi.
- Pas de soucis. Je dois juste encore me coiffer et j'arrive, ajoute-elle avant de repartir vers sa salle de bain.
Finalement, il est 15h34 lorsque nous sortons enfin. Le ciel est dégagé et le soleil nous réchauffe, pourtant il n'y a personne dehors. Ce n'est pas plus mal. Nous marchons de magasin en magasin mais rien ne me plaît. Je ne pense pas faire d'achat aujourd'hui, tant pis, mon compte en banque ne s'en portera que mieux.
- Ça avance avec Ayden ? finit-elle par me demander.
Je la regarde brièvement, réfléchissant à ce que je pourrais bien lui dire.
- Pas tellement. Enfin, je n'arrive pas à le cerner, à savoir vraiment ce qu'il attend de moi.
- Vous vous êtes vus hier, non ? me demande-t-elle avec un air interrogateur.
- Oui. On a juste discuté de sujets divers, tu sais, les études, tout ça., réponds-je en évitant son regard.
Lou et moi avons beau être proches, il y a des sujets que je n'aborde pas avec elle. Non pas parce que je ne lui fais pas confiance - au contraire, c'est même l'une des rares personnes à qui je peux faire confiance les yeux fermés - mais parce que je n'y parviens pas. Il y a cette part de moi, un peu bancale, un peu fragile, un peu trop brisée, que je préfère cacher. J'ai toujours peur de faire fuir les gens, de les pousser à partir à cause de cette partie là de moi. Et au fond, c'est un peu pareil avec Ayden, à la seule différence que je ne sais toujours pas si je peux lui faire confiance. Il y a cette partie de moi qui aimerait tout lui avouer, tout lui dire. Qui aimerait s'adonner à cent pour cent, tout le temps. Mais il y a cette autre partie qui me dit de partir en courant, de ne rien lui dire sur moi et mes imperfections. Cette partie qui prend un peu trop de place et que j'ai fini par appeler anxiété.
- J'ai faim, ça te dit une glace ? me demande mon amie avec un grand sourire.
Cela ne m'aurait pas étonner.
- Pourquoi pas, réponds-je en me dirigeant vers notre fast food habituel.
Après avoir acheté les glaces, on se dirige vers la place connue de notre ville, et on s'y pose pour manger. Et comme à notre habitude, on se met devant la fontaine, sachant pourtant que l'on finira trempées. L'air de rien, ce genre de moments me fait beaucoup de bien. Cela m'aide à oublier ce qui me pèse, les études, les doutes, les peurs. Je n'aime pourtant pas sortir, mais dire que ces après-midis me déplaisent serait mentir. Et alors que je suis de nouveau perdue dans mes pensées, mon amie me ramène à la réalité.
- Et ton livre, ça avance ?
J'aimerais. Ce n'est pas l'inspiration qui me manque, mais la confiance en moi. À quoi bon écrire si cela n'est pas si bien ? Qui aimerait vraiment ce que j'écris ? Chaque phrase me semble plus ridicule que la précédente.
- Ça peut aller. Disons que ça avance petit à petit. Mais je ne pense pas le publier un jour., finis-je par répondre avant de prendre une cuillerée de ma glace qui avait déjà commencé à fondre.
- Pourquoi ça ?, me demande-t-elle surprise.
- Je ne sais pas, ce n'est pas de la grande écriture tu sais. Je ne suis pas sûre que cela plairait non plus. Pourquoi me lirait-on ?, questionné-je le regard perdu dans le vide.
- Tu te moques de moi ? répond-elle les yeux écarquillés.
Non, pas vraiment. C'est ce que j'aimerais lui répondre, mais je n'en ferai rien. Je continue alors à manger ma glace en regardant les gens passer, et je me perds à nouveau dans mes pensées. C'est vrai après tout, pourquoi me lirait-on ?
VOUS LISEZ
C'était toi, malgré tout. [EN REECRITURE]
Teen Fiction"C'est donc ça ma vie désormais ? Ne plus pouvoir rien faire à cause de cette fichue anxiété sociale ? De quoi ai-je l'air ? Je ne peux pas rentrer comme cela de toute façon, qu'est-ce que l'on va bien pouvoir penser de moi ? Je n'ai rien pour plair...