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La soirée se déroule lentement et rien ne semble vouloir se monter contre moi, pas même ma propre conscience. Je danse au rythme de chaque musique, me laissant entraîner par chacune des notes qui retentissent en moi. J'ai peur et pourtant je continue, c'est comme une infernale danse qui m'entraîne pourtant dans ses bras, sans que je puisse fuir, et encore faudrait-il que je le souhaite véritablement. Ici, mes angoisses ne comptent plus, mes pensées s'évaporent, et tout ce que je souhaite c'est qu'elles ne reviennent jamais. Ayden se joint à moi et nous dansons à l'unisson, sans même chercher à faire la chorégraphie parfaite. Il me prend la main et me fait tourner sur moi-même, et moi je crève de ne pas pouvoir sentir davantage sa peau contre la mienne. Plus nous dansons et plus il se rapproche de moi, un peu plus - un peu trop - et je crains que mon coeur me lâche. Des soirées comme celles-ci j'en ai rêvé depuis des mois, des années, qui pourtant me semblent bien plus longs qu'ils n'auraient dû l'être. Je ne veux plus avoir peur, je ne veux plus m'effondrer, plus jamais. J'ai cru fuir mon passé, je n'ai fait que le provoquer. Et s'il suffisait de vouloir avancer, pour le faire véritablement ? Je regarde Ayden dans les yeux et lui lâche le sourire le plus sincère que j'ai pu avoir jusqu'à aujourd'hui. Il me regarde tendrement et me prend de nouveau la main pour m'inviter à danser un slow. Les quelques notes de piano de l'un de mon compositeur préféré se font entendre, et je ne suis plus maître de moi-même – ou est-ce mes peurs qui ne sont plus maîtres de moi ? – Qu'importe, je me sens bien. Nous dansons corps contre corps, sa main gauche enlaçant la mienne et l'autre posée à ma taille, – je donnerais tout pour que cela ne s'arrête jamais, cette sensation de n'être plus que celle que j'ai toujours été, et non plus l'ombre de moi-même – il est mon plus grand espoir. Nous nous laissons nous faire emporter par les notes, accélérant le pas, ralentissant, tournant, s'arrêtant et recommençant, ça n'en finit plus et mon coeur ne suit plus. Il bat comme il n'a jamais battu, il est vivant, et il est temps que j'apprenne à en faire de même.

Tu y arriveras.

Depuis quand ma propre conscience a-t-elle décidé de s'accorder avec moi ? Ayden me fait tourner une dernière fois avant de m'emporter un peu plus loin, là où un groupe de personnes que je ne connais pas discutent. Je découvre alors un groupe de jeunes pas plus âgés que moi, certains assis autour de la table basse et d'autres semblant s'être endormis sur le canapé. Mon coeur bat la chamade, mais je sais que ça va aller, je ne suis pas seule après tout. Il finit alors par s'installer entre une jolie brune et un garçon à moitié endormi sur l'épaule de son amie et m'invite à venir à ses côtés. Je le suis sans hésiter et massois à côté de la petite brune aux yeux verts – qui ne craquerait pas devant de tels yeux ? – qui me sourit gentiment.

−Tu as vraiment un sourire magnifique, s'adresse alors une voix d'une douceur inattendue.

Je tourne la tête, surprise par tellement de choses à la fois. La jeune fille aux yeux verts que j'avais remarquée quelques secondes plus tôt est en train de me regarder, le visage angélique et presque déroutant. Elle est d'une beauté sans limites, le visage presque parfait bordé de nombreuses taches de rousseur, les yeux d'un vert émeraude puissant, la peau d'une blancheur agréable et un sourire presque irréel.

−Je ne voulais pas te perturber à ce point, ajoute-elle avec un rire léger.

Je sors alors rapidement de ma rêverie, toujours aussi perturbée.

−Excuse-moi, tu disais ? réponds-je hébété.

−Tu as un magnifique sourire.

Je me sens soudainement rougir, ce n'est vraiment pas tous les jours que des inconnus me font de tels compliments, c'est d'ailleurs plutôt le contraire qui m'est arrivée. Là où j'attendais des compliments, j'ai entendu les critiques, là où j'attendais de la gentillesse, j'ai reçu la haine et la méchanceté gratuite, là où je pensais pouvoir être appréciée, j'étais humiliée, laissée pour compte. Personne ne mérite de devoir se lever tous les matins en ayant envie de disparaître, personne ne mérite les injures, les insultes, les moqueries. Personne ne mérite de se retrouver seul, sans avoir personne pour l'aider, personne à qui parler, personne sur qui compter. Personne ne mérite les larmes, les insomnies et la boule au ventre qui ne cesse de s'agrandir au fil des jours. Personne ne mérite de devoir survivre quand on est censé apprendre à vivre.

C'était toi, malgré tout. [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant