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- Tu n'as rien oublié, tu es sûre ?

Je vérifie une dernière fois mon sac, on est jamais trop sûr, surtout avec moi.

- Ok, on peut y aller alors.

Ma mère démarre la voiture pendant que je repose mon sac à mes pieds. Les cinq premières minutes du trajet se font en silence, et je les passe à réfléchir à ce que je pourrais dire et si cela serait respectueux malgré tout.

- Pourquoi papa n'est pas venu ? finis-je par demander.
- Je ne sais pas.

Je n'insiste pas et me ravise à l'idée de poser d'autres questions. Avec le temps, j'ai fini par comprendre que certaines questions ne trouveront jamais de réponse ou qu'il valait mieux parfois ne pas en avoir. Mon père ne m'avait jamais emmenée de son plein gré à la gare quand je devais repartir à mon appartement. Parfois, il ne pouvait pas venir à cause du travail et cela ne me dérangeait aucunement, pourtant aujourd'hui il est bien là, à la maison, mais il n'est pas venu me dire au revoir. Un creux se forme au centre de mon cœur et la culpabilité m'envahit. Pourtant ce n'est pas à moi de me sentir coupable.
Comme à notre habitude nous arrivons à la gare avec une dizaine de minutes d'avance, afin d' être sûres de ne pas rater le train. Je n'avais qu'une heure de route et une vingtaine de minutes à pied pour rentrer chez moi.

- Tu veux que je t'aide à porter ta valise ?
- Non, ça ira, elle n'est pas trop lourde pour une fois.

On se dirige en silence dans la gare avant d'observer les différentes télés servant à indiquer les voies et les trains accordés.

- Voie G, annoncé-je en m'y rendant.

Le trajet s'était fait paisiblement, et j'avais même réussi à écrire quelques lignes, même si j'en restais insatisfaite. Je les retravaillerai sûrement plus tard. Le bout de chemin qu'il me reste à pied est beaucoup plus pénible, et la pluie torrentielle ne cesse de s'abattre sur moi, à tel point que je peux jurer de ne plus sentir mes propres mains. Je me maudis de ne pas avoir pris le bus, ça aurait été tellement plus simple, surtout avec cette valise qui pèse une tonne.
Tête de mule.
La résidence en vue, j'accélère le pas, la respiration haletante et le corps complètement glacé par mes vêtements trempés. Et comme pour ne pas changer, l'ascenseur est en panne. Je maudis à nouveau je ne sais qui et prends ma valise à deux mains, en priant pour qu'elle ne casse pas et ne s'écroule pas au milieu des escaliers en m'emportant au passage, je n'ai vraiment pas besoin de ça. Les deux étages montés, je me réfugie aussi vite que possible dans mon petit appartement. L'eau brûlante de la douche me réchauffe peu à peu, et je crois bien que je pourrais y rester des heures. La valise et le reste de mes affaires laissés en vrac quand je suis rentré, sont inévitablement, toujours en vrac. Et il va bien falloir que je me bouge de là et que je me décide à me sécher et m'habiller si je veux pouvoir être tranquille ce soir. Je soupire rien que d'y penser et ferme les yeux, la tête levée vers le pommeau de douche, je me laisse emporter.

Je les avais cherchées partout, mais elles avaient été introuvables. Je pensais pourtant que l'on devait s'attendre, peut-être ont-elles oublié. Quand je les aperçois enfin, assises sur l'un des nombreux bancs de la cour, je les rejoins comme si rien ne s'était passé.

- Ambre ?
- Je vous cherchais partout !
- Ah... répond l'une d'entre elles en pouffant.

Je l'ignore et reviens à mon amie qui m'avait interpellée quelques secondes plus tôt.

- Il faut qu'on te parle, dit-elle, en m'invitant à me rapprocher.

Elle hésite quelques instants puis reprend.

- Voilà... alors, c'est que... comment dire...
- Tu nous soules, complète une autre.
- Pardon ?
- Tu nous soules, ajoute-elle pour confirmer ce qu'elle avait bien dit et que j'avais espéré avoir mal entendu.

C'était toi, malgré tout. [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant