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Accoudée à la fenêtre de la voiture, c'est la boule au ventre que je me repasse en boucle ce que je dois dire à la gendarmerie. Je ne voulais pas porter plainte, c'est ma mère qui a insisté. Mes harceleurs doivent être punis, et ma souffrance doit être reconnue. Pourtant, je ne pourrai porter plainte que contre une seule personne, dû au manque de preuves. Mais comment prouver les insultes dites dans un couloir ? Comment prouver la solitude, les croche-pieds, les rumeurs ? Comment prouver l'humiliation et la haine ? Il y a maintenant une semaine que je suis sortie de l'hôpital, et je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable. Je n'ai que quatorze ans, et j'ai pourtant espéré ne plus jamais me réveiller. Dites-moi, vous trouvez ça normal vous ? Alors que l'on se gare devant la gendarmerie, je relie les captures d'écrans que j'avais faites sur mon téléphone. Un vertige soudain me prend, je ne veux pas y aller. Pourtant, je descends de la voiture et me dirige vers l'entrée.

−Je peux vous aider ? nous demande la femme derrière le bureau.

−Nous venons déposer plainte pour harcèlement, explique ma mère calmement.

La femme se lève et s'approche de nous. Intimidée, je regarde autour de moi et observe les affiches accrochées au mur.

−Est-ce que vous pouvez m'expliquer la situation s'il-vous-plaît ? dit-elle en me regardant.

Je lui tends mon téléphone et lui montre les captures d'écran.

−Ça fait plusieurs mois que la même personne m'envoie ce genre de messages, jusqu'à me menacer et me dire d'aller me pendre.

Elle me jette un bref coup d'il et regarde de nouveau mon téléphone.

−Je... ça ne s'arrêtait plus. Je ne savais plus quoi faire.

−Excusez-moi je vous coupe hein, mais pourquoi il y a une partie du message qui est effacée ?

Perturbée par la question, je ne réponds pas.

−Je...tenté-je de reprendre.

−Vous la connaissez cette personne ?

−Oui, on se parlait normalement avant, et puis du jour au lendemain elle a commencé à m'insulter et à me dire ce genre de choses.

−Sans raison ? me demande-t-elle avec un air hautain.

Je la fixe les larmes aux yeux, ne sachant plus quoi lui répondre.

−Oui, je veux juste que ça s'arrête.

Je lui tends le justificatif d'hospitalisation.

−Non écoutez madame, on ne dit pas ce genre de choses sans raison, d'accord ? Si on vous a dit tout ça c'est sûrement que vous l'avez cherché et mérité, on est d'accord sur ce point ? me demande-t-elle en me rendant mon téléphone.

Une larme coule le long de ma joue. Je ne suis donc pas légitime. Quand vais-je pouvoir avancer ? Quand va-t-on enfin reconnaître que l'éducation française est à revoir ? Quand va-t-on enfin me dire que je n'étais pas en tort, que je mérite d'être reconnue ? La gendarme repart avec une expression presque haineuse sur le visage.

−C'est pour quoi ? lui demande un collègue.

−Oh rien, juste une main courante pour du harcèlement. On va juste prendre sa déposition et on verra.

−Elle a vraiment osé te dire ça ? me demande Héloïse offusquée.

Je lui réponds avec un sourire gêné avant de m'asseoir à côté d'elle.

C'était toi, malgré tout. [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant