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Cela fait quelques minutes qu'Ayden est parti. Je suis toujours devant la porte de ma résidence, le regard dirigé vers l'endroit où je l'ai aperçu pour la dernière fois. Le sac dans les mains, je commence à me demander ce qu'il peut bien y avoir dedans. Je remonte alors à ma chambre, le pas lent et lourd, et une fois rentrée, je pose le sac sur mon lit et m'asseois à côté. Je sors ensuite avec précaution ce qui s'y trouve à l'intérieur, et c'est avec une grande surprise que je découvre mon nouvel ami. Un magnifique ours brun en peluche. Une expression mélangée entre surprise et amusement se dessine sur mon visage.

On dirait une enfant.

Je caresse du bout des doigts le petit ours que je viens de découvrir, émerveillé par un cadeau si simple mais si adorable.

Il m'en faut vraiment peu pour me faire plaisir.

Pourtant remplie de bonheur quelques secondes plus tôt, ce n'est que la tristesse et le regret qui m'envahissent à ce moment précis. Une larme coule sur ma joue, puis une autre, et ça n'en finit plus. Voilà que je pleure à chaudes larmes, seule, assise sur mon lit.

J'aurais dû le prendre dans mes bras.

J'aurais dû. Voilà à quoi se résume ma vie : à des regrets et des déceptions.

***

La soirée a défilé à toute vitesse.
Le reflet que m'offre le miroir est loin d'être agréable : mes yeux sont rouges, cernés, mes cheveux ne sont qu'à peine coiffés. Pourquoi de si petites choses me mettent dans de tels états ? Je retourne à ma chambre et griffonne quelques mots sur mon calepin.

Mes émotions devenues tempête,
Je ne sais plus où donner de la tête*.

Pas terrible.
Je repose mon crayon avec un air dépité. Une nouvelle fois rongée par les doutes, je ne sais plus si cela en vaut vraiment la peine, ni si mes écrits pourraient plaire. Avant, j'écrivais pour moi, pour apaiser mes maux et mes peurs. J'écrivais n'importe où, n'importe quand et parfois pendant des heures, mais aujourd'hui tout est différent. Je ne peux pas m'empêcher de me demander si ce mot est suffisamment descriptif de ce je veux exprimer, s'il n'y a pas une faute par ci, une mauvaise formulation par là. Je me remets en question à chaque mot, chaque phrase, et il n'y a rien de plus épuisant. Je quitte avec déception mon bureau et m'enroule sous ma couette.
Peut-être que ça ira mieux demain.

***

Je suis assise face à elle, le regard basculant d'un tableau à un autre, les mains moites. Je me demande encore pourquoi je suis venue. Elle n'a pourtant pas l'air bien méchante, alors pourquoi en avoir peur ? Je la vois noter quelques mots sur son cahier, rien de bien important j'imagine. Le silence commence à peser, et moi je veux juste m'en aller. Elle pose finalement son stylo et me regarde attentivement. Je la fuis du regard et pourtant je sens le sien peser sur moi. Pourquoi diable me fixe-t-elle ainsi ?

- Dis-moi, nous étions en train de parler de la différence entre vivre et exister, c'est bien cela ?, me demande-t-elle calmement.

- Oui, oui... réponds-je de plus en plus gênée.

Elle baisse de nouveau son regard vers son cahier. Que va-t-elle encore me demander ?

- J'aimerais savoir, selon toi, quand as-tu vraiment vécu ?

Quand il était là. Je le sais que c'est cette réponse que je dois donner. Pourtant, je sais aussi que cela ne me fera que plus de mal, qu'en parler rouvrira une cicatrice peut-être encore à peine fermée. Je ne peux pas. Les larmes me montent aux yeux, mes joues me brûlent, par pitié, je ne veux plus parler. Je ne veux plus ressentir cette boule dans ma gorge, ce vide dans ma poitrine ni cette douleur qui me ronge intérieurement. Je la regarde furtivement et m'aperçois qu'elle me regarde toujours. Elle attend une réponse. Alors je prends une grande inspiration, et malgré la souffrance qui s'intensifie, je réponds :

- Quand j'ai aimé.

Elle ne réagit pas et continue à me regarder. Alors je reprends :

- Quand je l'ai aimé. Puis il est parti, et je n'ai toujours pas compris pourquoi. Il y avait comme ce fil entre lui et moi, qui nous relie quoi qu'il puisse arriver, même lui le disait.

Je reprends mon souffle, secouée par toutes ces larmes qui coulent désormais sur mes joues.

- Il est parti..., ajouté-je dans un soupir.

Je me réveille en sursaut, les joues trempées. Je suis en train de pleurer. La peur s'empare alors de nouveau de moi, je tremble, je suffoque.
Il est parti.
Cette peur de l'abandon me suivra-t-elle si longtemps ? Et si ce comportement ridicule envers Ayden n'était que la peur provoquée par l'abandon d'un amour passé ? Mais c'est plus profond que cela, non ? De quoi ai-je réellement peur au fond ? De lui ? De ses mots ? Par pitié, si je pouvais parfois arrêter de penser.
Je tente tant bien que mal de me calmer, prenant une inspiration profonde. Je sèche mes larmes d'un revers de main et prends la bouteille d'eau posée préalablement à côté de mon lit. Après avoir bu quelques gorgées, je prends mon téléphone pour regarder l'heure.
8h37.
Pour une fois, il n'est pas si tôt. J'hésite quelques secondes à me lever, puis décide finalement d'aller ouvrir mes volets. Le soleil et les oiseaux sont là, je ne peux pas rêver mieux. Je reste quelques secondes à ma fenêtre et prends mon courage à deux mains. Après avoir taper quelques mots sur mon téléphone, je le verrouille et pars me doucher.
Je vais apprendre à vivre. Il le faut.

***

1 nouveau message de : Ayden.

Je reste quelques secondes figée face à la notification qui vient d'apparaître sur mon téléphone.
Ça va aller.
Oui, ça va aller. Ça doit aller. Je clique alors dessus afin d'y voir son contenu.

Ayden : Avec grand plaisir ! Je t'attends au parc pour 15h.

Je ne me serais jamais crue capable d'engager un jour la conversation avec lui, encore moins de lui donner rendez-vous.
Comment vais-je m'habiller ? Est-ce que je dois me maquiller ? Et s'il ne me trouve pas assez bien ?
Eh du calme !
Je prends une grande inspiration. C'est vrai, je dois me calmer, ce n'est pas un rancart non plus. Je repose mon téléphone et attarde mon regard sur l'Ours en peluche qui était tombé de mon lit. Je me précipite alors pour remettre mon lit en ordre et le pose dessus.

- Pardon, je suis vraiment désolée.

Pourquoi tu t'excuses ?
Bonne question. Je crois que c'est une sorte d'habitude que j'ai prise avec le temps, sans vraiment m'en rendre compte. M'excuser pour rien, être désolée pour tout. Une bonne ou une mauvais habitude, je ne sais pas. Il faudrait vraiment que j'arrête de m'attarder sur des choses insignifiantes, cela finira tôt ou tard par me ronger, si ce n'est pas déjà le cas.
Je crois que j'ai vraiment beaucoup de choses à apprendre.

Ou à réapprendre.

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*cf : page 53 de mon recueil La vie t'aimera.

C'était toi, malgré tout. [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant