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Cela fait 30 minutes que je suis posée sur le balcon, à observer les lumières et les étoiles, à repenser à tout ce que l'on a pu me dire jusqu'à aujourd'hui. Aux plus belles phrases et aux plus blessantes, aux plus bouleversantes et aux plus impensables. Je me redresse lentement et jette un dernier coup d'il à la beauté du monde avant de rejoindre Ayden et ses amis. Héloïse est en train de danser avec un jeune garçon que je ne connais pas. Leur danse n'a pas tellement de sens, mais je pense que cela leur est complètement égal. J'aimerais moi aussi, pouvoir me foutre de tout à ce point. Pouvoir rire et danser sans m'arrêter, parler de tout et de rien sans jamais plus avoir peur. J'aimerais pouvoir oser dire les choses et les faire, sans jamais craindre quoi que ce soit. Je me décide à rejoindre Ayden qui n'a pas bougé depuis tout à l'heure. Un verre à la main, il est en train de jouer aux cartes avec le dernier garçon de la bande. Je m'installe alors doucement à ses côtés et me contente de les observer.

- J'ai gagné ! hurle son ami douteusement sobre.

- T'as triché sale menteur, répond Ayden en le désignant du doigt.

- T'as des preuves ?

Ayden ne répond pas et pose les cartes sur la table avec un grand sourire.

- Je t'aurai un jour, ajoute-il.

Son ami ne répond pas et s'installe sur le canapé avant de s'endormir profondément. Je le regarde surprise, s'est-il vraiment endormi en quelques secondes ? Mais comment est-ce possible même ? J'éclate de rire à ma plus grande surprise et Ayden ne peut s'empêcher de faire de même. On part alors dans un fou rire incompris par nos deux danseurs, mais cela n'a pas d'importance. J'essuie mes larmes d'un revers de main et reprend mon calme doucement.

- Je sais, il est assez... surprenant, me dit-il en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Un frisson parcourt mon corps.

- Tout va bien ?

Je m'étonne à le voir inquiet. À autant rire et parler, j'en avais presque oublié mes peurs. Je dévie alors le regard et observe ce qui m'entoure, les fleurs qui ornent la pièce et les lumière des projecteurs, les magnifiques décorations qui habillent les murs et la joie de vivre d'Héloïse. Je l'envie de s'en être sortie. Je sais pourtant que j'en suis capable, et que je peux moi aussi, m'en sortir. S'il ne suffisait que d'essayer... Je me retourne de nouveau vers Ayden et lui sourie.

- Oui, ça va, réponds-je calmement.

Il ne cherche pas à en savoir davantage ni à me poser d'autres questions, et peut-être que c'est mieux ainsi. Peut-être est-ce mieux d'ignorer mes peurs. Mais est-ce guérir de nos peurs lorsqu'on préfère les ignorer ?

***

Il est un peu plus de 3h quand Ayden propose de me ramener. Je le fixe avec mon regard le plus sérieux possible, l'observant de haut en bas, vérifiant les moindres détails qui pourraient m'alerter.

- Je n'ai pas bu d'alcool Inspecteur Gadget, dit-il avec un léger rictus.

- Je préférais m'en assurer.

Il me fixe alors avec un grand sourire, peut-être un peu trop séducteur à mon goût. Je le défie alors du regard, et on reste comme cela pendant plusieurs secondes sans bouger.

- Mais qu'est-ce qu'ils ont Tic et Tac là ? s'esclaffe Héloïse à l'autre bout de la pièce.

- Ils vont finir par tomber amoureux à se fixer comme ça, ajoute l'un des garçons.

A ces mots, j'éclate de rire.
Et pourquoi pas ?
Elle ne m'avait pas manqué celle-là.

- Je dis ça comme ça, mais tu as perdu hein, me dit Ayden avant de se diriger vers la porte d'entrée.

- Oui oui allez, en voiture Simone.

Il sourit et m'ouvre la porte. Pour rien au monde je n'aurais changé ce moment.

***

- Tu me dis plus rien ? m'interroge-t-il.

La tête posée contre la fenêtre, je repense à la soirée, à mes rires et fous rires, à mes danses avec lui, à mes moments d'apaisement et de bien-être. Je nous revoie danser et douter de rien, à cette façon dont on ne faisait plus qu'un. Est-ce cela, trouver l'autre partie de soi-même ?
Tu le sais déjà, tu ne veux juste pas te l'avouer.
Je veux ressentir sa peau contre la mienne, je veux pouvoir le regarder encore et encore, danser et rire, vivre et ne plus avoir peur. Je veux qu'il reste et qu'il ne parte jamais. Mais ce n'est pas comme cela que ça marche.

- Je n'ai pas grand-chose à dire.

- Tu sais que tu mens terriblement mal ?

Oui, je le sais. Mais peut-être un jour arriverai-je à te dire tout ce que je n'ai jamais su dire. Peut-être un jour aurais-je le courage de m'ouvrir pleinement. Peut-être qu'un jour je m'avouerais tout ce que je n'ose pas m'avouer aujourd'hui, et peut-être que ce jour là je vivrai.
Je ne lui réponds pas et continue à regarder par la fenêtre, le regard perdu et les pensées bouleversées. Quelques minutes plus tard, nous voilà déjà devant ma résidence étudiante. Tout paraît si calme que ça en est presque effrayant. Je me redresse et jette un coup d'il autour de nous.

- Ça va aller ?

- Oui, ne t'inquiète pas, réponds-je avec un léger sourire.

- Ce n'est pas moi qui m'inquiète, ajoute-t-il.

Je le fixe surprise, sur ce coup il n'a pas tort. J'ouvre la porte et descends avec précaution. Alors que j'allais la refermer derrière moi, il m'interpelle :

- Ambre ?

- Oui ?

- Envoie-moi un message dès que tu le sens. Enfin, je veux dire, quand tu en auras l'envie ou la force, je ne sais pas trop, dit-il presque gêné.

- Je le ferai, réponds-je avec compassion.

Je referme la porte et me dirige vers ma résidence, sans même prendre le temps de me retourner. C'est bien la première fois que je le vois comme ça.
Il est amoureux...
Ne dis pas n'importe quoi ! Personne n'aime les gens comme moi.

C'était toi, malgré tout. [EN REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant