Isaac semble déterminé à ne pas lâcher mon père malgré la situation, c'est cependant très déplacé. Je n'ai pas envie de m'embrouiller, je n'ai pas la force. Je ne le calcule pas, mais il ne semble pas lâcher l'affaire.
« Tu es fâchée ? Écoute, il faut que tu me croies ! »
Je préfère encore jouer la carte de l'ignorance. En plus de ça, je suis fatiguée. Je sens mes paupières s'alourdirent. Je ferme alors mes yeux. Je n'ai même pas pu bien somnoler qu'on est déjà arrivés. Ce trajet fut rapide mais j'ai tendance à oublier qu'on n'habite pas très loin du commissariat. Isaac me secoue brutalement mais il ne semble pas comprendre que j'étais déjà réveillée.
« C'est ce que je t'ai dit qui t'as fait endormir ? Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas me croire ? »
Je sors de la voiture sans dire un mot. Si je vais passer quelque temps chez lui et qu'il me refroidit, ça ne va pas le faire. J'attends que son père sorte de la voiture avant d'avancer puis on se dirige chez lui. Ça fait tout drôle de ne pas rentrer chez moi. Je suis en face de ma maison et c'est assez perturbant.
Je me retourne pendant dix secondes, je vois son père me regarder à travers les reflets de ma maison.
« Allez viens, ce n'est pas pour longtemps ! »
Il se veut rassurant mais je reste un très inquiète. Je les suis puis je rentre enfin chez eux. J'étais déjà venue chez lui, il y a deux semaines mais je me rends compte que je découvre encore des choses que je n'ai jamais vues. Je suis face à une sorte de mini-télévision avec laquelle on peut interagir avec des alphabets mis à disposition. Je pensais que la télévision était incroyable mais cet objet l'est encore plus, je ne sais même pas comment ça s'appelle en plus.
« On appelle ça un ordinateur personnel, c'est assez nouveau. »
« Il a un petit nom bien spécifique, c'est l'Apple II, je me suis fait plaisir. »
Son père semble être fier de ce qu'il a acheté, ça se voit sur son visage. Je me doute bien que ça doit coûter extrêmement cher. Je pourrais passer la soirée à énumérer les choses que j'ai découvertes chez Isaac, c'est assez hallucinant.
« Tu veux découvrir encore un truc de malade, viens voir ! »
Je monte dans sa chambre, et je découvre une sorte de jeu électronique nommé « Pong ! » Je tombe des nues, je ne pensais pas que c'était possible de jouer sur un écran ! On s'est fait une partie, j'arrive même à oublier le froid qu'on avait tous les deux tout à l'heure. On passe des heures dessus, ce genre d'objet est révolutionnaire. Je n'y crois pas mes yeux.
« J'avais l'habitude de faire venir mes potes, pour y jouer, ils trouvaient ça trop cool ! Je ne m'en lasse jamais. »
« Je suis tellement habituée à jouer aux cartes que ça m'impressionne tellement. »
Isaac a vraiment un temple chez lui quand on y prête attention. Parfois, je me demande si mon père savait que ce type d'objet existe. Il est encore à l'ancienne.
« Je suis tellement chanceux d'avoir tout ça ! Mes potes m'envient tous, quand je reviens du sport, ça me permet de me détendre. »
Quand je le regarde je vois en lui, une certaine satisfaction, j'aimerais parfois être comme lui. Être heureuse. Il a un papa incroyable, des amis sur qui compter, et la chance d'avoir les dernières technologies. Ce type de chose semble tellement simple mais compliqué à avoir. D'ailleurs, quand je suis avec lui, je me sens tellement moins seule.
Ceci dit, plus le temps passe, plus je me lasse du jeu. Il est addictif mais à force d'y jouer, on n'en a plus vraiment envie. D'ailleurs, je suis en train d'y penser, mais on est tellement partie précipitamment que j'ai oublié de faire mes affaires. Il me manque ma tenue de nuit et pleins d'autres choses.
« Je peux retourner chez moi vite fait ? J'ai oublié quelques affaires. J'ai la clef, je ne dure pas. »
« Tu veux que je t'accompagne ? »
« Non, ça ira, merci. »
Je descends les escaliers puis je me dirige vers la porte d'entrée. Son père assis au salon, semble surpris mais Isaac lui explique que je reviens. Sans mentir, ça fait du bien de prendre de l'air frais, de souffler. J'essaye de faire vite, je suis sous la responsabilité du père d'Isaac mais j'ai tellement envie de rester chez moi. Mon cocon me manque déjà. J'ouvre la clef de la maison et j'ai cette impression que tout est resté figé. J'entends la voix de mon père dans ma tête, c'est une sensation assez particulière.
Je monte les escaliers deux par deux, j'atteins enfin ma chambre et je prends mes affaires. J'ouvre le tiroir pour prendre ma brosse à dents puis caché sur le chevet de ma table, je me rends compte qu'il y a posé deux cent huit francs. C'est assez ahurissant, je ne me souvenais pas d'avoir autant d'argent dans ma chambre. Je ne sais pas si je devrais les prendre ou les laisser. Un dilemme cornélien s'impose. Après mûre réflexion, je décide de les laisser. Et si c'était, Papa ?
Je décide de quitter la maison à contrecœur. Je lâche à un dernier regard avant de tourner les talons. Je ne comprends pas pourquoi Papa m'a laissé autant d'argent, je ne m'imagine pas ma vie sans lui, l'argent ne pourra pas remplacer sa présence. Je marche en destination de chez Isaac, puis j'arrive enfin les mains remplies d'affaires, j'ai fait en sorte de prendre beaucoup de choses, je ne sais pas combien de temps tout ça va durer.
« Tu es venue les bras bien chargés, dis donc. Tu comptes rester avec moi toute la vie ? »
Je soupire mais au fond de moi, j'ai envie de rigoler.
« Attends, viens ! C'est ici que tu vas dormir ! C'est la chambre de ma grande sœur mais elle est partie à l'étranger. »
Elle est vraiment chouette sa chambre, j'en prendrai soin.
« Je te laisse t'installer. Quand tu as fini, descends, le repas est presque prêt. »
Il est adorable, il est aux petits soins mais je n'ai pas vraiment faim, j'ai juste envie de dormir. Je pense à mon père. Et voilà, je craque. J'essaye de faire en sorte qu'ils ne m'entendent pas mais je pleure à chaudes larmes. Je me sens impuissante face à cette situation. Mes paupières s'alourdissent puis je m'endors. Trois heures après, je me réveille. J'essaye de faire bonne figure puis je m'apprête à descendre quand j'entends le père d'Isaac crier sur lui. Je m'arrête alors puis je l'entends dire des mots blessants.
« Je ne comprends pas pourquoi tu as fait en sorte qu'elle vienne ici, elle risque de tout découvrir. »
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Sombres Affaires
Mystery / ThrillerOctobre 1974. Dans 3 mois, la nouvelle année et le temps des nouvelles résolutions... Peut-être qu'avec elles, mon père finira par changer, par redevenir lui-même ? D'étranges disparitions frappent la paisible ville de Rouen et tourmentent mon père...