Je suis en état de choc et abasourdie. Son père est à côté de lui, d'un air dépité. Les lumières bleues et rouges de la voiture de police illuminent tout le quartier. Les policiers ressortent avec des boîtes noires, les mêmes que j'avais trouvés dans l'appartement. Je me rends compte que ce ne sont pas les policiers que je croise d'habitude au commissariat.
« Aminata, tu ne peux vraiment pas rentrer là-bas ! Tout est quadrillé ! Tant pis pour tes affaires. J'ai bien l'impression que c'est le fils le coupable. Ils ont encerclé la maison. »
Je n'arrive pas à y croire. Je pense qu'ils se sont sûrement trompés. Ça ne peut pas être lui. Non, je veux qu'on me réveille de ce cauchemar. Pendant le moment, où je me sens envahit par la situation, je sens une main me tapoter le dos.
«Zyneb, je peux enfin t'expliquer ce qu'Isaac m'a fait et a fait à toutes ces filles. Certains policiers ont fait en sorte de me mettre sous silence. »
C'est Ruth complètement tétanisé qui me raconte, toute cette histoire.
« Isaac a toujours été envahissant et un vrai prédateur avec les filles surtout avec ses potes. »
Donc la fille qui a crié la dernière fois c'était par rapport à Isaac ? Quel menteur, il a fait ce cinéma juste pour se donner une bonne image. Je suis abasourdie.
« Isaac me tournait autour depuis longtemps. Je lui ai fait comprendre assez rapidement que je n'étais intéressée par lui, il était en colère, il s'est dit qu'il m'aurait de force. Cette soirée-là, je rentrais avec mes copines, quand je sens une main sur ma bouche puis plusieurs personnes m'attraper pour m'empêcher de me débattre. D'un coup, je reçois un gros coup sur ma tête. Trou noir. »
J'écoute avec attention ce qu'elle raconte. Je commence à me souvenir des quelques actions qu'il avait eues sur moi.
« Je me réveille dans une cave. Prise de panique, je hurle. Personne ne semble m'entendre. Je sens dans cet endroit insalubre, une odeur à vomir. Je regarde sur ma gauche, sous des draps, deux jeunes filles inconscientes. Je pense même qu'elles étaient mortes. Je me demandais ce qu'il allait m'arriver. J'étais mal. »
Ruth me bouleverse quand elle me raconte tout ça. Il est pour moi difficile de m'exprimer, j'écoute sans dire un mot. Ma mère n'est pas très loin et semble aussi triste que moi.
« Il arrive avec ses potes, quatre heures après m'avoir jeté comme une merde ici. Ils sont venus avec deux jeunes filles puis il m'a regardée avec un regard noir puis m'a donné un coup de poing au visage. Il a hurlé en nous a demandant de nous déshabiller. »
Depuis tout ce temps, j'étais ami avec un prédateur sexuel et assassin. Je comprends mieux pourquoi Ruth était en colère quand je restais avec lui.
« Après avoir réussi à faire ce qu'il voulait faire, ils nous gardaient pendant trois mois maximum. Ce qui me choquera à vie, c'est ce sang froid qu'il avait quand lui et ses potes, pointaient un pistolet sur la tempe de chacune de nous. Un jour, il décide de tirer dans le crâne de quatre filles, sur un coup de tête. Le sang d'une de ces demoiselles s'est éclaboussé sur moi. Ça m'a marqué, j'en tremble encore. »
J'en tremble aussi, ça me fait froid dans le dos. D'autant plus qu'il aurait pu me faire la même chose.
« J'ai encore hurlé après ça, il m'a pointé son pistolet sur mon front, puis il m'a dit qu'il ne me fera rien, que j'étais sa préférée. Ça a été comme ça pendant trois mois, je devais obéir à ses ordres, jusqu'au jour où je décide de m'enfuir. Jusqu'à présent, je me demande comment j'ai fait étant donné que la cave était tout le temps sous surveillance. »
Ruth continuait à me raconter tout ce qu'Isaac et ses potes lui ont fait subir tout en regardant la voiture de police s'éloigner des lieux sous les mécontentements des personnes. Le monde était en train de le huer, de taper sur la voiture de police, qui rencontrait des difficultés à avancer. Je croise son regard, je le regarde avec dégoût mais il ne semble pas impressionné ni par moi, ni par la situation. Il commence à s'éloigner peu à peu du quartier.
« S'il ne t'a rien fait, c'est parce qu'il voulait quelqu'un comme toi dans sa poche. Ainsi, il pouvait faire ces actions sans aucun souci. Il savait que tu l'aimais beaucoup, tu étais facilement manipulable. Son cirque a pas mal marché mais ça se termine enfin. »
On a enfin trouvé le coupable et c'était cette personne que je considérais mon meilleur ami.
Après tout ça, les prochaines années qui ont suivi ont été une grande bataille pour moi.
Je me souviens jusqu'à mes 18 ans, j'ai sombré. Certaines personnes m'ont jugée car selon eux, j'ai été au courant. Ça a été une période assez compliquée, je m'en suis voulu de ne pas avoir été là pour Ruth et surtout d'avoir été amie avec un garçon aussi horrible. Cette affaire était devenue médiatique, on parlait de lui aux informations, tout le temps. Je le voyais à la télévision, il était là, dans le box des accusés, j'avais du mal à le reconnaître. Il était face aux victimes, Ruth était là. Ils montraient les fameuses boîtes noires, où il y avait dans une un pistolet et dans l'autre, les adresses où les corps étaient. Ça me dégoûtait encore plus, je regardais ça de chez ma mère. En y pensant, si j'ai pu remonter la pente, c'est grâce à l'amour de mes parents. J'ai pu rencontrer mon père qui m'a sauté dans les bras, je m'en souviens comme si c'était hier. Je suis partie vivre la moitié de ma vie chez ma mère, donc moi et Ruth, on se voyait plus souvent mais on a quand même réussi à garder contact pendant toutes ces années, les nouvelles technologies actuelles ont facilité les choses.
Quand j'ai eu 20 ans, je me suis intéressée au droit avec ce que j'ai vécu, j'avais envie d'aider et de défendre la voix des femmes. Le métier d'avocate, était fait pour moi. J'ai exercé ce métier toute ma vie. Je suis évidemment tombée sur des cas extrêmement graves, qui m'ont parfois fait pleurer. C'était un métier à la fois passionnant, mais tout aussi dur.
Je n'ai jamais cherché à savoir ce qu'était devenu Isaac mais de ce que j'ai entendu de mes collègues, c'est qu'il se fait régulièrement tabasser par des détenus de prison et qu'il change régulièrement d'endroit. Son père est aussi en prison car il aurait poussé mon père adoptif à se suicider car il faisait du chantage concernant mon histoire et surtout était au courant des agissements de son fils. J'ai entendu beaucoup de rumeurs qui disaient que ce monsieur que je considérais comme mon père, avait l'intention de révéler la nature de leurs relations et surtout dénoncer son fils, il avait découvert que c'était le coupable. Ce qui expliquait pourquoi il s'absentait beaucoup du domicile, il enquêtait sur lui clandestinement, ce qui mener à beaucoup de conflits entre eux.
Le fait d'avoir été volée par ce monsieur a été compliqué pour moi, concernant la construction d'une relation avec mon vrai père. Quand j'ai commencé à être une adulte, je me suis rendu compte à quel point c'était grave ce qu'il avait fait. Heureusement, que les années ont amélioré notre relation. Il y a quand même en moi de la colère car je n'ai pas eu cette enfance avec mes vrais parents.
Ce qui m'a beaucoup choquée, c'est que ma disparition, n'ait pas été aussi médiatisée, tout a été camouflé. Sans le courage de ma mère et aussi de mon père, je serais encore en train de vivre dans le mensonge. C'est aussi vraiment une chance que cette histoire de meurtres de jeunes filles, ait été résolue étant donné que c'est le fils d'un policier.
Je parlais beaucoup de mes histoires à mon mari. C'était un moyen pour moi d'extérioriser cette haine que j'avais en moi. En ce moment, j'en parle moins mais même à mon âge actuel, il m'arrive d'y penser alors que je pensais que tout ceci était derrière moi.
Ce qui me fait avancer, ce sont mes amies et surtout mon mari.
Aujourd'hui, j'ai actuellement soixante-quatre ans et ce qui m'est arrivé pendant mon adolescence m'a marquée à vie. Voici mon histoire.
VOUS LISEZ
Sombres Affaires
Misterio / SuspensoOctobre 1974. Dans 3 mois, la nouvelle année et le temps des nouvelles résolutions... Peut-être qu'avec elles, mon père finira par changer, par redevenir lui-même ? D'étranges disparitions frappent la paisible ville de Rouen et tourmentent mon père...