Chapitre 32 : Questionnement

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C'est assez inhabituel étant donné qu'Isaac est censé être là. Je décide de répéter la manœuvre. Le vide total. Je fais le tour du quartier, je tourne en rond. Je redécouvre des choses que je n'avais jamais vues. Comme la construction d'un nouveau bâtiment. Des personnes vont encore habiter ici comme si on n'était pas déjà nombreux.

J'ai l'impression d'être une sans domicile fixe. Je m'assois par terre, je me lève. Je me gratte la tête à en perdre les cheveux. Je fais le parcours contraire pour essayer de voir s'ils ne sont pas partis par là. Nada. En même temps Isaac n'est pas parti à l'école aujourd'hui, quelle idiote ! Je marche sans aucun but précis, je sens mes pieds s'alourdir. Je décide de revenir sur mes pas. Je reviens à la case départ. Je vois le temps avancer d'une vitesse folle, je commence à avoir un creux. J'avance alors devant la porte, je commence à taper avec force, comme une tarée, pendant plusieurs fois.

« IL Y A QUELQU'UN ? IL Y A QUELQU'UN ? »

Je hurle à en perdre ma voix. En pleine détresse, j'entends quelqu'un hurler mon prénom. Je me retourne et c'est Isaac qui vient en courant.

« ON EST DÉSOLÉS, TU ES LÀ DEPUIS LONGTEMPS ? »

C'est une plaisanterie ? Il était parti où ? Je suis là comme un demeuré à attendre que l'on m'ouvre. Son père quant à lui, là-bas, au loin prend son temps. Il est le seul à avoir la clef, il devrait se dépêcher, il commence vraiment à me taper sur le système. Je suis au bord de la famine et il n'en a rien à faire. Cependant, je dois prendre sur moi, sinon ça risque de se retourner contre moi.

Il arrive enfin à la porte. Je n'attends qu'une seule chose, manger.

« Tu veux que je te prépare quelque chose, vite fait ? »

Je le réponds que oui. Il court dans la cuisine me confectionner quelque chose et puis son père est là. Il tourne en rond. Il n'a pas l'air dans son assiette. Il a du mal à marcher, il s'est passé quelque chose lors de leur sortie ? Je le regarde avec attention puis quand il tourne son regard envers ma direction, je détourne le regard. Il me regarde d'une manière assez insistante.

« Voilà ce que j'ai fait pour toi. »

Isaac me tend l'assiette sous mon nez, je sursaute, je pensais que c'était le père d'Isaac.

« Pourquoi tu as peur, toi ? Tu m'as l'air tendue. »

L'ambiance est assez étrange. Comme si elle était sous tension. Le père d'Isaac ne calcule même pas son fils depuis qu'ils sont rentrés. Quelque chose s'est passé mais je ne sais pas quoi.

« Eh oh ! Je te parle, tu es dans la lune ? »

« Non, t'inquiète ! Je pense aux tonnes de devoirs à rendre ! Je suis débordé. »

« Tu regardes depuis tout à l'heure le vide. Tiens mange ! »

Je ne suis pas très fan des légumes. Je déguste ce plat sous ces yeux pour lui faire plaisir mais à l'intérieur de moi, j'ai envie de vomir. Il me regarde avec ses grands yeux marron. Avec tout l'effort qu'il a fait, je me dois au moins de manger la moitié.

« Zyneb, tu peux venir voir quelques secondes, s'il te plaît ? »

C'est le père d'Isaac qui souhaite discuter. Il est là, il m'attend. Ma bouche est pleine de nourriture, je m'efforce d'avaler ce que j'ai dans ma bouche. C'est affreux.

Son père a tellement de cernes, on dirait qu'il n'a pas dormi de la nuit. Il commence à parler.

« Je veux que tu saches que je suis désolé pour toutes ces réactions. Je ne veux pas que tu les prennes pour toi. Je compatis ta peine concernant la disparition tragique de ton père. »

Je trouve ça assez sympa de sa part mais je ne sais pas, je ne le trouve pas sincère. Je l'écoutais sans vraiment y prêter attention. J'ai cette impression qu'il se forçait. Il continue son discours.

« Tu sais Isaac tu aimes vraiment beaucoup, il serait capable de décrocher la lune pour toi. Quand tu es triste, il va mal. »

Ça me touche de la part de son père.

« Vous parlez de quoi ? J'ai entendu mon prénom. »

Isaac déboule dans la conservation, il changera donc jamais.

« Non rien, arrête de te mêler de tout. Ce n'est pas vrai ça ! »

Son père essaye d'esquiver la discussion au moment où Isaac arrive.

« Allez, bon courage pour les cours ! »

J'observe l'horloge et je me rends compte que l'heure est presque arrivée. Avec le temps que j'ai perdu à cause du fait qu'il était sorti pour aller je ne sais où. Le temps est passé trop vite. Je mets dans ma bouche les dernières bouchées de brocolis puis j'enfile mes chaussures avec précipitation, j'en arrive même à emmêler mes lacets tellement que je ne sais pas où donner la tête. Je jette un dernier coup d'œil au cours que je vais avoir et je me dirige vers la porte d'entrée.

« Zyneb, je te le rappelle encore mais demain, n'oublie pas, il y a l'enterrement de ton père. »

Il me le dit en me tenant la main. Avec tout ce que j'ai à gérer j'en oublie même que ce fameux enterrement approche à grand pas. J'ai du mal à comprendre qu'il ne reviendra pas.

Je décide enfin de partir. Isaac me dit au revoir avec le geste de la main puis je ferme la porte. J'espère que cette après-midi va bien se passer. Je ne sais pas ce qui m'attend mais l'envie de me reposer m'envahit. Je regarde le panneau de bus et mince, le bus est déjà passé. J'aurais aimé éviter de marcher, tout ce retard me perturbe, j'essaye de me dépêcher.

La pluie s'annonce, les gouttes de pluie commencent à venir sur mon visage, je commence à être humidifiée. Mes pas sont de plus en plus rapides. Je me rends compte qu'au moment où je me dépêche, mon sac était ouvert. Je m'empresse de fermer mon sac, c'est évidemment avec regret que quelques feuilles de cours sont humectées.

Je me rapproche de l'école quand je croise un groupe de garçon qui me dévisage. Je les regarde à mon tour. Je me demande si ce n'est pas les potes à Isaac. Les portails sont ouverts, je rentre à l'école quand une fille me suit puis me tapote l'épaule.

« Ruth a besoin de toi et tu l'as abandonnée, je trouve ça lâche de ta part. »

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