Chapitre 6 : Le vide dans mes pensées

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Qu'est-ce que j'ai fait encore ? C'est la première phrase que j'ai sortie dans ma tête. Je traîne les pieds en entendant les autres ricaner derrière.

La porte est déjà ouverte. Il me demande de m'asseoir. Je le fais.

« Je suis sincèrement désolé de vous avoir accusé à tort. Vous n'y êtes pour rien. »

Je suis tellement soulagée ! Je suis contente qu'il le reconnaisse.

« Si vous vous sentez mal dans la classe, dites-le-moi. Juste, vous ressemblez à un bébé sur un magazine, je ne l'ai plus sur moi. »

« Ah bon ? »

« Je me trompe sûrement, oubliez ce que je viens de dire. »

« Pas de problème. »

« Je vous souhaite une agréable journée. »

À ce moment-là, je me demande pourquoi je ne lui en ai pas parlé des propos racistes que j'ai eus et du jugement que je subis. C'est sûrement la peur que mon cas s'aggrave auprès de mes camarades. J'espère ne pas le regretter. Le proviseur qui me parle d'un magazine de bébé, c'est la grosse blague. Il est vraiment atypique ce proviseur. Je retourne en cours en marchant au ralenti, les personnes de ma classe m'angoissent tellement, j'ai envie de rentrer chez moi.

À mon retour, le professeur est enfin venu. Je n'ai jamais été aussi contente de le voir. L'attention sera portée sur lui. Il lance un petit topo de la semaine dernière et c'est parti. La porte se referme, mais la fenêtre ouverte de la classe fait passer de l'air assez agréable. Tellement agréable que ça me fait déconnecter du cours et me fait revivre mes soucis. Plus le temps passe, plus je me désintéresse du cours. Je me souviens quand Papa me disait que je retournais en cours, je semblais contente mais, au fond, je préfère rester à la maison.

Le vide qu'il y a en moi est tellement grand. Je n'arrive même plus à faire l'effort d'aller vers les autres. Ce jugement constant m'a tellement renfermée sur moi mais je suis obligée de continuer à aller à l'école, sinon, Papa serait mécontent. D'ailleurs, je me demande, je n'ai eu plus aucune nouvelle de sa copine. J'aimerais qu'il m'en parle plus souvent. Je ne le jugerai absolument pas. J'ai l'impression qu'il a honte, limite, et qu'il a fait ça pour que j'aie de la compassion pour lui, et devinez quoi ? Ça a marché.

Au moins, lui, il a quelqu'un dans son cœur mais moi, personne. Je me sens vide. Je n'arrive pas à aimer, ni à m'ouvrir à cette classe d'hypocrite. Il faut que je me ressaisisse, j'oublie que je suis en cours, faut que je redescende sur terre.

Je compte les secondes avant la fin du cours, avec chance, ça s'approche. Je n'ai pas vraiment suivi le cours malgré le fait que ça soit avec mon professeur préféré.

« Zyneb à la fin du cours, il faut qu'on parle. »

Le professeur veut me parler, encore une personne ? Tout ceci fait beaucoup. La sonnerie retentit, je suis obligée d'attendre, de voir les personnes partir. Après que la dernière personne décide enfin à s'en aller, le professeur s'approche de moi.

« Il faut que tu sois beaucoup plus active en cours. »

Je n'avais pas envie de lui parler de mes problèmes, j'acquiesce de la tête.

« Tout le monde participe et tu es toujours dans ton coin, ça ne va pas. Si tu ne comprends pas, lève la main, je me ferais une joie de t'aider. Essaye un peu de t'intégrer à la classe. Ils ne sont pas méchants [...] »

« Ils ne sont pas méchants. » Je n'en reviens pas, en même temps, il ne voit rien.

Le professeur essaye de me remplir de cerveau avec ses convictions hâtives, qui ne servent à rien. Je soupire dans ma tête quand le proviseur débarque dans la classe, il passait par là, en allant manger.

« C'est bon, tu peux la relâcher, il est midi là. Il faut qu'elle aille manger. »

J'ai l'impression que le proviseur voit enfin ce que je subis. Avant, il était tellement dur avec moi qu'il m'a exclue par rapport aux vols. Il se rend compte de ses erreurs et il tente de se rattraper. Le professeur finit par me laisser partir mais à son regard, j'arrive à comprendre qu'il avait encore d'autres choses à me raconter. Je pars précipitamment sous le regard du proviseur et du professeur. Je vois le bus qui s'apprête à arriver, il faut que je me dépêche. Je finis par avoir le bus avec de la chance.

J'ai tellement faim ! Il me tarde de manger. J'arrive enfin à la maison pour la pause de midi. J'appelle Papa mais personne répond, ça ne m'étonne pas de ne pas l'entendre. Je fais mon plat, avec ce qu'il reste au réfrigérateur. Je trouve des pâtes faites la veille. Je commence à manger. Je me dépêche car j'ai déjà perdu suffisamment de temps à cause du discours foireux du professeur.

L'heure tourne, mais il me reste un peu de temps pour faire tourner le vinyle que Papa a acheté. Je le mets en route puis c'est comme si mon corps lâche prise, la musique jazz m'emporte. Elle m'emporte tellement que je vais m'endormir. Je me rhabille puis je prends avec moi une bouteille d'eau car cette après-midi, on a sport et je sens que ça me faire du bien. Je me dirige au lycée plus tôt que prévu mais les personnes de ma classe sont déjà là.

Je marche en direction des portes où il y a des bancs, j'attends l'ouverture des grillages. Quinze minutes ont été suffisantes pour l'attente. Les grillages s'ouvrent quand je vois Isaac débarquer avec vitesse.

« Tu as bien mangé ? J'ai croisé ton père en venant, il semblait essoufflé et toujours aussi effrayant ! »

C'est vraiment le côté que je déteste chez Isaac, il ne veut pas lâcher mon père. Il ne se rend pas compte pas à quel point j'ai horreur qu'on juge les personnes. Surtout mon père. Je décide de pas faire attention, je rentre directement dans la cour.

« Qu'est-ce qu'il y a ? Rien ne va plus dans votre couple ? »

Encore un débile de plus. Bien évidemment, le professeur n'est toujours pas arrivé. Tout le monde l'attend, ils ont quoi à arriver tous en retard ? Quelques minutes après, j'aperçois une ombre se diriger vers nous, c'est enfin lui. À peine venu, il nous demande déjà de commencer à s'échauffer en courant tout le long de la cour. Tout le monde s'exécute. Je le fais aussi mais je cours à mon rythme quand je vois les garçons courir comme des bourrins, ça me fait doucement rire. Ils seront les premiers à se plaindre.

Je continue à courir à mon rythme quand je vois une fille de ma classe ralentir et venir à mon niveau. Je trouve ça assez étrange mais je ne me pose pas plus de question que ça. On se regarde puis elle lance la discussion.

« C'est la honte d'être adoptée ! »

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