« Tu peux te décaler de la télévision, s'il te plaît ? »
Il me lance ça d'une manière assez calme mais tellement autoritaire. Je me rassois avec les jambes qui tremblent. J'aimerais un jour comprendre pourquoi ils se détestaient de la sorte. Je pense que le problème est beaucoup plus profond que ça en a l'air.
« D'ailleurs, j'y pense. L'enterrement de ton père aura lieu vendredi. »
C'est à partir de là que je réalise le fait qu'il soit définitivement parti. Je n'ai même pas eu la chance de le revoir vivant. Mes larmes commencent à monter mais je me retiens. D'ailleurs, il est tellement concentré à regarder la télévision qu'il me le dit assez sèchement, sans aucune émotion.
Assez étonnamment, il ne regarde pas la chaîne d'information mais une série télévisée. Ce n'est pas vraiment de son genre. Il a envie de décompresser après cette longue journée chose que je peux comprendre mais quand tu vois un grand homme baraqué d'un mètre quatre-vingt-cinq ricaner à une série d'adolescent, je me rends compte que le contraste est assez grand.
Je n'ai jamais regardé ce type de série, je trouve qu'ils caricaturent pas mal nos vies. Il y a tellement un manque de représentation, je ne me reconnais pas du tout dans tout ceci. Moi, je m'intéresse beaucoup à la vraie vie, à ce qui passe actuellement dans le monde et même dans ma ville. Quand j'en parle, les personnes de mon âge me trouvent trop mature ou alors ils auront tendance à me regarder bizarrement. C'est une des raisons pourquoi je ne m'intéresse pas aux bêtises de mes camarades, je me sens différente.
La seule fois que je me suis intéressée à la vie scolaire des personnes de mon âge, c'est quand la demoiselle a eu une agression sexuelle. Ce qui lui est arrivé, m'a touchée. Le fait que ce genre de chose arrive à même mon lycée, me fait froid dans le dos. C'est répugnant. La personne concernée n'avait même pas honte de le dire devant tout le monde. Il fallait quand même qu'Isaac lui en colle une pour qu'il avoue.
Une honte, c'est censé être son ami. Je salue le courage d'Isaac, plus jamais je ne douterais de lui. Il faudrait une sanction disciplinaire pour ce genre d'individu mais je crains bien qu'il n'y ait rien à moins que je me trompe. C'est pour cela que je m'intéresse autant à ce qui passe dans la ville. C'est d'ailleurs pour ça que j'aime regarder la chaîne d'information mais malheureusement, ce ne sera pas le cas aujourd'hui. J'attends avec impatience l'avancée de l'enquête sur ce qui a pu arriver à ces jeunes filles, le coupable et tout ce qui s'en suit. Après avoir mis en perspective tout ce qui se passe dans ma vie, j'entends la porte d'ouvrir puis la porte de claquer d'un coup, Isaac vient d'arriver. Il a le visage bien tuméfié, son père se retourne puis voit son fils dans cet état.
« IL S'EST PASSÉ QUOI ENCORE ? TU T'ES ENCORE BATTU ? »
« Papa, je te jure, je n'ai rien fait ! »
Son père fait les cent pas, avant de lui questionner.
« Comment ça se fait que tu sois complètement amoché, alors ? »
Isaac se met à me regarder. Dans son regard, on sent de la tristesse. Il décide de monter dans sa chambre sans répondre à la question.
Son père le regarde se diriger dans sa chambre sans dire un mot.
« Après, ils nous disent faites des gosses ! »
C'est ce que son père lance à propos de son fils. Je regarde le plafond puis je mets mes mains dans mon visage. Je me demande qu'il m'ait pris de provoquer tout ça. Je me sens coupable. D'un coup, je décide de monter en direction de sa chambre pour aller le voir. Arrivée devant sa porte, j'ai un moment d'hésitation. Je me demande si c'est une bonne idée, il doit être énervé. Je décide finalement de redescendre.
« Zyneb ? Rentre ! »
Assez étonnamment, il a entendu que j'étais là.
« Sache que je suis désolée pour tout ça. »
« Arrête d'être tout le temps désolé, ce n'est pas grave.
Il se lève puis continue à parler.
« Ce que ce mec a fait, c'est dégueulasse, et dire que je le considérais comme un pote ? La mauvaise chose c'est que le proviseur m'a viré pour trois jours. Je ne sais même pas comment le dire à mon père. »
« Si tu lui expliques calmement le pourquoi du comment, je pense qu'il comprendrait. »
« Ouais, je pense que je devrais faire ça. Mais attends Zyneb, tu n'étais pas censée envoyer une lettre à des personnes où je ne sais pas quoi ?»
C'est vrai, il a raison, j'avais complètement oublié.
« Tu veux qu'on le fasse ensemble ? »
On décide alors de chercher un papier et un stylo. On commence à réfléchir à comment on pourrait amener la chose, je n'ai jamais fait ça auparavant.
« Qu'est-ce que tu penses de ça Zyneb ? Bonjour, Madame. Je ne vous connais pas mais je vous ai vu pleurer »
« Non ! On ne devrait pas évoquer le fait qu'elle ait pleuré, en plus elle était deux ! »
On passe les quinze dernières minutes à chercher les mots puis on finit par enfin écrire quelque chose de potable.
« N'oublie pas le timbre. »
Je le mets dans mon cahier de correspondance et c'est prêt à être posté.
« D'ailleurs, comment tu as su que mon père connaissait cette adresse ? »
« Ton père en parlait beaucoup à mon père, il disait être harcelé par cette adresse. Il ne comprenait pas pourquoi ces personnes lui écrivaient. D'ailleurs, mon père m'a dit de te dire qu'on va enterrer ton père vendredi. »
« Je sais. »
« Mon père me disait aussi qu'il se sentait mal par rapport à la mort de ton père, il se sent responsable. »
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Sombres Affaires
Mistério / SuspenseOctobre 1974. Dans 3 mois, la nouvelle année et le temps des nouvelles résolutions... Peut-être qu'avec elles, mon père finira par changer, par redevenir lui-même ? D'étranges disparitions frappent la paisible ville de Rouen et tourmentent mon père...