Chapitre 1 : Nouvel espace de travail

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- Mozart, entendez mon conseil. Restez à votre place, et tout ira bien entre nous.
Mozart sentit son sourire s'élargir quand Salieri tourna les talons pour quitter la salle, visiblement troublé par ce qu'il venait de voir. Il éclata de rire en même temps que les musiciens, fier de lui. La séance se termina rapidement, et le jeune prodige regagna le bâtiment de madame Weber, où il louait une chambre. Constance, qui était rentrée avant lui, l'accueillit d'un sourire auquel il répondit d'un clin d'œil charmeur. Il avait commencé à flirter avec la demoiselle, mais celle ci, touchée par son attention, n'avait pas voulu aller plus loin que quelques baisers. Elle connaissait sa réputation libertine et aguicheuse, et ne voulait pas avoir le cœur brisé, aussi avait-elle renoncé à son amour pour le compositeur, ce qu'il avait comprit. Constance était à ses yeux une amie précieuse, bienveillante, et toujours présente lorsqu'il avait besoin de sages conseils. Toutefois, cette fois ci, Wolfgang était préoccupé par une chose dont il ne pouvait parler à la jeune femme, pour la raison que c'était prohibé par la société. En effet, quand, plus tôt, il avait vu les réactions de Salieri à sa musique, quand il avait vu l'envie briller dans ses iris, et son corps se crisper sous le délice qui le consumait, il s'était surpris à désirer intensément le musicien de la cour. Ce n'était pas la première fois qu'il ressentait cela pour un homme, mais jamais à ce point. Il avait déjà eu quelques aventures avec des hommes, mais ça s'arrêtait à de la curiosité, du jeu et une envie passagère. Là, Mozart ne faisait que penser à l'austérité et la prestance si charismatique d'Antonio Salieri. Lui qui affichait toujours une telle maîtrise de lui, en plus d'une élégance soignée, il était beau, sublime même. Mais quand il avait montré sa faiblesse, Mozart avait senti son cœur et son corps le brûler. Il le voulait, intégralement. Il voulait le voir rendre les armes face à lui, et se soumettre à sa domination. Mais comment approcher l'homme avec la froideur et la distance qu'il instaurait autour de lui ? Un sourire fleurit sur ses lèvres alors qu'il était allongé sur son lit. Il allait pénétrer son entourage, apprendre à le connaître, démonter ses barrières et franchir ses limites. Qu'importe la réaction de Salieri, tant qu'il en montrait une. Ensuite, il lui faudrait savoir s'il pourrait le séduire. Les chances étaient minces, vu comment il semblait ignorer ses propres ressentis, mais le jeune homme avait confiance en ses capacités, après tout, il était un expert dans le domaine et collectionnait les conquêtes. Mais il ne s'était jamais attaqué à une proie aussi complexe que le maître de la chapelle impériale. La première étape serait de le suivre, pour apprendre ses habitudes. Il s'endormit en souriant, la journée suivante s'annonçait intéressante.


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Mozart avançait avec confiance dans les couloirs de l'immense palais. Il entra dans la salle du trône, espérant pouvoir obtenir une entrevue avec l'empereur. Ce dernier était installé sur le siège, en grande conversation avec Rosenberg, quand le musicien s'approcha et le salua d'une courbette.
- Ah, monsieur Mozart ! S'exclama le monarque avec joie tandis que son intendant roulait des yeux, agacé de voir celui qu'il appelait «l'autre excité». Que puis-je faire pour vous ?
- Et bien, Votre Majesté, répondit le virtuose de Vienne avec un sourire, j'aimerais grandement pouvoir vous demander un lieu où je pourrais travailler mes compositions. Qu'il s'agisse de vos commandes personnelles, de celles de vos amis et collaborateurs ou encore mes propres inspirations. Je réside dans un lieu qui voit passer beaucoup de monde, et assez étroit puisqu'il ne s'agit que de chambres à louer, ce n'est pas l'espace idéal pour travailler efficacement. Je ne sais pas où le maestro Salieri travaille, mais je suppose qu'un homme de son rang doit avoir un lieu pour se concentrer ?
L'empereur acquiesça aussitôt.
- En effet monsieur Mozart, il vous faut un bureau pour travailler. D'autant plus que l'opéra que je vous ai commandé doit se réaliser dans les meilleures conditions ! Nous avons au palais une salle remplie d'instruments, et qui possède deux pièces jumelles sur chaque côté. L'une est le bureau de Salieri, bien qu'il travaille aussi beaucoup chez lui, l'autre sert à ranger du matériel, mais je vous permets d'en faire votre bureau personnel. Rosenberg, accompagnez le jusqu'à cette pièce, et envoyez du personnel pour vider les lieux, afin qu'il puisse organiser l'endroit à sa guise.
- Bien, Votre Majesté, accepta l'intendant à regret.
Il partit aussitôt, sans même vérifier que le musicien le suivait. Ce dernier dut accélérer l'allure pour ne pas le perdre des yeux, puisqu'il n'avait apparemment aucune intention de l'aider de quelque manière que ce soit. Sur le chemin, il pouvait l'entendre pester, et ça le faisait sourire. Il adorait la haine que lui vouait le petit homme de la haute cour. Ils entrèrent dans une salle immense, composée de sofas confortables, d'étagères soigneusement rangées avec divers instruments, et d'un grand et magnifique piano à queue au centre. Sur chaque côté de la pièce, il y avait une porte en bois massif, sculptée finement. Rosenberg avança vers celle de gauche, qu'il ouvrit, révélant beaucoup de désordre. Des étagères remplies d'objets en tout genre, un bureau au centre, mais qui disparaissait presque sous la pile de cartons qu'il y avait dessus. Sans parler de la couche de poussière qui maculait l'endroit. Mozart n'était pas dérangé par le chaos qui régnait ici, au contraire il aimait bien.
- Je vous envoie du personnel, siffla l'intendant en tournant les talons.
Mozart le regarda partir depuis l'entrée de son nouveau bureau, quand la porte en face s'ouvrit sur Salieri, lui tirant un sourire de satisfaction. En le voyant, le maître de la chapelle haussa les sourcils de surprise, mais aussitôt, Rosenberg s'approcha de lui.
- Oh Salieri mon ami, je suis navré de devoir vous importuner avec la présence de ce... ce pauvre musicien de taverne. L'empereur lui a donné comme bureau la pièce juste en face du vôtre, je n'ai rien pu faire.
Voyant que son interlocuteur ne réagissait pas, il reprit.
- Enfin, un bureau ?! Et puis après, ce sera quoi ? On va droit à la catastrophe mon ami.
Salieri le gratifia d'un long regard que l'intendant ne sut interpréter, puis le compositeur affirma avoir du travail, et il s'enferma dans son bureau, sans adresser un regard à son nouveau voisin.

Mozalieri - Un jeu inavouableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant