Chapitre quinze

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Banshee. Je suis une banshee. Une banshee. Banshee. Je suis une banshee. Une banshee. L'esprit de Holly tournait en boucle, comme un disque rayé, cette révélation insensée. Comment était-ce possible ? La jeune Irlandaise faisait les cents pas dans sa chambre, qui lui parut soudainement si petite. Elle ouvrit la porte à la volée et dévala les escaliers, tentant de fuir ce qu'elle venait d'apprendre.

La lune était seule reine du ciel lorsque Holly, les pieds nus, s'arrêta au centre du petit jardin. Les mains jointes sur le haut de son crâne, les yeux suppliants rivés vers l'astre mystérieux, elle tourna sur elle-même, puis s'agenouilla dans l'herbe humide.

Elle attendit. Le voile sombre de la nuit l'enveloppant tout doucement. Elle avait besoin de temps. Elle avait besoin de se ressourcer. À ce moment précis, elle regrettait de ne pas pouvoir s'assoir sur le ponton non loin de la maison de ses parents et tremper le bout de ses pieds dans l'eau. Cette seule pensée la canalisa et lui permit d'y voir plus clair dans son esprit.

Holly connaissait la légende de la Banshee. Elle savait ce qu'était cette créature. Elle craignait d'ailleurs cette histoire lorsqu'elle était petite.

Elle se souvint qu'un soir d'Halloween, son grand frère avait invité des amis à la maison pour regarder des films d'horreur, manger des gâteaux et bonbons de formes suspectes et se raconter des histoires terrifiantes à la lueur de lampes torches grésillantes. Ce soir-là, Holly s'était levée tard dans la nuit pour espionner son frère. Elle s'était cachée dans les escaliers et écoutait attentivement la bande d'amis, sa peluche favorite coincée contre son cœur. Elle découvrit alors la légende de la Banshee. De peur, elle s'était mise à hurler si fort qu'elle avait terrorisé toute la maisonnée.

Holly releva ses longs cheveux noirs de jais en une queue de cheval qu'elle relâcha aussitôt dans son dos. Inspirant et expirant profondément, elle se leva. Prendre l'air, en pleine nuit, profitant du calme apaisant et des doux bruits de la nature, lui procurait un sentiment de plénitude. Elle se sentait bien et c'est tout ce dont elle avait besoin en ce moment-même.

Ethan descendit à la cuisine pour se servir un verre d'eau. L'esprit encore engourdit, il fronça les sourcils d'incompréhension lorsqu'il s'aperçut que la baie vitrée était restée ouverte.

— Ce n'est pas possible d'oublier de fermer avant d'aller se coucher... soupira-t-il.

Il posa son verre vide sur le plan de travail et coulissa la porte avant de se rendre compte de la présence de la jeune fille. Que faisait-elle dehors, à cette heure si tardive ?

Attrapant le plaid sur le fauteuil, il s'avança vers Holly. La nuit était encore fraîche et le bout du nez de l'adolescente avait commencé à rosir. Il lui tendit la couverture et elle s'enroula dedans sans attendre une seconde, appréciant la chaleur réconfortante de celle-ci.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu vas bien ?

Sa voix était presque un murmure, comme s'il ne voulait pas déranger le silence de la nuit. Et Holly apprécia cela aussi. Son arrivée n'avait pas brisé le calme. Elle hocha la tête pour toute réponse. Elle ne souhaitait pas sortir totalement de sa bulle.

— Tu es ici pour réfléchir ?

Aucune réponse ne se fit entendre, alors Ethan se confia, essayant d'entamer une discussion.

— Parfois, j'aime bien sortir la nuit aussi, pour apprécier les étoiles et méditer un peu. Ça fait du bien de rester au calme, de se sentir à la fois seul au monde, mais également proche de la nature.

Il marqua une pause, glissant son regard du ciel sans étoile au visage pâle de la jeune fille. Un léger rire passa ses lèvres pour accompagner le reste de sa pensée.

— En général, je fais plutôt ça en plein été. Les nuits sont moins froides !

Holly le regarda à son tour et hocha la tête. Effectivement, les nuits au printemps n'étaient pas toutes douces, mais c'était ce soir qu'elle avait besoin de sortir.

Ethan toucha les mains glacées de l'adolescente. Depuis combien de temps était-elle seule dans le jardin ? Elle devait avoir si froid.

— Allez viens, on rentre, tu vas attraper froid si tu restes encore ici.

La main sur son bras, il l'invita à rebrousser chemin avec lui et elle accepta. Il était temps de rentrer et se mettre sous la couette pour le reste de la nuit. Mais une fois dans le salon, Ethan s'arrêta face à elle et chercha les mots adéquats.

— Mmh... Tu... Tu veux discuter ? Je peux être une bonne oreille si tu as besoin.

Holly apprécia cette invitation, mais la déclina d'un signe de tête. Elle venait de faire le vide dans son esprit, elle n'était pas prête à discuter de tout cela avec le jeune homme. Et quand bien même elle le voudrait, que pourrait-elle bien lui dire ? C'était tout bonnement impensable qu'elle lui avoue sa nature de banshee. Connaissait-il au moins cette légende ? Elle secoua la tête une nouvelle fois, mais seulement pour chasser ses pensées.

— D'accord. Je comprends. Je vais te laisser tranquille alors. Bonne nuit.

Sur ces mots, Ethan remonta dans sa chambre. Décidemment, cette fille était un véritable mystère, mais ce soir, il avait décelé un changement dans son regard. Elle paraissait plus en accord avec elle-même, moins méfiante.

Holly jeta un dernier regard à la lune si ronde et si belle, puis monta à son tour dans sa chambre. Une fois glissée dans ses draps bien chauds, elle se remit à penser. Et cette fois, elle répétait cette mélodie comme un mantra.

Banshee. Je suis une banshee. Une banshee.

Épine GeléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant