Épine Gelée

Chapitre quatre

Holly ne souffla pas un seul mot durant tout le trajet. L'hôtesse ne comprenait pas son comportement. Elle avait l'habitude des longs trajets avec des enfants tous plus bavards les uns que les autres. Mais cette adolescente était bien différente des rencontres qu'elle avait pu faire lors de ces multiples vols.

La jeune fille aux longs cheveux regroupés dans une queue de cheval mal faite ne portait aucune attention à cette adulte étrangère. Elle attendait avec impatience son arrivée à l'aéroport de Londres. Non, elle ne serait pas soulagée de revoir son frère, encore moins de rencontrer ses amis. D'ailleurs cette idée lui noua un peu plus l'estomac. Ses parents l'avaient informé de la situation de Neal. Savoir que son grand frère vivait avec deux autres hommes ne l'avait pas rassurée, mais au moins, elle pouvait se préparer à ce changement de vie. Si elle pouvait encore considérer avoir une vie.

Tantôt ses doigts se nouaient entre eux, tantôt ils pianotaient sur ses cuisses tremblantes. Holly n'était pas sereine. Que se passerait-il si elle faisait un nouveau cauchemar éveillé ? Que se passerait-il si elle se mettait à hurler sans aucune raison apparente ? Elle avait peur. Elle s'impatientait d'arriver à Londres, seulement pour pouvoir sortir de cet appareil qui commençait à l'étouffer, resserrant ses griffes angoissantes autour de son petit corps vulnérable.

De l'autre côté de la mer d'Irlande, dans la capitale londonienne, un jeune homme blond attendait dans l'aéroport. Se balançant d'une jambe à l'autre. Tout comme sa sœur, il avait du mal à contenir son appréhension. La tension autour de lui était palpable. Il se réjouissait de revoir enfin sa petite sœur, indéniablement. Seulement, cette attente n'était pas paisible. Allait-il la reconnaître ? Avait-elle beaucoup changé ? Serait-il apte à lui venir en aide ? Il n'en avait aucune idée. Comment savoir ?

Se rongeant les ongles, il regardait le panneau d'affichage des vols. Celui en provenance de Waterford dans son pays natal ne devrait pas tarder à prendre fin. Aussitôt cette pensée lui ayant traversé l'esprit, il sentit son téléphone portable vibrer dans la poche de son jeans gris clair. Une fois en main, le message provenant d'un émetteur inconnu apparut à l'écran. La compagnie aérienne annonçait l'arrivée de Holly dans l'aéroport anglais.

Un sourire se dessina sur son visage alors qu'il rangeait son smartphone à sa place. Il allait pouvoir retrouver sa petite sœur. Elle ne serait plus seule désormais. Il sentit sa poitrine se gonfler d'espoir. Il pouvait l'aider. Il en était convaincu.

Neal posait son regard sur toutes les jeunes filles brunes ayant une valise couleur bleue, mais toutes lui étaient inconnues. Alors il commença à avancer dans le hall, à la recherche d'une adolescente de maintenant seize ans, accompagnée d'une hôtesse de l'air.

Lorsqu'il l'aperçut, son cœur rata un battement et ses jambes cessèrent d'avancer. Ce n'était pas possible. Il devait se tromper. Mais non, il ne se trompait pas. Et il le savait. Il savait que cette adolescente aux vêtements sombres et au visage hagard était sa sœur. Ce constat lui noua l'estomac. Elle lui était méconnaissable. Son teint pâle, son corps recroquevillé sur lui-même... Cela ne ressemblait pas du tout à sa cadette. Elle paraissait renfermée, n'être qu'une ombre qui n'a pas sa place dans un lieu si plein de vie.

Prenant une longue respiration, il se ressaisit. Il devait être fort pour elle et ne pas lui montrer sa surprise. Certes il était déstabilisé, mais si Holly s'en apercevait, alors il aurait perdu l'espoir qu'il avait de pouvoir lui venir en aide.

D'un pas décidé, il s'approcha de sa petite sœur. Doucement, il lui prit les mains et lui fit un grand sourire quand leurs regards se connectèrent, ignorant du mieux possible son cœur de plus en plus serré. Ils avaient besoin de temps pour se retrouver. Il savait qu'une question banale telle que : « as-tu fait un bon voyage ? » était totalement inutile. De ce fait, il glissa un regard reconnaissant vers l'hôtesse qu'il ne connaitrait jamais.