En silence, ils s'installèrent autour de l'énorme pierre formée en un rond imparfait. Holly et Lewis s'étaient instinctivement assis proches l'un de l'autre, faisant ainsi face au Nain. Ce dernier tira une chaise en bois, incrustée ci et là de pierres ou de métal. La hauteur du dossier mi-bois, mi-fer était parfaite pour le maître des lieux. Les jeunes invités comprirent qu'elle avait été réalisée par ses soins.
Holly observait la pièce. Il n'y avait pas beaucoup de lumière. L'éclairage se résumait à des lanternes à huile et quelques grosses bougies de part et d'autre. Thrargolin Bottlerock vivait de la simplicité. Un petit coin repas était établit dans le creux arrondi de la grotte. La pierre avait été travaillée afin de laisser place à un espace de préparation, sur lequel gisait d'ailleurs quelques légumes et un large couteau.
— Vous disiez que vous nous attendiez, n'est-ce pas ? questionna Lewis, brisant ainsi le silence.
Le Nain grogna dans sa barbe, se raclant la gorge, puis réfléchit avant de répondre.
— M'oui. M'oui tout à fait. J'attendais la jeune Héliotrope. Je savais qu'elle était accompagnée dernièrement, mais je ne vous connais pas.
Le jeune homme sourit, puis se présenta. Il n'avait pas pu voir la fée, mais il pouvait indéniablement voir et converser avec ce Nain. Il n'allait pas s'en priver.
— Oh et bien je m'appelle Lewis McNee. Je suis Écossais, mais je vis près de Londres avec Holly – ou Héliotrope ? – son frère et un ami. Enchanté de faire votre connaissance Monsieur Bottlerock !
L'adolescente le fusilla du regard. La situation ne l'amusait pas vraiment. Pourtant, son coéquipier semblait apprécier se mettre en scène. Il capitula finalement.
— D'accord. Trêve de plaisanterie, il concentra à nouveau son regard sur leur hôte. Comment avez-vous su que nous venions ici ? Nous ne le savions même pas nous-même !
— Oh et bien, j'ai eu de l'aide. Je ne l'aurais jamais deviné tout seul. Ma spécialité est la forge, et je vais assurément vous être utile.
La jeune Banshee restait encore focalisée sur le début de l'échange. Elle s'occuperait plus tard de la spécialité du Nain et de la nécessité de faire appel à ses compétences.
— Pourquoi m'appelez-vous Héliotrope ? Je ne comprends pas. Et pourquoi avez-vous dit que j'étais une Changelin. Ça n'a aucun sens.
— Holly, être une Banshee n'a pas forcément de sens non plus...
— Oui, mais là on parle de Changelin. Il m'appelle par un autre prénom. Ce n'est pas pareil.
— Il y a sûrement une explication.
— Vous voulez que je vous la donne justement ? interrompit le Nain.
Les deux amis arrêtèrent leurs murmures en aparté et se tournèrent vers leur interlocuteur. Systématiquement, ils hochèrent la tête et toute leur attention lui était vouée. Jusqu'à ce qu'une autre créature apparaisse dans la grotte.
— Une fée ! s'écria Lewis en se levant d'un bond. Holly ! Regarde ! Je la vois ! C'est extraordinaire !
L'adolescente suivit le regard de son acolyte et vit la magnifique créature argentée qui planait aux côtés du Nain.
— Aïna ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?
En un coup d'œil vers leur hôte, la jeune fille comprit que celui-ci voyait également son amie mystique.
— C'est Aïna ? Comment ça se fait que je peux la voir ?
— Seules les fées peuvent me voir. C'est pour cette raison que je t'étais invisible avant, répondit Aïna.
— Mais je ne suis pas devenu une fée.
— Non, tu es seulement un humain. Mais si je veux que d'autres personnes me voient, je peux le faire. Seulement, cela me demande un peu d'effort, et ce n'est pas très bien vu par le peuple des fées, alors j'évite.
Holly réfléchit un instant. Depuis qu'elle connaissait Aïna, à chacune de ses apparitions, elle la voyait, alors qu'aucune autre personne n'en était capable. Elle se souvint de ce moment, dans le salon de son frère. Ils étaient tous présents. Mais Aïna n'était visible que de l'adolescente.
— Et moi je te vois parce que je suis une Banshee ! Et Monsieur Bottlerock parce qu'il est un Nain ! s'exclama-t-elle avec un sourire enjoué.
— Mmh...Banshee...Il y a bien des choses que tu ignores...marmonna-t-il dans sa barbe, en secouant négativement la tête.
La jeune fille fronça les sourcils d'incompréhension alors qu'un air de panique se plaqua sur le visage argent de la fée.
— Peut-être que nous pouvons commencer par parler du Dullahan, non ? Holly, tu dois l'arrêter !
L'Irlandaise se leva d'un bond, tapant les mains sur la table, et s'éloigna. La colère lui montait. Ce Nain semblait avoir des informations sur son identité – ou raconter des mensonges – et ne voulait rien partager. Son amie Aïna semblait aussi savoir, mais n'était pas non plus encline aux révélations. C'était insupportable. Il fallait qu'elle sauve tout le monde, mais personne ne semblait vouloir l'aider, elle.
— Ça suffit ! Soit, vous me dites tout ce que vous savez, soit, vous vous débrouillez avec ce Dullahan !!
Elle hurla si fort sa colère que les légumes qui jonchaient le plan de travail firent balayer par une bourrasque et se retrouvèrent étalés sur le sol. Le couteau fut projeté si violemment contre le mur creux qu'il rebondit et finit sa course sur la table, entre les deux hommes. Ces derniers se redressèrent, surpris.
Et puis, une vision se colla à la rétine de la Banshee. Elle le vit. Elle vit le Dullahan. Elle le sentait si proche d'elle, qu'elle ne voyait que son visage, aussi près que lors de leur dernier affrontement. Il semblait l'avoir entendu. Il la fixait droit dans les yeux. Holly savait qu'elle était hors d'atteinte, protégée par sa vision. Mais ce regard lui glaça les sangs. Elle devint blême et poussa un cri étranglé avant de rejoindre précipitamment la table et de s'assoir comme une enfant soudainement devenue sage pour surmonter la peur.
— OK, on parlera de moi plus tard. Comment on peut faire pour vaincre le Dullahan ? Il faut à tout prix l'éliminer. On a plus beaucoup de temps.
VOUS LISEZ
Épine Gelée
FantasíaElle vivait dans une famille soudée et aimante. Elle croquait la vie à pleines dents et profitait des petits plaisirs de l'existence. Jusqu'à son seizième anniversaire. Désormais, elle ne pouvait laisser échapper que des cris inhumains. Elle se méta...