Chapitre trente-et-un

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Holly regardait la broche avec émerveillement. Elle était magnifique, sertie de petits diamants incrustés dans l’or, ils formaient une rose éternelle. Elle la tourna doucement entre ses doigts et vit les rayons de lumière se refléter avec les pierres. Ce spectacle était fascinant.

—    Tu es sûr de toi, Lewis ?

L’adolescente avait presque chuchoté, le regard fixé sur le bijou de famille que venait de lui confier son ami.

—    Évidemment ! Au moins, je suis certain que c’est réellement de l’or. J’ignore comment tu vas pouvoir l’utiliser, mais cette broche repoussera le Dullahan. Si la légende est vraie bien entendu…

Si ses premières paroles étaient pleines d’assurance, son ton de voix s’atténua sur les derniers mots. Il priait mentalement pour que l’or véritable soit bel et bien la seule et grande faiblesse de de ces fées démoniaques. Il avait lu, dans de multiples articles, que ce métal repoussait ces êtres maléfiques à des kilomètres. Il fallait que ce soit vrai.

Les deux jeunes prirent la route vers la forêt. Le silence était palpable, chacun réfléchissant à ce qui allait se passer. Tous deux songeant à l’autre et à sa sécurité. Ils ne tardèrent pas à arriver à destination. Sortant du véhicule, leurs estomacs se serrèrent. Le soleil commençait à tomber, il ne leur restait que peu de temps avant l’attaque.

—    Je pense que c’est par là ! indiqua l’Irlandaise.

Décidément, trouver cette grotte s’avérait plus compliqué que ce qu’ils avaient imaginé. Lewis avait l’impression qu’ils tournaient en rond, mais la jeune Banshee semblait savoir ce qu’elle faisait.

Des cris leurs parvinrent soudainement. Était-il trop tard ? Les deux acolytes se regardèrent terrifiés. Ils avaient trop traîné. L’adolescente couru, Lewis sur ses talons. Ils se dirigèrent sans un mot vers les hurlements et le bruit du bois craquant sous la torture des flammes.

—    C’est trop tard... ? questionna le jeune homme, en voyant l’horrible spectacle.

—    Non ça ne l’est pas ! Le Dullahan n’a pas trouvé la grotte. C’est exactement comme dans ma vision.

Holly ne pouvait détacher son regard de ce qui était en train de se produire. Cette véritable scène de destruction lui tordit les boyaux, mais elle devait garder son sang-froid. L’esprit en ébullition, elle établissait un plan d’action. Elle devait agir, et vite.

La Banshee planta ses yeux d’un violet intense dans ceux de son acolyte, comme pour se donner du courage. Elle frôla sa main, n’étant pas certaine de revenir vers lui.

—    J’y vais ! Reste là !

Sans qu’il ne puisse lui répondre ou la retenir, il la vit s’éloigner en vitesse. Que souhaitait-elle faire ? Son cœur palpita frénétiquement. Elle ne devait pas se mettre en danger. Elle devait rester sauve !

L’adolescente, pleine de courage, s’élança dans la forêt alors que les fées tentaient de fuir pour sauver leur propre vie à défaut de leurs foyers. Elle évitait avec brio les branches brûlées qui se détachaient des grands arbres dans un fracas angoissant. Holly courait tout droit vers le Dullahan, en se remémorant les paroles de Lewis « Il ne faut en aucun cas croiser son regard ».

La fée démoniaque ne tarda pas à s’apercevoir de la présence de la jeune Banshee. Il se tourna vers elle et le sang de l’adolescente se glaça. Il fallait qu’elle soit forte. Elle devait résister et ne pas se figer de terreur. Elle devait vaincre cette créature. Pour Aïna. Pour le peuple des fées.

Le cheval cracheur de feu porta également son attention sur la jeune fille. Celle-ci l’ignora et continua sa course, zigzaguant entre les racines à la surface de la terre chaude, essayant à tout prix de ne pas trébucher. Puis elle s’arrêta. Elle se figea juste devant la créature sans tête, et sa monture noire intense.

Holly n’agissait plus que par l’adrénaline. Plus rien n’avait d’importance autour d’elle. Elle n’entendit même pas Lewis hurler son prénom, terrifié par tout ce qu’il pouvait se passer. Elle ne voyait plus les flammes alléchantes. Elle ne pensait à rien d’autre qu’à ce Dullahan qui lui faisait face. Elle aurait voulu affronter son regard, mais c’était impossible.

La fée maléfique n’avait pas encore prononcé un seul mot lors de ce présent voyage. Alors, la tête phosphorescente entre-ouvrit les lèvres avec la ferme attention d’éliminer l’obstacle qui se trouvait devant elle.

C’est alors que la Banshee, les yeux fermés, le corps droit devant cet être obscur, leva fièrement la broche en or, priant intérieurement pour que ce geste ait l’effet escompté.

Aussitôt, elle sentit un courant d’air puissant, faisant voler ses cheveux noirs de jais. Le Dullahan s’était enfuit. Elle avait réussi.

Lewis la regardait, estomaqué. II n’arrivait pas à croire ce qu’il venait de se passer. Tout paraissait si irréel. Cette fée démoniaque venait de s’enfuir simplement à la vision d’une petite broche en or qu’il avait l’habitude de voir attachée au gilet de cachemire de sa grand-mère. Il en restait bouche bée.

Holly était paralysée. Elle n’osait ouvrir ses yeux qui commençaient à lui faire mal tant elle les maintenait fortement clos. Il fallut que Lewis arrive à sa hauteur et prenne son visage en coupe dans ses mains pour qu’elle osa enfin le regarder. Ils s’observèrent quelques secondes, soulagés d’être sains et saufs.

—    Tu as réussi, Holly. Tu as sauvé les fées et tu vas bien.

Ses paroles n’étaient que murmures, comme si déranger le silence pouvait remonter le temps. L’adolescente hocha la tête, commençant à croire. Son corps entier se relâcha à mesure que l’adrénaline le quittait. Un doux sourire étira ses lèvres alors que de petites perles salées dévalèrent ses joues. Ils étaient en vie. Ils avaient réussi. Elle enfouit son visage contre le torse de son acolyte et se pressa contre lui pour y trouver du réconfort. Elle entendit son cœur battre contre son oreille et fut instantanément rassurée. Tout allait bien.

Ils restèrent longuement là, debout, l’un contre l’autre, ne souhaitant pas se séparer de peur de retomber dans la réalité. Mais il le fallait. Rien n’était vraiment terminé. Lewis se recula légèrement, sans rompre pour autant le contact physique qui les liait.

—    Tu as vu les fées ? Je n’en ai vu aucune. Tu crois qu’elles vont bien ?

L’adolescente se souvint alors de ce peuple qu’elle était venue sauver. Elle regarda autour d’elle. Même si le Dullahan était parti, les flammes étaient toujours là, dévastant la forêt. Holly prit instinctivement la main du jeune homme, il n’était pas envisageable qu’ils se séparent. Elle avait besoin de lui.

Ils avancèrent tout deux entre les grands arbres, s’éloignant du feu qui ne cessait de prendre de l’ampleur. Ils recherchaient les fées, quand Aïna apparut subitement devant eux.

—    Oh Aïna ! Tu vas bien ? Et ta famille ?

Lewis ne voyait rien, mais il se fit au regard de l’adolescente pour deviner où se trouvait la créature ailée.

—    Merci ! Merci à vous deux ! On est sauvées ! Ils se sont tous abrités dans la grotte ou autour pour pouvoir la défendre si jamais cette maudite fée démoniaque l’approchait !

Holly était soulagée. Ils allaient bien. Ils étaient arrivés à temps. Son amie argentée les remerciait encore et lui assurait qu’elle avait eu foi en la Banshee et qu’elle ne doutait pas de sa capacité à sauver son peuple. Tout allait bien.

Épine GeléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant