Chapitre 3 : J. Sullivan, R. Cowell... Le profil du Lady Killer (époque : 2021)

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Les enquêteurs observent, intrigués, le psycho-criminologue. Il s'efforce de poursuivre sans porter attention aux regards. Ne pas faire l'amalgame entre ses fantasmes et ceux du tueur lui semble plus complexe d'affaire en affaire.

- Il est difficile de situer le tueur dans une case, du fait de la diversité des cas et des modes opératoires. Il semble compétent sexuellement. Le sadisme fait preuve de la volonté d'une relation, d'une domination envers un être vivant. Il s'agit d'une relation sociale que l'on veut maîtriser. Il est capable d'avoir des relations sociales superficielles, donc des victimes en vie, et pourtant son infériorité est telle qu'il veut maitriser ses victimes jusque dans la mort en leur redonnant vie. Il peut en jouir tant qu'il le veut. Il cherche des victimes avec des caractéristiques précises, interchangeables dans les caractères recherchés. Ainsi, elles sont à la fois sélectionnées et de pseudo-opportunité, ce qu'argumentait tantôt le Dr Mueller.

La main qui tremble, le front en sueurs, le spécialiste a besoin de repos et de solitude. Il ne se contiendra pas plus longtemps. Il boit son café d'un trait et s'allume une nouvelle cigarette. Il arrache une feuille de son carnet et note dessus ce qu'il énonce oralement.

- En conclusion, notre tueur est moyennement organisé dans le contrôle des scènes de crime et leur nombre, ainsi que dans la sélection de ses victimes. Vous recherchez un criminel sériel mixte à tendance organisée. Il fait preuve de maturité et d'expérience, il est certainement plus âgé que ses victimes. Ainsi, son âge devrait se situer entre vingt-cinq et trente-cinq ans. C'est un homme intelligent. Il est socialement compétent, mais cela reste superficiel. Il a une préférence pour les travaux qualifiés qui le mettent en évidence, qui le valorisent socialement. Il entretient plusieurs relations sexuelles et affectives et cherche le haut de la hiérarchie sociale. Il a suivi une scolarité normale, peut-être diplômé d'une faculté, il possède donc une intégration sociale apparente.

- Merde ! ce n'est pas du tout le profil que nous recherchions jusqu'ici, s'alarme le jeune officier. Nous devrions nous tourner vers des postes qualifiés, un cadre ?

- Oui. Nous voyons qu'il s'adapte aux situations, il est charismatique dans ses approches, il prend des initiatives. Il utilise de l'alcool avant ses crimes afin d'effacer les signes possibles de stress. Il suit ses crimes dans les médias et tente au mieux de s'adapter aux circonstances. Il ne rechigne pas à changer de travail et de ville s'il le faut. Il change de comportements suivant les personnes. Il n'a pas de demeure propre, il doit vivre dans une chambre d'hôte, peut-être chez des personnes plus âgées pouvant jouer des rôles parentaux.

Il marque une pause avant de conclure :

- Voilà ce que je peux déterminer en l'état actuel. Le Dr Mueller pourra vous aiguiller avec ses premières conclusions, dit-il en donnant la feuille à l'inspecteur principal. Pour ma part, je vais poursuivre le profil dans la soirée.

T. Mueller suit J. Stevens, l'un avec sa cigarette l'autre avec sa pipe.

- Dites-moi Docteur, avant de partir. Est-ce vrai que lorsqu'il fut arrêté, le poseur de bombes de New York était habillé d'un costume trois pièces et qu'il invita les policiers à entrer, précisément comme vous l'aviez anticipé dans votre profil rendu aux enquêteurs ?

- Il faut extraire la réalité des croyances Dr Mueller.

- C'est bien ce qui me semblait, se répond l'homme âgé aux yeux clairs. Cela me paraissait invraisemblable.

- Je n'ai pas dit que ce n'était pas vrai. Il jette au sol son mégot de cigarette et, en s'éloignant, ajoute : voici tout le souci de l'extraction.

Le spécialiste traverse les rues enneigées et salées qui mènent à son hôtel. Dans les coins d'ombre de la neige, il perçoit des corps, de nombreux corps, que nul autre ne peut discerner. Autour des cadavres se tient une silhouette de jeune fille, ni morte ni vivante, qui pleure en le regardant, au loin.

« La Gardienne n'est jamais loin de celui qui plonge ses pensées dans le néant. » se murmure-t-il.

Il file prendre une douche pour faire disparaitre les traces de stress et d'angoisse. Il ne peut s'empêcher de visualiser les cadavres laissés par Robert T. Cowell de son nom d'enquête, le Lady Killer de son nom de presse. Jim Sullivan est certainement plus proche de son vrai nom. Les premiers indices, ceux des débuts de la carrière criminelle sont les moins organisés par les tueurs. Il comprend très bien le criminel à la voiture. Cette compulsion qui revient, encore et encore, impossible à éteindre. C'est dans la chair, dans le sang, que l'on cherche indéfiniment l'orgasme. J. Stevens se sent attiré par ses appétits.

Il s'installe dans le hall principal de l'hôtel miteux. Le directeur lui souhaite la bonne soirée en lui indiquant que le café est en libre accès, il ne faut donc pas hésiter. L'homme au visage terrassé accepte poliment, se pose sur une des tables éloignées de la grande télévision. Il sort un classeur et son carnet. Son téléphone sonne avant qu'il ne se mette au travail. Une journaliste souhaite l'interroger dès demain, elle se montre insistante. Voir une journaliste ne l'intéresse pas, mais après quelques recherches sur le profil de la personne, voir une jeune femme attirante le séduit davantage... Il accepte.

Il se vide l'esprit, se concentre, en tentant de faire abstraction de ses propres obsessions. Il repense à ses premières impressions, l'ébauche du profil lui parait juste. Il continue dans cette direction en entrant dans les détails. Maintenant, ils ont besoin d'un profil spécifique, précis. Le psycho-criminologue a sa méthode, il ferme les yeux, cigarette toujours sur les lèvres, verre à portée de main, il se concentre et observe les scènes du point de vue du traumatisme et des besoins de l'auteur. De sa main tremblante, il griffonne sur son carnet ses analyses avant de mettre tout cela au propre. Il s'endort difficilement à la fin de la nuit, au milieu de ses ténèbres, au début de ses fantasmes :

« Lady Killer, tueur d'Utah à la voiture, Jim Sullivan, Robert T. Cowell...

Créature aux mille visages que je traque le jour et qui me poursuit la nuit...

Le combat face aux monstres du monstre que je deviens moi-même,

Qui chasse qui ? »


Aparté I : Le passage à l'acte selon sa lecture

B.T., Criminologue. Investigation des infractions contre les personnes. Bureau de l'aide aux victimes et à l'enquête. Police fédérale américaine.

(77e-78e ère de la famille d'Eli).

Dr J. Stevens FACE au NEANT [WATTYS21, 2 Watt'Cheers... -Edité-] (Partie 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant