Des corps entassés. Des housses mortuaires à n'en plus voir la fin sur lesquels il marchait. Une terre asséchée. Aucun animal. Aucune source d'eau. Aucun fruit. Aucun amour. Tandis que de l'autre côté du fil entre deux falaises se trouvait un homme, grand, mince et jeune, dont les pieds volaient au-dessus d'une montagne de vivres jouxtant une rivière d'eau, près d'un jardin envoûtant et alléchant, où ses serviteurs se nourrissaient à l'infini.
Il était ici pour atteindre l'apothéose finale. Pour eux, il était le Sauveur — le Messie. Braham se tourna vers les individus derrière lui, également affamés, mais dont la croyance sans fin en Dieu ne cessait de leur faire croire que ce tourment était en quête d'une fin.
Soudain, le Sauveur, vêtu d'une tunique de soie blanche, s'avança vers eux à une vitesse inhumaine, mais souple, tel un ange tombé du ciel, au-dessus du fil, atterrissant avec légèreté les terres arides.
Il tendit la main, un sourire faussement angélique sur ses lèvres. Il proposa de donner des ressources qu'il fit pleuvoir du ciel, sous leurs yeux, promit de guérir les malades et de faire ressusciter les morts. Mais les individus ne cédèrent pas, lui faisant face avec leurs prières.
Nulle autre créature n'est plus grande que Dieu le Pur, répétèrent-ils à l'unisson, peu avant que la tunique vire au cramoisi dégradant au noir. C'était le Borgne Grand Menteur. Face à leur insoumission, ce dernier décida alors de les jeter dans son feu, en contrebas des falaises. Avant de se faire prendre, Braham recula encore et encore et encore... et finit par tomber dans un précipice.
Respire. Réveille-toi. Domine tes craintes.
Haletant et en nage, il se réveilla. Le jeune Cunningham secoua la tête, alors que les flashs de souvenirs du visage de l'homme persistaient dans son esprit. L'air dans ses poumons se transforma en de la lave. Elle brûlait — lui vouait des frissons électrisants qui parcouraient son échine.
Braham regarda son téléphone sur la table de chevet. 28 décembre. 5 h 35. N'ayant réussi à dormir que deux heures, il se recroquevilla, posa sa tête sur la tête de lit, puis porta ses paumes à ses yeux. Il laissa des bouffées d'air et des souffles répartir son souffle saccadé.
La seule chose qui manquait pour le calmer était la lumière du jour qui aurait filtré à travers les volets de sa chambre, là dehors. Tourmenté, il sauta du lit, puis tapota deux fois ses joues avant de filer dans la salle de bain. Il se rasa la barbe, prit une courte douche, attrapa une barre protéinée, puis mâcha et avala sans désir de se rassasier.
Un verre de jus d'orange plus tard, il prit un médicament homéopathique — qui devrait suffire, espérait-il. En soi, ce rythme de vie très traditionnel était conservé, exclusivement ce matin-là, pour oublier les événements d'avant-hier. Après son offre, Jung-Hwa s'était entretenu avec sa fille. Un échange d'une trentaine de minutes.
Nari n'avait pas voulu lui partager la discussion, ce qui avait fait croire à Braham qu'elle lui avait dévoilé des choses qui pourraient compromettre la mission. Le groupe avait passé la soirée à nettoyer les lieux, à dire au revoir à Helen et Zoé, et puis à les emmitoufler dans des housses mortuaires, avec plus de difficulté cette fois.
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Rouge sur Noir
Bilim KurguQui aurait pensé que l'Europe pourrait être frappée par un virus plus meurtrier après une première pandémie ? Loin de l'ignorance mondiale, Braham s'en doutait. Pas de doute, le point de non-retour pour l'humanité se rapproche... Trois ans plus t...