- 4 -

322 24 10
                                    

Mars 2015

Cela faisait maintenant huit mois que ma première année de Master avait commencée, et j'étais en train d'épuiser mes dernières ressources. Révisant comme une acharnée pour mes partiels d'avril, je n'avais pas l'impression d'entrevoir le bout du tunnel, et je me demandais encore comment j'avais réussi à tenir jusqu'ici : le premier semestre avait été particulièrement intense, et arrivée aux partiels du mois de décembre je n'avais pas été très loin du burn-out. Heureusement, cette période avait coïncidé avec mon rapprochement avec Clément et Ken, et je n'avais pas été totalement seule pour l'affronter. 

Clément avait été le premier à voir que ma santé mentale se dégradait de jour en jour : à cause du stress et de la quantité de travail qui m'était imposée je ne mangeais quasiment plus, et j'avais cessé de sortir avec leur groupe d'ami par peur de perdre du temps que j'aurais pu investir dans des révisions ou des recherches de dossier. Durant cette période, il m'envoyait des messages presque tous les jours pour essayer de me faire rire, ou passait me chercher chez moi le temps d'une petite heure pour m'aérer les idées.

Ken n'avait pas tardé à comprendre que je me laissais aller aussi, même s'il n'avait rien dit. Comme souvent, il se contentait d'être avec moi en silence.

Il y avait cinq mois que Ken et moi étions amis. Au début, notre relation allait un peu à sens unique, et j'en avais été la seule fautive. Trop timide pour engager une conversation avec lui ou même ne serait-ce que songer à lui envoyer un message pour que nous nous voyions, j'avais laissé le pauvre rappeur prendre toutes les initiatives dans notre début d'amitié chaotique. Mais il n'avait jamais baissé les bras, et grâce à sa persévérance, j'avais commencé à me sentir complètement à l'aise avec lui aux alentours du mois de novembre, un mois environ après que Ken ait décidé qu'il voulait apprendre à me connaître lors d'une soirée chez Mikael. 

Il fallait dire que l'absence de Maëlle nous avait pas mal rapproché, puisque nous pouvions comprendre le manque de l'autre sans trop avoir à se mettre à sa place. C'était d'ailleurs indirectement grâce à elle que Ken avait tenté un premier rapprochement physique avec moi sans même s'en rendre compte : lors du visionnage d'un match de notre amie la handballeuse pendant son championnat d'Europe, alors que tout le monde fixait anxieusement l'écran, il avait simplement passé son bras autour de mes épaules. Aussi anodin que ce geste eut pu paraître, j'avais tout de suite senti mon cœur se ramollir, et j'avais enfin commencé à me sentir importante au sein du groupe dans lequel ma grande sœur de cœur avait trouvé sa place bien plus rapidement que moi. Depuis ce jour, je recherchais un peu la tendresse du rappeur, et celui-ci adorait me traiter comme sa peluche. En fait, Ken n'avait pas du tout les mêmes facettes lorsqu'il était seul avec moi et lorsqu'il était avec tous ses amis.

Lui et moi ne parlions pas tellement, et s'il m'accueillait la plupart du temps avec des énormes câlins, nous ne nous connaissions au final que très peu. Je savais qu'il était rappeur, comme tous les autres membres de leur groupe d'amis (c'était d'ailleurs eux qui m'avaient initiée à ce style de musique) ; je savais aussi qu'il n'avait pas entièrement grandi à Paris puisqu'il était originaire du Sud de la France ; je savais qu'il n'appréciait pas particulièrement le football puisqu'il râlait dès qu'un Hakim ou qu'un Ivan  insistait pour mettre un match à la télé ; je savais qu'il était très altruiste, puisqu'il passait son temps à vouloir aider les autres ; je le savais aussi sanguin, puisque Maëlle m'avait expliqué qu'ils avaient failli ne jamais devenir amis, qu'ils avaient par la suite quasiment mis fin à leur amitié à cause d'un énorme malentendu et d'une grosse bourde de Ken, et qu'il réagissait maintenant au quart de tour lorsqu'il pensait qu'on ai pu faire du mal à sa meilleure amie - ou à n'importe lequel de ses proches d'ailleurs. En résumé, tout ce que je connaissais du rappeur, je le tenais de quelques observations ou de sources extérieures. Il ne m'avait jamais trop rien confié sur sa vie, et j'avais fait la même chose de mon côté.

Les BonusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant