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Ali savait que cette histoire allait mal se terminer. Au fond de lui, il le savait depuis le début.

Combien de fois ses frères, sa sœur et lui n'avaient-ils pas terminés dans des affaires bien trop sombres pour des jeunes de leurs âges ? Combien de fois s'étaient-ils pissés dessus lorsqu'ils s'étaient confrontés à des grands d'autres quartiers à qui ils avaient dû de l'argent ? Combien de fois s'étaient-ils tous dit qu'ils allaient tout arrêter avant de le faire réellement quelques mois auparavant ? 

Tous s'étaient assagis. Tous, sauf Ali.

Car quand tout commençait à aller mieux, quand sa vie commençait enfin à prendre un sens et que les étoiles commençaient peu à peu à s'aligner tout en éclairant un passage net et dépourvu des embûches de son passé, Ali avait fait une ultime connerie, éclipsant l'avenir radieux qui commençait à se profiler devant lui. Et cette ultime connerie signait la fin de tout.

Tandis qu'il sentait son corps l'abandonner de plus en plus, un liquide chaud se répandant sous son t-shirt désormais troué, Ali n'arrivait pas à trouver la situation très juste. Et pourtant il ne pouvait accuser qu'une seule personne de cette fin bâclée digne de la dernière saison d'une série qui aurait été annulée : lui-même.

« Putain », ne cessait-il de songer.

« Putain, putain, putain, putain ».

Son cœur battant à un rythme effréné ne faisait qu'augmenter le débit du liquide auquel il ne voulait pas penser mais qu'il sentait prendre du terrain sur le t-shirt collé à son ventre. Sa respiration haletante lui déchirait la poitrine à chaque soulèvement de ses poumons. Respirer, ce geste si simple, devenait de plus en plus compliqué, et Ali se surprit à penser à Raphaël : c'était donc ça que son ami ressentait tous les jours depuis sa naissance ? 

À la peur de mourir vint s'ajouter un goût d'inachevé, et les yeux du garçons se remplirent instantanément de larmes. Ses sanglots lui provoquèrent une décharge électrique à travers tout l'abdomen, si bien qu'au bout d'un moment, il ne sut plus réellement s'il pleurait de mélancolie ou de douleur.

« C'est beaucoup trop tôt », songeait-il en essayant de se tortiller, tentant en vain de se raccrocher à la vie. Ali avait encore beaucoup trop de choses à accomplir, et une vague de rage le parcourut lorsqu'il songea qu'il aurait dû y penser plus tôt.

Avant qu'il ne soit trop tard pour reculer.

Tout ce chemin parcouru pour rien. Ali en était malade. 

Sa vie avait très mal commencé. Il avait traversé plus d'épreuves qu'un adolescent de son âge devrait à avoir compter. Puis alors que le monde commençait à lui offrir plus d'espoir, alors qu'il pensait avoir enfin sorti sa tête de l'eau, il allait mourir seul, dans une ruelle sombre, entre une vieille Clio et une poubelle, au beau milieu de la nuit.

« Putain, pleura-t-il intérieurement. C'est vraiment nul comme film. »

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