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Ses quelques mois en foyer auprès de Maëlle furent pour Ali les plus beaux de son séjour. La petite blonde et lui passèrent leur temps entre balançoire et ateliers, entre escalade et cache-cache improvisé avec des éducateurs désespérés, ou entre loup touche-touche et tentative de fugue.

Ali aida vite sa nouvelle amie à se défaire de l'emprise de Xavier, la suppliant de se rebeller comme lui l'avait fait quelques mois plus tôt pour qu'elle n'ait jamais plus à subir les actes de leur éducateur immonde.

À travers elle, il découvrit avec envie ce qu'était une vraie famille : Maëlle ne cessait de parler de son père, ce héro qu'elle semblait aduler, mais aussi du frère jumeau qui lui manquait terriblement. Il écouta les récits de la petite blonde pendant des heures entières, rigolant avec elle de toutes les anecdotes qu'elle avait vécu, espérant autant qu'elle qu'elle puisse retrouver sa famille très bientôt. Le soir, il lui arrivait même de rêver qu'il était son frère jumeau, et à la fin du séjour de son amie, il fut pris d'une certaine satisfaction lorsqu'il comprit qu'il avait prit une place énorme dans le cœur de la petite blonde.

Car oui, si Ali n'avait plus aucun espoir de retrouver sa mère, il n'avait été qu'une question de temps avant que Maëlle ne retourne vivre avec son père et son frère. Ali fut heureux pour elle, bien qu'envieux de son départ. Il aurait tant aimé qu'elle l'emmène avec lui. Alors qu'il lui souriait tandis qu'elle partait dans les bras de son père un jour froid d'hiver, Ali savait pourtant qu'il ne pourrait jamais se remettre de la perte de sa meilleure amie ; Maëlle et lui n'avaient peut-être que passé six mois ensemble, mais ce qu'ils avaient vécu les lieraient à jamais.

Les jours qui suivirent le départ de son amie furent un déchirement. Ali sentait qu'un vide immense s'était emparé de tout son être, et il souhaita presque de n'avoir jamais rencontré la petite blonde. 

Durant sa première semaine sans sa meilleure amie de foyer, Ali alterna entre école et errance au sein des grilles de l'établissement. Les balançoires et les tobogans lui paraissaient bien tristes sans Maëlle, les ateliers n'avaient plus rien d'amusant sans elle, les séances devoirs étaient maussades, et les murs d'escalade ne l'attiraient plus du tout puisque la seule raison pour laquelle il les avait grimpé les derniers mois était parce que son amie adorait ça alors que lui avait le vertige. Ali se sentait plus seul que jamais et se demandait même comment il avait fait pour vivre avant l'arrivée de son amie dans sa vie.

Mais ce sentiment  fut très rapidement dissipé puisque Maëlle revint rapidement lui rendre visite dans ce foyer où ils avaient partagé tant de choses. Elle revint ensuite le voir à raison d'une fois toutes les deux semaines, souvent accompagnée de son frère jumeau. Ali se lia rapidement d'amitié avec lui, bien qu'il resta longtemps jaloux de la chance que le petit garçon avait de côtoyer Maëlle tous les jours. 

Ce fut au début de l'année 2000 que l'équipe éducative estima qu'Ali pouvait de nouveau prétendre à une famille d'accueil. Il fut donc placé au sein d'un foyer composé d'un couple et de leurs trois enfants, deux filles et un garçons de respectivement dix-huit, seize, et quinze ans. Habitués à accueillir des enfants perdus dans le système, ils traitèrent Ali avec bienveillance et s'attachèrent rapidement à lui, le considérant avec le temps comme un sixième membre de leur famille. Ali eut l'impression pour la première fois de sa vie d'appartenir à quelque chose. Étant le plus jeune de la maison, il fut chouchouté par les enfants de la famille et encore plus par les parents. Il comprit pour la première fois de sa vie ce que ses camarades de classe vivaient au quotidien depuis leur naissance, et pourquoi ils semblaient si naturellement heureux.

Durant les dix mois qui constituèrent son séjour chez sa nouvelle famille, Ali n'eut pas un seul accès de colère. Il ne blessa personne, et parvint même à baisser les barrières qu'il avait érigé autour de son cœur pour considérer les Dubroca comme des membres de sa famille. Il comprit son erreur au milieu du mois de mai 2001, lorsque son père d'accueil contracta un cancer et que sa femme et lui décidèrent de ne plus accueillir d'enfant durant cette période compliquée. Comme un chiot qui aurait trop grossit et pour lequel on n'aurait plus de place, Ali fut renvoyé dans ce foyer qu'il ne commençait à connaître que trop bien, se jurant qu'il ne laisserait plus personne l'atteindre et qu'il n'aimerait plus jamais.

Il continua à errer dans son foyer pour enfant pendant plusieurs mois, rendant souvent visite aux Clarkson comme on le lui avait autorisé, et rencontrant de nouveaux amis qui viendraient contredire la promesse qu'il s'était fait à lui-même. Puis il fut placé dans une nouvelle famille en août 2001, là où un nouveau cauchemar allait commencer.

Ce changement géographique lui permit de retrouver Maëlle et tous les amis qu'il s'était fait par son biais : en CM2, il retrouva Tarek, Hugo et Raphaël. De part les weekend passés auprès des jumeaux entre ses six ans et ses dix ans, il devint un membre à part entière de la petite fratrie que ces quatre-là avaient eux-mêmes constitué. Avec son sourire immense et ses blagues incessantes, Ali faisait mourir de rire ses quatre meilleurs amis. C'était aussi une promesse qu'il s'était fait il y a longtemps : malgré ses nombreuses cicatrices et les innombrables trous béants impossibles à combler dans son cœur, Ali ne voulait rien laisser entrevoir de sa souffrance à personne, et les moments où il était le plus heureux étaient lorsqu'il parvenait à décrocher un sourire aux membres de son entourage. Le Graal était pour lui l'obtention du rire de ses amis suite à l'une de ses blagues.

Ce fut grâce à eux qu'Ali parvint à supporter les abus de sa nouvelle famille d'accueil. Ses quatre amis étaient sa bouffée d'air frais, et il ne leur aurait parlé de son quotidien pour rien au monde.

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