On a cold Nebraska night

Chapitre 24

Vendredi 14 juillet, 9h30, Turtle Lake, Dakota du Nord.

Quand Seth m'a ouvert la porte, je n'ai pas pu m'empêcher de songer que, décidément, j'aimais bien prendre des décisions idiotes les jours fériés. Dix jours s'étaient écoulés depuis cette journée au stand de tir, depuis que Seth avait pris rendez-vous pour moi avec une sage-femme, depuis qu'un inconnu m'avait agressée et tenté de me tuer sous mon toit.

La police en avait conclu à un cambriolage qui avait mal tourné. Ils pensaient que le coupable était lié aux nombreux casses qui avaient eu lieu ces derniers mois. Que je n'étais qu'une autre de ses nombreuses victimes. On n'avait pas retrouvé « le cambrioleur », bien sûr. Malgré la description que j'avais donnée de son apparence, de sa voiture ou même des blessures que je lui avais infligées.

Lorsque Seth était enfin parti, après avoir insisté une demi-heure pour que je vienne dormir chez lui, j'avais appelé le Sheriff Johnson. Il ne m'avait pas répondu. Il m'avait néanmoins recontacté le lendemain d'une voix légère, mais un peu tendue. Quand je lui avais dit avoir été agressée, il avait murmuré d'un ton coupable qu'il le savait, mais qu'il était chez une parente malade dans le Montana et qu'il n'avait pas pu venir. Je n'avais rien laissé paraître au téléphone, mais cet appel m'avait perturbée.

Était-il tendu parce qu'il s'en voulait de ne pas pouvoir venir me voir après ce qui m'était arrivé, ou parce qu'il était impliqué ? Dans tous les cas, je ne l'avais pas revu depuis et, d'après le chef Bates de la police, il n'était toujours pas revenu.

Seth et moi nous étions à peine croisés, ces derniers jours. Je l'évitais comme la peste. Malgré mes sentiments qui me hurlaient de lui accorder ma confiance, de la tendresse et de l'attirance que j'éprouvais à son égard, j'étais horrifiée qu'il connaisse l'existence des tatouages. Et même si je travaillais pour lui, je m'arrangeais pour arriver et pour partir du garage quand il était occupé ou absent. Il n'avait pas essayé de me parler ni de comprendre pourquoi je le fuyais. Et encore une fois, il en avait résulté des émotions contradictoires : autant de soulagement que de déception.

Je n'avais pas renvoyé de mail à Camille. Je me sentais exposée, vulnérable et paranoïaque. Je craignais de la contacter et de nous mettre toutes les deux en danger. Elle ne m'avait pas renvoyé de mail non plus. Il allait bien falloir que je fasse le premier pas.

Seth m'a invitée à faire comme chez moi et je l'ai remercié sans avoir aucune intention d'accepter. Je me suis juste autorisée à m'asseoir devant la table de la salle à manger et j'ai attendu, les poignets posés sur le bois massif. Il m'avait envoyé un message pour me demander de venir chez lui trente minutes avant l'arrivée de la sage-femme, et je m'interrogeais sur ses motivations.

Il était parti à l'étage et je l'ai attendu en me demandant comment j'allais supporter de passer plusieurs dizaines de minutes en sa compagnie, quand il y avait autant de tension entre nous. Tension qui était en majeure partie générée par moi toute seule, d'ailleurs. Si Seth se sentait mal à l'aise, chagriné ou perturbé par la distance que j'avais mise entre nous, il n'en laissait rien paraître.

Comme je commençais à trépigner sur ma chaise, j'ai laissé mon regard errer autour de moi, à la recherche de quelque chose qui pourrait me distraire. Il y avait un livre épais, au bout de la table, à la couverture grise. Je m'en suis emparée et ai lu distraitement le titre : « Les Saintes Écritures, Traduction du Monde Nouveau ». Il m'a fallu quelques secondes pour comprendre que c'était une Bible.

J'ai fait glisser mes doigts sur la couverture douce et veloutée et je l'ai ouverte à la première page. Il y avait un espace pour y inscrire son nom et celui de Seth y était apposé. Il avait une écriture un peu sauvage, mais d'une curieuse élégance.