Registre, extrait n°4

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Ces derniers temps, elle avait la sensation désagréable que la terre entière se fichait d'elle. Que même son corps et son esprit, qui ne l'avaient jamais trahie jusqu'alors, y mettaient du leur pour torpiller toutes ses certitudes. D'abord cette étrange sérénité l'avait envahie, et à présent une émotion plus sournoises, plus profonde et plus détestable que jamais lui vrillait les entrailles. De quoi s'agissait-il, exactement ?

Là encore, les réponses faisaient défaut.

Mais elle en avait assez, oh ça oui. Elle qui était si maîtresse de ses émotions, si douée à dissimuler le fond de sa pensée, elle qui ne s'était jamais laissée aller à réagir sur un coup de tête, voilà qu'elle frôlait maintenant l'imprudence.

La veille encore, alors qu'elle se sentait irritée, que cette nouvelle émotion désagréable lui créait des nœuds dans l'estomac, la faisait suer et trembler, elle avait bien failli perdre le contrôle. Elle s'était montrée imprudente, téméraire, tellement hors d'elle.

Qui était-elle devenue ? Depuis quand craignait-elle de se laisser emporter ? Elle avait un plan, une ligne de conduite, un mode d'emploi. Elle ne pouvait pas se permettre d'en dévier. JAMAIS. Il fallait qu'elle se reprenne, qu'elle se montre plus prudente, qu'elle ravive en elle cette entité froide et calculatrice, dénuée de sentiments ou d'états d'âme.

Mais peu importait l'intensité de son désir de redevenir elle-même. Elle avait finalement une petite idée de cette nouvelle sensation désagréable qui la faisait sortir de ses gonds.

C'était de la peur. Elle en était certaine. Et ce qu'elle ne pouvait en rien contrôler, c'est qu'elle ne craignait pas pour elle, non. Elle avait peur pour quelqu'un d'autre. Et tant qu'elle refuserait de regarder à nouveau ce cliché, tant qu'elle ne se déciderait pas à le jeter, une bonne fois pour toute, la peur serait là, tapie dans un coin.

Prête à frapper.

On a cold Nebraska nightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant