Il y a eu des changements dans ce chapitre ainsi qu'une coupure entre celui-ci et le suivant.
Débarrasser la voiture sous ce déluge a été un vrai calvaire. Je n'aurais pas été plus mouillée si j'étais restée vingt minutes sous la douche. J'ai sorti quelques serviettes parmi mes achats du jour et je me suis essuyé les cheveux en tentant de m'organiser. J'ai commencé par installer la litière des chatons, qui continuaient à miauler à la mort, ainsi que leurs gamelles d'eau et de croquettes. Puis j'ai ouvert la cage aux fauves et m'en suis immédiatement désintéressée, une micro fibre et un pulvérisateur anti-poussière à la main.
Rien que nettoyer les rares meubles que je gardais m'a pris deux bonnes heures. Et je ne parle même pas de la cuisine et de la salle de bain que j'ai attaquées après ça. J'avais vu des toilettes publiques plus étincelantes. De temps en temps, j'apercevais un des chatons qui avançait prudemment dans la maison, les pupilles dilatées, bondissant au moindre craquement de plancher. Pour le moment, ils étaient tellement pris par la découverte des lieux que des souris leur passaient littéralement sous le nez, sans qu'ils réagissent. Je m'en moquais, ça ne me dérangeait pas de cohabiter avec ces vermines pendant quelques jours, tant qu'elles ne tapaient pas dans ma réserve de nourriture.
Au bout de 5 heures de ménage intensif, je suis montée dans ma chambre, épuisée, et j'ai gonflé le matelas que j'avais acheté dans l'après-midi. Je l'ai déposé sur le cadre du lit et, satisfaite du résultat, je me suis assise dessus. J'ai sorti mon portable de ma poche et je me suis enfin permis de regarder les actualités en France. Je n'ai pas tapé de mots-clés spécifiques. J'étais carrément paranoïaque et j'avais peur que « meurtre de la fille d'une chef de gang à Paris » soit un peu trop précis et n'éveille les soupçons. Comme si quelqu'un surveillait les résultats de recherche...
J'ai fait défiler les actualités en France jusqu'à tomber sur ce que je désirais. Un article qui parlait justement de ma mort. Les enquêteurs avaient bien évidemment trouvé mes vêtements et mon sang un peu partout sur les lieux du crime. Il restait assez de fragments du corps pour affirmer que c'était une femme et qu'elle faisait à peu près ma taille. Trois membres des Black Panthers avaient été arrêtés, parce qu'on avait retrouvé mon sang dans leur véhicule et mon ADN sous les bagues de certains d'entre eux. Tout indiquait que c'était eux qui m'avaient tuée, même s'ils niaient tout en bloc.
J'ai souri. Tout se passait exactement comme prévu. Camille avait dû appeler ma mère juste après mon décollage et lui demander d'un ton paniqué si j'étais avec elle. Elle était censée lui faire écouter un message vocal que je lui avais envoyé peu avant l'heure supposée de ma mort, dans lequel je disais, ivre morte, que j'allais me venger des Black Panthers. Vengeance qui avait mal tourné, obviously.
J'ai mis en veille mon téléphone et je suis allée chercher l'aspirateur, revigorée. J'étais tellement de bonne humeur que, même s'il était déjà presque 20 h, que je n'avais rien mangé de la journée et que j'étais complètement épuisée, j'étais prête à nettoyer cette maison du sol au grenier, et même celle des autres !
***
Je me suis enfin posée aux environs de 22 h. Il y avait encore du travail à abattre, mais le chalet n'avait déjà plus rien à voir avec celui dans lequel j'étais rentrée, le matin même. Lincoln et Obama venaient de sortir de sous le lit, sous lequel elles s'étaient planquées quand j'avais allumé l'aspirateur et elles m'ont suivi dedans la cuisine pendant que je préparais le repas. Roosevelt n'avait pas été terrifié par le gros machin qui faisait du bruit puisqu'il était sourd et il n'avait pas arrêté de passer entre mes jambes et de jouer avec le tuyau, manquant de me faire tomber au moins vingt fois.
Maintenant, les trois monstres étaient à mes pieds et miaulaient pour attirer mon attention.
— Vous avez vos croquettes là-bas, bande de vampires !
Mais je suppose que la Bolognaise que je cuisinais sentait meilleur que leurs ersatz aux farines animales. Alors que ma sauce bouillonnait gentiment, je les ai attirés tous les trois jusqu'à la litière et je leur ai montré l'utilité de cette caisse pleine de sable qu'ils n'avaient jamais vu auparavant. J'avais pulvérisé quelques gouttes de javel avant d'y verser la litière, ayant lu que les chats en appréciaient l'odeur et bingo ! Les trois ont fait leurs besoins sans tarder, ce qui m'a soulagée d'un poids. Je n'avais pas envie de passer des heures à ramasser derrière eux et à leur apprendre la propreté.
J'ai fini de préparer mes pâtes bolo et je me suis assise à même le sol pour les manger. Je n'avais pas de canapé ni de télé ou même de table, puisque j'avais tout mis dehors. Mais j'étais bien. Je ne m'étais jamais sentie aussi libre et heureuse. La pluie tambourinait contre les vitres, au-dehors, et la nuit était sombre et peu accueillante... mais je me sentais en sécurité.
J'ai fouillé dans mon sac et en ai sorti mon journal intime, un des secrets qui me faisait le plus honte. Mais j'avais toujours eu besoin de parler de ce que je ressentais, de coucher sur papier ce que je ne pouvais pas dire en plein jour. J'ai caressé la reliure en cuir, ayant presque peur de l'ouvrir. Je savais ce que j'allais y trouver et mon cœur se serrait d'avance à l'idée de regarder la seule photo que j'avais voulu emporter avec moi, le seul souvenir qui valait la peine d'être conservé, mon seul et unique regret, celui qui me rongerait jusqu'à ma mort.
J'ai ouvert la première page et la culpabilité a fait un nœud à mon estomac. J'ai vite tourné les pages pour ne pas m'attarder sur la photographie et ai saisi un style, écrivant sur une page vierge ce que la vie ne me permettait pas de révéler au grand jour.
Je suis montée à l'étage, rassasiée, apaisée, évitant de justesse d'écraser un chaton quand ils ont voulu me suivre comme des zinzins, et je suis allée prendre ma douche. La nuit était fraîche et je me sentais crasseuse après ma journée de ménage alors l'eau chaude m'a fait un bien fou. Ces idiots de chatons ont cherché à me rejoindre dans la cabine, mais un jet d'eau dans leur direction les en a dissuadés.
J'ai caressé mon ventre en songeant à mon hygiène de vie. Il allait falloir que je fasse attention à manger correctement et à ne plus me surmener comme je l'avais fait aujourd'hui. Je ne voulais pas faire de visite gynécologique. Alors je devais faire de mon mieux pour que ma grossesse se passe bien.
Je suis allée me coucher avec le sentiment d'avoir bien travaillé, trois énergumènes roulées en boules contre moi. Et la culpabilité, qui se faisait la part belle depuis quelque jour, avait presque disparu.

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On a cold Nebraska night
RomanceLorsque Raska apprend qu'elle est enceinte, elle n'a pas d'autre solution que de fuir le monde violent dans lequel elle évolue en simulant sa propre mort. Elle disparaît alors aux yeux des individus dangereux qu'elle côtoie tous les jours. Quittant...