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La moitié du trajet du retour s'est déroulée dans un silence tendu. Je tapotais nerveusement sur la mallette de mon Smith & Wesson flambant neuf, et Seth conduisait en fusillant la route du regard. Je ne savais pas exactement ce qui l'énervait le plus : sa tante-cousine-grand-mère ou sa rencontre avec Johnson. Ce qui était sûr, c'est qu'il était furieux.

Une aura noire et visqueuse que je ne lui avais jamais vu émanait de tout son corps et je me suis demandée l'espace d'une seconde s'il ne m'en voulait pas, à moi aussi. En tout cas, ses phalanges blanchissaient à vue d'œil sur le volant et j'ai compris qu'il fallait que je désamorce la situation avant qu'elle n'explose.

— Alors, hum, j'ai cru comprendre que vous ne vous entendiez pas plus que ça, le Sheriff et toi ?

Dans ma tête, une mini moi s'est frappée le front en secouant la tête. Je ne venais pas de désamorcer la situation, mais de la dégoupiller. La grenade allait m'exploser à la figure, c'était certain. J'étais décidément très douée pour le relationnel.

— Non, on ne s'apprécie pas beaucoup, a pourtant répondu Seth d'une voix relativement calme.

Le calme avant la tempête. Au point où j'en étais...

— Je l'ai trouvé assez provocant avec toi...

— Pourtant tu avais l'air de passer un bon moment, a-t-il ironisé entre ses dents serrées.

Je suis restée interdite quelques secondes, autant stupéfaite par le ton qu'il avait employé que par le sens de sa phrase. Et bien sûr, au lieu de le prendre mal, un petit sourire a étiré un coin de mes lèvres, ce qui n'allait pas arranger la situation, cela dit.

Seth était-il jaloux ? Ou se sentait-il simplement trahi que je sois allée boire un coup avec quelqu'un qu'il n'aimait pas ? S'il s'agissait de la première réponse, je pouvais éventuellement lui pardonner. Par contre, s'il s'agissait de la deuxième, j'allais devoir mettre les points sur les « i ». Ennemis de mon voisin-patron ou pas, j'avais le droit de fréquenter qui je voulais.

J'ai donc nonchalamment haussé les épaules, décidée à le pousser à bout :

— Il était charmant, avec moi.

— Il l'est avec toutes ses nouvelles conquêtes, a-t-il répliqué vertement.

Ah, ça y était. Je commençais à sentir la mauvaise humeur prendre le pas sur l'amusement.

— Qui a dit que ça n'était pas lui, ma nouvelle conquête ?

Cette fois, Seth a lâché la route des yeux pour les poser sur moi. Il avait plissé les paupières, comme s'il cherchait à savoir si j'étais sérieuse. Il allait être déçu. Quand je voulais, je savais très, très bien déguiser les apparences.

— Il t'intéresse ?

— Qui ne serait pas intéressée ?

— Tu joues avec les mots, Sarah.

— Et toi, Seth, tu poses beaucoup de questions sans rien révéler en retour. Je ne trouve pas ça très fair-play.

Je me suis accoudée à la fenêtre et j'ai regardé le paysage défiler. Décidément, je n'arrivais pas à savoir ce qu'il pensait, et ça m'énervait. Après tout, j'aurais été flattée et plutôt contente qu'il éprouve de la jalousie. J'aimais bien Seth et le fait de ne pas savoir ce qu'il ressentait à mon égard me rendait folle. Je n'avais jamais éprouvé cela, auparavant. Mon cœur barricadé ne me l'avait jamais autorisé et je n'avais eu que des aventures passagères. Mais à présent que j'étais loin de la Famille, j'avais l'impression que le barrage que j'avais construit autour de mes sentiments se fissurait peu à peu. Seth était, et de loin, celui qui me touchait le plus.

On a cold Nebraska nightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant