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Dimanche 2 juillet, 10 h 30, Turtle Lake, Dakota du Nord

Ce matin-là, pour la première fois depuis le début de ma grossesse, j'ai eu des nausées matinales. Je croyais que j'allais passer au travers, puisque j'en étais à plus de 5 semaines et que jusqu'à présent je me levais tous les matins comme une fleur, mais cette fois-ci, mon corps a dit « nan, tu vas souffrir ». Je me suis précipitée jusqu'aux toilettes en titubant et j'ai rejeté le contenu de mon estomac dans la cuvette, c'est-à-dire rien du tout. J'ai eu de nombreux spasmes et c'est à la fin de ceux-ci que je me suis demandé comment j'allais faire pour m'en sortir vivante si ça recommençait comme ça tous les matins. C'est pour cette raison que je suis retournée au lit sans même me rincer la bouche et que j'ai surfé sur internet pour trouver des solutions. Il y en avait étonnamment beaucoup et j'en ai retenu deux ou trois en espérant que ça serait la seule et unique fois où je visiterais les toilettes, tête la première, à 7h du mat'.

Je m'étais recouchée en grognant, aussitôt rejointe par Roosevelt et Obama, qui m'avaient suivi jusque dans les cabinets. Lincoln, elle, était tranquillement restée couché et avait même eu l'air mécontente quand je m'étais rallongée en la poussant légèrement. Les trois monstres avaient grandi, en l'espace de deux semaines. Ils s'étaient aussi transformés en véritables pots de colle. J'avais du mal à me déplacer dans la maison sans avoir au moins un spécimen dans les pattes. Lincoln était la plus indépendante, Obama la plus joueuse et Roosevelt le plus câlin. Mais ils étaient tous les trois très attachés à moi et leur présence me réconfortait.

Et il n'y avait pas que mes chats qui avaient grandi.

J'ai passé une main sur mon ventre nu, où une petite bosse était apparue, au fil des jours. Elle grandissait imperceptiblement et pouvait encore passer pour une masse graisseuse due à une prise de poids, mais ça n'allait pas durer.

Je n'avais pas beaucoup vu Seth, ces quinze derniers jours. Je travaillais tous les lundis, mardis, jeudis et vendredis matin, ce qui suffisait amplement pour accomplir le travail de secrétaire. J'avais réussi à rattraper tout le retard qu'avait pris Seth et, effectivement, j'avais la sensation que m'employer allait finalement lui faire gagner plus d'argent qu'en perdre. Ne serait-ce que dans la rigueur que j'avais à prendre correctement les rendez-vous et à faire les réclamations auprès des fournisseurs quand les pièces commandées étaient défectueuses. Je devais bien admettre que ma formation en droit m'était d'une grande aide, dans ces moments-là. Ça ne se voyait pas forcément de prime abord, quand on me rencontrait, moi, petite brune toute fine, mais j'étais un vrai requin au tribunal. Plus agressive et incisive que jamais. D'ailleurs, Seth m'avait surprise la veille en train de négocier un retour de marchandise. Je ne l'avais pas entendu arriver alors que j'étais au téléphone avec un de ses fournisseurs.

— Marny, j'en ai rien à foutre de vos excuses. Elles ne vont pas rembourser les 200 dollars de plaquettes de frein que je n'ai jamais commandées. Oh ? Ce n'est pas votre problème ? Vous savez ce qui n'est pas mon problème, Marny ? C'est le désespoir et l'anéantissement qui vont vous tomber dessus quand on va vous mettre à la porte et que vous devrez vous trouver un nouveau job. Comment je pourrais vous faire virer ? C'est simple, votre boss sait que vous falsifiez les bons de commande ? Ah ? On n'a plus rien à répondre, tout à coup ? Là n'est pas la question, Marny. J'ai les moyens de le prouver et j'ai surtout pleiiiiin d'énergie négative à exorciser. Je me ferai une joie de pulvériser votre carrière, mon petit vieux. Alors, soit vous me reprenez ces plaquettes et vous me les remboursez, soit j'appelle Mr Strider et je lui raconte qu'une part des pièces qu'il vend va directement dans votre poche.

J'avais fait une pause en jouant avec un de mes stylos. Je m'étais sentie tout à fait dans mon élément. Marny avait réagi exactement comme je l'avais prévu et accepté de reprendre la marchandise.

On a cold Nebraska nightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant