On a cold Nebraska night

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Seth et moi avons installé la table et les chaises. Deux secondes et demie plus tard, il y avait deux boîtes à pizzas dessus et nous découpions nos parts avec l'énergie de deux personnes n'ayant pas mangé depuis très, très longtemps. Roosevelt et Obama sautaient sur les genoux de mon invité en miaulant à qui mieux mieux, alléchés par l'odeur qui émanaient des pizzas. Je ne pouvais pas leur en vouloir, même si j'étais un peu jalouse qu'ils se jettent sur leur ancien propriétaire pour obtenir ce qu'ils voulaient et pas sur la nouvelle.

Moi. Jalouse du voisin. Parce que mes chats préféraient quémander auprès de lui.

Franchement, je n'aurais jamais pensé chuter aussi rapidement.

Seth a finalement réussi à se libérer des deux enragés et il a soupiré avec emphase.

— Tu les as nourris au moins, depuis l'adoption ?

— Nan, je tente de les affamer pour qu'ils se rabattent sur la vermine qui cavalent dans mes couloirs. Ça a l'air de marcher, Lincoln est là-haut en train de boulotter une souris. Elle a succombé la première. Je pense que, d'ici un ou deux jours de famine supplémentaires, Roosie et Obama se laisseront tenter aussi. Si leur sœur n'a pas tout gobé d'ici là.

Seth m'a scrutée quelques instants, se demandant visiblement si j'étais sérieuse. J'ai désigné du menton la cuisine qui se trouvait dans son dos.

— Tire pas cette tronche, leur gamelle est derrière et, tu peux vérifier, elle est remplie.

Mon voisin a pris une grande inspiration.

— La vache, tu m'as fait peur. Bon, on attaque ces pizzas ?

— Je ne demande pas mieux.

Je me suis jetée sur une des parts, mais Seth a brièvement baissé la tête, fermé les yeux et j'ai mis deux secondes avant de comprendre qu'il... comment on disait ? Priait ? Rendait grâce ? Bref, il disait merci au type des étages supérieurs pour le repas. Ce qui était assez drôle, quand on y pensait. Je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer Dieu avec une toque et un accent italien. Ça n'aurait pas dû m'étonner de comprendre qu'il était croyant et manifestement pratiquant. Contrairement à ma mère, il agissait en accord avec ce que ses croyances lui dictaient.

Quand il a relevé la tête et a attaqué sa pizza, je suis sortie de ma torpeur et j'ai suivi son exemple, m'apercevant que j'étais restée figée, une part à la main, à le fixer avec impolitesse. J'ai voulu changer de sujet, relativement mal à l'aise à l'idée qu'il essaie de me vanter les vertus d'une vie pieuse. Mais Seth m'a coupé l'herbe sous le pied en désignant mon ventre, par-dessus la table.

— Bon, l'heureux événement est prévu pour quand ?

Ce n'était pas forcément un sujet que j'avais envie d'aborder non plus mais, étrangement, ça ne me dérangeait pas trop d'en discuter avec lui. Cet homme avait la capacité assez hors-norme de vous mettre à l'aise, même avec des conversations que vous préféreriez éviter. J'appréciais cela.

— Pour le 20 février, s'il se décide à arriver en temps et en heure.

— Tu as déjà des idées de prénom ?

— Non... je vais devoir choisir un prénom mixte ou deux prénoms puisque son sexe restera inconnu jusqu'à sa naissance.

— Oh, tu veux garder le secret ?

J'ai grimacé.

— C'est un peu plus compliqué. Disons que je ne veux pas aller voir de sage-femme ou de gynécologue. J'accoucherai chez moi, seule. Du coup, ça sera la surprise.