Calypso Dolohov

╱╳╲ CHAPITRE II ╱╳╲

⁂

La nuit fut courte et peu agréable, le vent frais annonçant l'arrivée de l'hiver s'infiltrait à travers les fenêtres brisées et les murs fissurés de l'appartement des Dolohov. L'hiver, de nature particulièrement froid, l'était encore plus en Sokovie. Novi Grad n'échappait donc pas à la règle. Caly remonta sa couverture jusqu'au nez, frigorifiée et immobilisée de la tête aux pieds. Elle tremblait énormément et ne sut trouver le sommeil, son esprit était bien trop préoccupé par la santé de Tara et par l'avenir qui les attendait toutes les deux. Elles ne pouvaient pas rester dans cet endroit affligé éternellement, mais si elles n'avaient même pas assez d'argent pour les réparations de ce taudis, elles n'en auraient pas assez pour vivre dans un palace digne de ce nom. De nombreuses questions fusaient dans la tête de la brune, pourtant, aucune d'entre elles n'avait de réponse et même en creusant, Calypso n'en trouva pas une.

Lorsque les premiers rayons lumineux du soleil traversèrent la fenêtre de la chambre de la brune et vinrent réchauffer le bout de son nez, celle-ci n'avait toujours pas réussi à fermer l'œil. Des cernes naissantes avaient pris place sous ses yeux bruns et ses fines lèvres rosées tiraient légèrement sur le bleu. Elle ne ressentait cependant aucun signe de fatigue.

L'adolescente resta immobile un moment dans son lit, puis trouva finalement la force et le courage de repousser la couverture. Elle sortit de son lit, enfila des vêtements suffisamment chauds et rejoignit la cuisine. À sa plus grande surprise, Tara n'était pas encore partie.

"Bonjour ? lança Calypso, les sourcils froncés.

- Bonjour." rétorqua Tara sans lui accorder un seul regard ou bref geste de la main, les yeux rivés sur l'extérieur.

L'adolescente jeta un coup d'œil par dessus l'épaule de sa sœur, mais ce qu'elle vit n'avait rien d'anormal. Ce n'était qu'une ruelle sombre et déserte, éclairée par le faible faisceau de lumière qu'émettaient les lampadaires presque éteints. Tara s'éloigna de la fenêtre et servit un bol de céréales peu rempli à la brune.

"On n'a presque plus rien à manger, il faudrait songer à aller faire quelques achats au marché.

- Je sais, répondit la plus vieille. Je m'en occuperai ce soir en rentrant, promis."

Caly hocha la tête et remua sa cuillère dans son bol. La brune feignit un bref sourire, prit un peu d'argent dans le bocal sur le réfrigérateur puis enfila un manteau sous le regard attristée de la plus jeune. Elle sortit de l'appartement et claqua la porte derrière elle. L'adolescente soupira, se leva, enfila la veste qu'elle avait dérobée la veille ainsi que son casque. Elle balança son sac sur son épaule puis sortit à son tour. Caly dévala rapidement les marches fêlées de l'immeuble et se retrouva à l'extérieur en quelques minutes. Une fois dehors, elle entraperçut sa sœur s'engouffrer dans la forêt derrière les frontières de la ville. La brune la regarda s'éloigner un instant, perplexe, puis prit le chemin opposé en se demandant pourquoi elle s'en allait aussi loin pour un simple boulot qui ne payait pas si bien que ça.

Calypso resserra sa veste autour d'elle comme si cela permettait de conserver plus aisément la chaleur. Elle était bien plus grande qu'elle, noire et des flèches blanches longeaient les manches de celle-ci. La brune laissa ses pas la guider, le regard rivé sur le sol et la même musique résonnant en boucle dans ses oreilles : Sweet Dreams. La seule vieille cassette encore en état qu'elle avait déniché datant de 83. Un instant plus tard, elle se retrouva face à l'ancienne demeure de son ami et leva son regard vers la bâtisse, de nouveau prise d'assaut par des souvenirs, bien moins tendres.

"Pietro ? L'appela la jeune Lily, à peine âgée de 8 ans, elle était arrivée à l'arbre mais son ami n'était pas là. Pietro ! Où tu es ?"

Elle n'obtint aucune réponse et se laissa tomber au pied de l'arbre, espérant voir son ami débouler jusqu'à elle en s'excusant pour son retard. La brunette tourna la chevalière bien trop grande autour de son doigt et resta plantée là durant de nombreuses heures sans le voir arriver, ni lui, ni sa jumelle. Elle se leva finalement avec la ferme intention de rentrer chez elle afin de retrouver ses parents et sa sœur, mais elle n'eut à peine le temps de faire un pas qu'un obus sifflant tomba du ciel et vint s'écraser sur un immeuble sous ses yeux. Puis un second, un troisième, détruisant tout sur leur passage. Une pluie d'obus s'écrasa sur Novi Grad un instant plus tard. Lily s'était cachée dans le tronc de l'arbre, pleurant et criant à l'aide. Elle hurla de plus belle lorsqu'elle en vit deux s'écraser sur le toit de sa maison.

"Maman! Papa !! S'affola l'enfant en sortant de sa cachette. Elle se précipita dans la ville, ses pleurs et cris mélangés à ceux des Sokoviens terrifiés. Tara !"

Certaines personnes essayaient de la rattraper pour qu'elle ne soit pas touchée par l'impact des explosions mais elle leur échappa facilement, se faufilant hors de leur prise, et atteignit hâtivement l'immeuble chaleureux dans lequel elle habitait, maintenant transformé en un tas de ruines fumantes, couvert de carcasses d'obus. Il n'y avait que de la poussière, aucun signe de vie. Elle chercha sans cesse les corps de ses parents, mais ils n'étaient plus là, et lorsqu'elle le comprit, elle se laissa tomber à genoux et pleura si fort qu'elle n'entendit plus le brouhaha autour d'elle.

"Lily !! S'écria la voix familière de sa sœur, âgée quant à elle de 12 ans. Lily viens vite ! On doit partir ! S'il-te-plait, écoute moi !!"

Elle attrapa Calypso qui résistait et la tira en arrière pour la faire sortir, pleurant elle aussi le décès prématuré de leurs géniteurs. Tara serra le bras de sa jeune sœur et la tira vers l'extrémité de la ville. Elle la poussa dans un lieu sûr, mais Caly résista à nouveau et s'apprêta à courir de nouveau vers la ville.

"Pietro !! Wanda ! Lâche moi !

- Je suis désolée.. ils ne sont pas là.. ils..

- Non !"

"Ils sont morts" acheva Calypso, fixant le bâtiment récemment reconstruit comme si la tête brune de l'un des jumeaux, désormais âgés de 18 ans, allait apparaître.