Chapitre 4

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E

nfin libre. Ma journée de cours est terminée. Mon père ne m'attend pas avant 19 heures et Nadir a disparu à peine la cloche a retenti. Je m'élance à petites foulées. J'ai envie d'aller rendre visite à un vieil ami. Il habite dans la Houle. J'oriente mes pas sans ralentir mon rythme.

Je me glisse sous le quai. J'aime l'ambiance qui règne là-dessous, lugubre et austère. Une lumière tamisée passe à travers le plancher. Une odeur d'algues pourries imprègne le bois. Le sable humide est blanc laiteux ou brun-noir. Des flaques d'eau croupie s'accumulent dans les creux.

Plié en deux, j'évolue entre les poutres recouvertes de moules et coquillages aux bords tranchants. Je traverse la Houle sans être vu. Le bois grince, gémit lorsque quelqu'un marche dessus. J'ai l'impression qu'à tout moment tout peut s'écrouler.

Dès mon entrée sous la surface je cherche une sortie. Le quai est déjà un vrai labyrinthe et ses fondations connectent beaucoup de cul-de-sac entre eux. Ce qui en fait un endroit parfait pour s'y perdre et ne jamais remonter. J'ai appris à mes dépends à rester à l'affût de la moindre ouverture.

Étant petit et aimant fouiller partout, ce sous lieu est une aubaine. Je connais quelques entrées et les sorties. Quand je ne suis pas au bon endroit, eh bien d'autres se créent. En soit, il faut juste trouver un passage pour remonter. Il y en a partout.

J'observe un crabe fuir à mon approche. Le sable s'humidifie de plus en plus et mes empreintes se remplissent d'eau après mon passage. Cela signifie que je me rapproche de l'eau. Je me demande si la marée monte jusqu'ici. C'est probablement le cas mais jamais je n'attendrais pour vérifier. C'est un coup à finir noyé même en ayant pied, coincé sous le plancher.

J'aperçois une sortie : une poutre horizontale, une planche cassée. Je souris et remonte mes manches. Puis, je me hisse vers la surface, escaladant les fondations. Toucher la mousse et le bois pourri n'est pas une sensation des plus agréables mais je passe outre.

J'atterris dans une impasse entre deux cabanes. Un rapide coup d'œil m'informe que je suis entouré de tonneaux et de vieux filets déchirés. Personne dans les environs. Toutefois l'activité sonore de la Houle n'épargne aucun lieu. J'entends le brouhaha des pêcheurs.

Je me mets sur mes pieds. Je constate que je dois être plus à bâbord dans la Houle que je le pensais. Tant pis, je me retourne pour m'en aller et tombe face à face avec deux Pacificateurs.

Dans leur tenues blanches pare-balle, leurs casques à visière noire et l'arme au poing, on dirait qu'ils sont près à partir en guerre comme toujours. Trop de fois je les ai vus en action pour les sous-estimer. J'ai un mouvement de recul car je ne m'attendais pas à les voir si proche de moi. Ils ont surgi comme une apparition et me bouchent le passage.

– Qu'est-ce que tu fous ici ? Demande l'un des pantins.

La lettre "q" est trop prononcée, son "s" traînant et malgré l'intention qui se veut dur, la fin de sa phrase monte dans les aigus plus que nécessaire. C'est une recrue de nouvelle lune qui doit venir tout droit du Capitole.

Pris dans le filet, je bredouille :

– Rien, me balade...

Je n'ai pas le temps de voir sa main se lever avant qu'il ne me frappe. Ma mâchoire explose. Ma vision se brouille et je me retiens à grand peine de ne pas lui rentrer dedans. Je vois rouge et m'imagine l'étriper. Deux contre un, je pourrais m'en sortir... Je n'en doute pas un instant mais le problème c'est leurs armes.

Hunger Games Le tribut de l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant