1 : Le début de la saison olympique

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La rentrée crée un sentiment étrange. Un mélange d'appréhension et d'excitation. Déjà, petit, j'étais le premier à trainer des pieds le jour J, ce qui exaspérait profondément ma mère. Ce qu'après j'oubliais une fois le portail de l'école franchi, que je retrouvais mes quelques copains. Il y avait des bons côtés, comme la fierté de passer dans une classe supérieure et être considéré comme un « grand ». 

Sauf que la rentrée apporte aussi son lot de nouvelles choses, et en grandissant, on apprend que chaque rentrée, ça apporte son lot de pression supplémentaire. Petit, c'était juste savoir quelle serait notre table dans la salle de classe. En grandissant, c'était des questions portant sur l'orientation professionnelle, où partir faire ses études, et « Morten, il faut réfléchir à une autre option que sportif professionnel, ce n'est pas une voie, ça ». J'ai donc une brève pensée pour cette prof qui m'avait sorti cette remarque à mes seize ans, et j'ai un peu envie de lui faire un coucou d'où je suis : dans un Centre d'excellence à pouvoir vivre de ma passion sportive. Le coucou serait bref, parce que c'est justement ma rentrée dans ce Centre olympique qui me donne envie de me faire dessus : cette année, c'est l'année avec le grand examen, un peu. 

C'est la saison avec les jeux olympiques d'hiver, cette fois à Toronto, au Canada. 

J'y suis attendu. Surtout au vu de mes derniers résultats.

Certes, j'avais été remarqué aux jeux olympiques de Nagano, où ma médaille de bronze avait surpris tous les pronostics, à commencer par les miens, sans mentir. Puis j'avais gagné l'argent à un championnat ISU, et l'or aux jeux européens et aux quatre-continents. 

Une belle panoplie, il faut être honnête, et le tout orne fièrement une étagère de ma bibliothèque, celle centrale, où l'on pose ce que nous tient le plus à cœur. Avant, il y avait ma compilation de jeux de Playstation et quelques mangas, mais j'ai dû tout re-ranger afin de laisser une place à ma nouvelle fierté : mes récentes victoires en individuel.

Cependant, à l'ancienne, j'avais moins de pression. Je n'étais pas autant remarqué. Aujourd'hui, je suis un des favoris. C'est un énorme stress pour la rentrée. C'est comme si on était promis à une université prestigieuse uniquement si on avait les meilleurs résultats à l'examen terminal. Ça met beaucoup trop de pression pour un simple individu. Et dieu sait pourtant à quel point je suis quelqu'un qui ne stresse pas normalement. Mais là, les enjeux sont trop forts.



Je prends l'allée du Centre menant vers les patinoires. Autour de moi, l'herbe est verte, les pâquerettes fleurissent de partout, quelques sportifs sont en séance d'étirement en plein air ou profitent du soleil pour grignoter et bavarder en groupe, assis en cercle. Parce que la rentrée des sportifs d'hiver se fait bien sûr au printemps, histoire d'avoir le temps de se préparer pour les prochains jeux après un long mois de coupure.

— Morten ! Alors beau gosse, ça va ?

Je me retourne, aperçois une Cynthia qui accourt vers moi en sautillant comme un petit lapin. Finalement, elle ressemble à l'animal, avec son bout de nez tout rouge.

— Ouais, et toi ?

— T'as vu ma gueule ? Normalement, il faut se mettre en bombe pour la rentrée. Je ressemble à quoi ?

— Un lapin. Un lapin avec la myxomatose, Cynthia.

— Abruti !

— Allergie ?

— Grave ! Le pollen veut ma mort. C'est triste, qu'une merveille de la nature comme moi soit si faible face aux forces de la nature elle-même. Mais bon, que veux-tu, c'est la vie.

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