32 : Toutes les vérités

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Quand nos deux coaches nous voient arriver à la patinoire quelques jours plus tard, je devine d'avance l'air sévère de M. Jones accentué par le fait que sa recrue n'ait pas de patins à la main, et qu'à la place, un atèle entoure sa cheville. L'ambiance pacifiée malgré mes accusations contre Hans (que la fédération a tu, même si ça n'empêche pas l'entraineur en chef de me fusiller du regard dès qu'il me croise) semble oubliée.

— Bonjour, lancé-je d'un ton joyeux dans un faux espoir de détendre l'atmosphère.

— Les garçons, nous salue Katrina alors que Jones reste muet.

— Bonjour, coach. Je suis désolé, je ne pourrai pas m'entraîner aujourd'hui, je me suis tordu la cheville hier soir en faisant la réception d'un saut sur les tatamis, et j'ai besoin de deux ou trois jours de pause.

Zihao tend poliment son certificat médical, mais Jones ne le récupère pas. Katrina fronce les sourcils, comme nous.

— C'est quoi, la vérité ? demande avec hargne M. Jones.

— La vérité ? répète Zihao.

— Sur ta blessure.

— J'ai raté la réception d'un quadru...

— Arrêtez de me prendre pour un imbécile, vous deux ! Zihao, on a répété des milliers de fois tes sauts. Ta technique est irréprochable. Autant sur la glace que sur le sol ! Tu ne t'es pas blessé seul ! Vous vous êtes encore entraînés à deux hier soir, à vous amuser comme des gamins. Tu t'es blessé à cause de ça, à cause de Morten.

On baisse les yeux. Après tout, Jones est peut-être chiant, mais il n'est pas stupide. 

La veille, en s'entrainant à deux, j'avais voulu montrer à Zihao comment on réalisait les portés twistés en patinage de couple. Ah, ce n'était pas l'idée la plus brillante à faire un mois avant les jeux, mais dieu sait que j'ai toujours des idées de merde avant une compétition. Zihao avait insisté, j'avais obtempéré, et voilà qu'après avoir essayé de l'envoyer en l'air (dans des circonstances très pieuses, hein) et trois tours sur lui-même, la réception avait été foirée et il avait senti un étirement dans sa cheville. On n'était pas stupides, on savait ce que c'était, donc après avoir mis une poche de glace et un atèle, on avait quand même pris une petite visite chez le médecin du centre, M. Beck, afin d'avoir un certificat médical pour cette petite entorse.

Aujourd'hui, Zihao se porte déjà mieux, mais il sait tout autant que moi qu'il vaut toujours mieux reposer un membre plutôt qu'insister et se causer une blessure bien plus grave.

— ­C'était un accident, ça arrive, dis-je alors.

— Un accident ? Vous croyez que c'est le moment, d'avoir un accident à quatre semaines des jeux olympiques ?

— Il va se rétablir, c'est une simple entorse. Il n'y a pas mort d'homme.

— Ça aurait pu être pire ! Je commence à en avoir assez, Morten, que tes actes dévergondés influencent Zihao ! commence à s'énerver le coach, créant ma colère par ricochet.

— Mes actes dévergondés ? C'est bon, on a juste patiné ensemble ! On est des patineurs, après tout !

— Oui, tes actes dévergondés ! Parce que tu appelles ça comment, toi, quand tu suces ton rival dans les vestiaires de la patinoire ?

Je fais un arrêt cardiaque. Ma bouche est entrouverte, mon souffle se coupe, aucun son ne sort. Je suis choqué. Comment ? Comment a-t-il su mon, notre, plus grand secret ? Il sait qu'il a raison. On ne pourrait pas nier. Les lèvres de Jones se pincent, comme si maintenant, il s'en voulait de s'être emporté et révélé la vérité. Mon visage reflète sans doute un effroi incroyable. Je n'imagine même pas celui de Zihao à côté de moi. Quant à Katrina, je vois bien que sa mine se décompose également :

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