10 : Coaching militaire et interrogatoire policier

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Quand je rentre dans la salle de sport, mon premier instinct est de la scruter, un peu comme un petit suricate qui sort de son terrier. A force, j'ai acquis des compétentes presque similaires à celles de ces animaux : il me faut moins de trois secondes pour repérer mon colocataire parmi la quarantaine de sportifs déjà présents. Je me dépêche d'aller à son encontre, alors qu'allongé sur un banc, il en profite pour soulever une altère. Aske, à côté de lui, laisse plus souvent le poids par terre que son portable. Je vois qu'ils discutent gaiement, et échangent souvent des éclats de rires quand Aske montre l'écran de son portable à l'asiatique. Je suis vraiment content que Zihao soit aussi bien intégré. Quand les deux hommes me voient, chacun m'adresse un grand sourire. Je fais de même et m'avance vers eux.

Le capitaine de l'équipe de hockey est un des amis dont je me suis le plus rapproché ces dernières années, après être revenu du Japon et que Silas soit parti. Je restais à la table de l'équipe de hockeyeurs par habitude même si Silas n'était plus là, et finalement, mon amitié avec celui qui l'a remplacé au poste de capitaine s'est accentuée. Ça a même servi à améliorer les relations entre sportifs de disciplines sur glace. Tout le monde y a été gagnant.

Quant à Zihao... Comment dire que cela fait exactement deux semaines que nos entrainements (du moins ceux du matin, sur la glace) ne sont plus mutualisés. On a quand même réussi à négocier pour que nos séances de l'après-midi (musculation, étirements, relaxation) soient ensemble. Jones a été difficile à convaincre, mais pour lui, du moment que les heures passées à répéter nos programmes libres et courts pour les jeux olympiques soient chacun de son côté, ça suffisait. Au cas où on triche sur le programme de notre rival, comprenez bien. Toujours est-il qu'il m'a fallu sacrifier toutes mes matinées avec Zihao pour me rendre compte d'à quel point sa présence me manquait. Certes, on est ensemble l'après-midi, le soir on partage mon appartement, je me rends compte que j'aimais quand on était tous les deux sur la glace. Peut-être un vieux fantôme du patinage de couple, qui fait que j'ai du mal à rester seul, pour l'individuel, sur la glace.

— ­Salut les gars, vous allez bien ? leur lancé-je.

— Yes ! s'exclame Aske.

— Vous parliez de quoi ?

Aske adresse un regard long avec Zihao, avant de reprendre :

— Euh... Plein de trucs. Et on est venu à parler de Jones, c'est un tyran le nouveau coach.

— T'exagère un peu, lui fait remarquer Zihao.

— Il ne veut plus que vous vous entraîniez sur la glace ensemble, excuse-moi, mais même les dictateurs de ce monde laissaient plus de libertés à leur peuple.

— Il entretient une rivalité inutile, soupiré-je. Et il est buté. Dans sa tête, je veux forcément nuire à la carrière de Zihao. Si je l'élimine, je conserve ma place au classement ISU, et bonus : je suis presque assuré de médaille aux JO. C'est ridicule.

— Ouais. Surtout que vous vous entendez super bien, quoi ! C'est vrai, en patinage, il n'y a pas un groupe aussi soudé qu'une équipe de hockey peut l'être, par exemple. Ça me manquerait, perso.

Je remarque qu'Aske a raison. Même si les anciennes tensions sont enterrées pour de bon, que je m'entends super bien avec Ulrick et Freya, on n'est pas fusionnels comme le sont tous les gars de l'équipe de hockey entre eux, à manger, à faire des soirées, des conneries ensemble. Je veux bien croire que Freya et Ulrick soient en couple, mais même en élargissant le cercle à Cynthia, on n'obtient pas une équipe toujours ensemble. Chacun bâtit son bout de chemin, même si ça ne nous empêche pas d'être amis et apprécier la présence des autres (sauf Cynthia, au bout de deux heures, on cherche à s'en débarrasser). C'est probablement pour ça que ma nouvelle amitié avec Zihao s'est installée comme une évidence et m'est autant bénéfique. Aske surveille à nouveau son téléphone, sourit, et nous lance :

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