37 : Programme court

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Musique : Sol Invictus, composition par Paul Dinletir/audiomachine (parce que ça sonnait bien pour le programme court de Morten héhé).

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Les jours qui me séparent de mon premier tour de compétition passent vite. J'ai baissé mon rythme de travail, pour ne plus mettre les pieds dans la patinoire. J'avais suffisamment bossé avant. De l'entrainement ne fait du mal à personne, mais avec ma blessure au niveau des côtes, le plus important est de me préserver. Anastasia, qui était du voyage, essaie de me faire étirer, grimaçant en même temps que moi lorsque je me plains de douleur.

— Ce sont des monstres. Tu souffres, maya lubof.

— Je n'ai pas mal, murmuré-je, fixant l'horizon devant moi.

Elle m'adresse un sourire de compassion. Je n'ai que ça de la part du staff, de mes amis. Tous sont persuadés que j'ai perdu mon plus proche coéquipier. C'est la vérité. Mais j'ai perdu davantage. J'ai perdu l'amour, aussi. L'image de Zihao ne me quitte pas. Chaque instant, je me demande comment on aurait préparé nos derniers jours de compétition s'il avait été là. Ce qu'il aurait pris au petit-déjeuner de l'hôtel. S'il m'aurait fait un sourire avant mon passage. 

La tristesse me prend toujours quand je pense à lui, à ces moments uniques que l'on ne partagera pas ensemble. Mais également, une émotion encore plus grande s'embrasse dans mon corps. Elle avait commencé comme une pauvre braise, avant de devenir un brasier. La haine. Du monde, de la fédération qui ne fait rien, de tout, finalement. Ça n'est pas passé inaperçu. Je n'ai parlé à aucun concurrent, n'ai jamais trainé à la patinoire, snobe les journalistes quand ils essaient de me poser des questions sur mon ancienne coach, et mon rival disparu. Je passe pour un immense prétentieux, un méprisable, et je pense que c'est que je ne peux déverser ma colère autrement.

— Morten ? m'appelle Katrina. Il va falloir y aller.

La première épreuve de l'individuel masculin a lieu cet après-midi. Le programme court. Les deux minutes cinquante les plus courtes et longues de votre vie, à chaque fois. Je la suis sans un mot. Je ne prononce rien de plus quand notre groupe emprunte un bus pour se rendre à la patinoire. Je ne prends même pas la peine de jeter un seul coup d'œil vers les autres personnes présentes. Pourtant, je sais qu'au contraire, je suis au centre de l'attention. J'ai fait grand bruit, entre mes accusations de Violet qui se sont révélées vraies, l'arrestation de mon meilleur ami et le fait que je me sois mangé une matraque en plein ventre. Je suis sûr que la vidéo où je hurle dans un hall d'aéroport circule partout. Peut-être même celle où je frappe la glace de mes points abîmés. Le monde parle, crie, accuse, juge, et moi je construis mon château de glace, fait de silence bruyant et de fausse indifférence.

Je traverse les lieux en remettant ma large capuche sur ma tête, suivant Eden et Oliver, chacun en charge de me transformer.

— Morten, tu passes quatrième aujourd'hui ! me crie Katrina alors qu'elle court vers moi en tendant mon pass et les papiers donnés par les organisateurs.

Je les accepte avec un rapide un sourire.

— Hé, ça va aller, ok ? Ça n'a pas été facile, dernièrement, mais tu y arriveras, ok ?

— J'essaierai.

— Au fait... Tiens, je pensais que tu l'aurais voulu.

Elle me tend un autre badge, autre que celui à mon nom. A la place, au bout du cordon, la carte fait figurer la photo d'un patineur aux traits asiatiques. Le pass de Zihao pour les jeux. Je le serre à mon tour dans mes doigts tremblotants et crevassés, si fort que j'en manque d'en faire ressaigner les plaies.

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