Revaler

2 : Qián Zihao

On arrive tous les quatre dans la patinoire, où nous attendent nos amis. Ulrick jette un coup d'œil sur l'horloge holographique et nous lance bien entendu son regard de psychopathe. Pour quatre minutes de retard inexcusables. A côté de lui, Freya et Katrina parlent gaiement, même si ma coach ne perd pas d'un œil Peter qui s'amuse avec Ana, sa fille, en la tenant dans les bras et lui faisant faire l'avion. La gamine rigole, Peter aussi, mais Katrina semble inquiète.

— ­Peter, si elle te vomit dessus à force de la secouer...

— Mais non, t'inquiète. Je faisais toujours ça à mes enfants. Regarde comme elle s'amuse !

En effet, la petite de trois ans écarte les bras comme un oiseau et postillonne partout en faisant un bruit de moteur, en s'arrêtant parfois quand elle est prise d'un fou rire.

— ­Oh, salut à tous ! lance Katrina en nous voyant. Prêts pour la rentrée ?

S'échangent ensuite des accolades, petites questions de politesses, anecdotes éparses, avant que Hans nous rappelle à l'ordre en montant sur une petite estrade. C'est à ce moment-là que je remarque un homme, qui se tenait jusqu'à présent dans un coin de la patinoire, s'avancer timidement vers notre groupe. Je le connais, c'est sûr. Pourtant, avec ses traits asiatiques et son air de petit chiot égaré, je suis sûr qu'il n'est pas d'ici.

— Allez, les jeunes, venez tous voir Papa Hans. Alors, je suis heureux de vous retrouver après ce long mois de coupure, et de vacances. J'espère que vous avez bien profité ! Je vois que certains ont pris quelques couleurs, même s'ils ont oublié de ramener un souvenir au coach en chef du centre. C'est décevant.

Il n'en faut pas beaucoup pour savoir que cette remarque m'est tout droit destinée. J'aurais dû lui ramener une noix de coco en souvenir de Nassau. Histoire de lui balancer dessus la prochaine fois qu'il réclamera un souvenir.

— Bien, comme vous le savez, cette année, l'objectif, ce ne sont pas les jeux européens, ni même un championnat ISU habituel. Ce sont : les jeux olympiques ! Pays hôte : le Canada. Pays du sirop d'érable et de la poutine. Je salive d'avance à l'idée d'y aller, donc ne nous décevez pas. Surtout que vous avez fait fort, depuis quelques années. Vous avez complètement redoré le visage de la fédération danoise, qui s'illustre désormais dans le patinage. Morten est annoncé comme un des favoris de sa catégorie, Ulrick et Freya aussi. Cynthia...

— Moi aussi, Hans, je regrette de m'être cassée la gueule à la dernière compétition, ça arrive. Mais je vais remonter au classement mondial ISU, l'interrompt cette dernière.

— Je sais. Tu vas briller aux prochains jeux. Sinon, je me débrouille pour te perdre dans l'étendue d'une grande forêt canadienne. Bien. Le déroulement de cette année ne changera pas des précédentes, vous avez l'habitude de vos coaches, ça fait maintenant trois ou quatre ans que vous travaillez avec la même équipe. Ces jeux seront nos jeux, nous pouvons ramener trois médailles pour le Danemark ! C'est entendu ?

— Oui ! acquiesçons-nous en cœur.

— ­Bien... Cependant, pour finir, cette année aura aussi des particularités. Laissez-moi vous présenter Zihao. Zihao Qián, reprend Hans. La fédération danoise de patinage, en accord avec le comité olympique, a décidé de le prendre sous son aile, sous bannière neutre, jusqu'aux prochains jeux.

Je le regarde, maintenant que Hans nous a rappelé son nom. Ce serait mentir de dire que je ne connais pas Qián Zihao, qui s'est désormais avancé au niveau de Hans à l'entente de son prénom, après que ce dernier lui ait aussi fait un petit signe l'invitant à le rejoindre. 

Zihao. Le troisième au dernier championnat ISU. Ah, il m'a sans doute maudit pour lui avoir arraché la médaille d'argent des mains, à si peu de points près. Sa prestation m'avait fait peur, honnêtement, quelques temps auparavant. Il avait une technique incroyable, celle que l'on retrouve et envie souvent aux patineurs chinois. Celles qui résultent d'heures interminables de pratiques quotidiennes, d'un suivi sportif de chaque instant, d'un régime et d'un encadrement draconien.