9 : Lendemain (très) difficile

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Arriver jusqu'à l'appartement relève presque du miracle. Je dirais même que participer aux jeux olympiques, à côté, c'est du gâteau. N'ayant pas eu la foi de marcher bien longtemps, j'ai appelé un taxi, qui n'a pas tardé.

— Je vous amène où ? demande le type, un chauffeur au visage rondouillard, mais à la voix sympathique.

Je donne mon adresse, le type hoche la tête, cherchant sur son GPS.

— ­Ce n'est pas loin du Centre olympique, je ne sais pas si ça vous aide.

— Ah, si ! Ah, il y a quelques années, j'avais amené une patineuse toute perdue là-bas. Elle m'avait fait un autographe, et figurez-vous qu'elle a gagné les jeux olympiques ! Depuis, je l'ai accroché dans le salon, je ne suis pas peu fier.

Freya ? Je souris un instant. Ça lui ressemble tellement, même si la connaissant par cœur, j'imagine qu'elle devait être gênée de signer un autographe, à cause de son caractère introverti et humble.

— Bien, j'ai trouvé l'adresse, reprend le type. On y sera en moins de dix minutes. Montez.

Zihao s'installe péniblement dans le taxi, sans un bruit. Même après, il ne dit pas un mot alors que le taxi déambule dans les rues ensommeillées de la capitale, où les rares zones de bruit sont près de bars et boîtes festifs.

— Ça va ? demandé-je à mon ami.

— J'ai envie de vomir...

— Non ! Zihao, je t'en supplie, ne vomis pas. On va devoir payer sinon, ou on va nous jeter du taxi, lui chuchoté-je avec un vent de panique automatique dans la voix.

— T'inquiète, ça va aller...

Je n'en suis pas certain. Son teint est encore plus pâle et ses yeux vitreux. Je guette la course du taxi. Quatre minutes. Il reste quatre petites minutes.

— Comment ça se fait que vous connaissiez le Centre olympique ? me demande alors le chauffeur, sans doute pour rompre un peu la glace.

— Je suis sportif là-bas.

— Ah bon ? Vous aussi ? En quoi ?

— Patinage artistique individuel.

— Ah bon ? Vous aussi ? s'écrie de plus belle le chauffeur.

— Oui, souris-je. Mon ami aussi, on fait chacun de l'individuel masculin.

— Dis donc, je vais bientôt avoir toute la délégation dans ce taxi ! s'en amuse l'homme. Vous pourrez me faire un autographe, chacun, avant de partir ? Et passer le bonjour à votre amie également ?

— Pas de souci.

Finalement, je crois que même si Zihao avait vomi, l'enthousiaste chauffeur ne lui en aurait pas tenu rigueur. Je paye notre course, signe mon autographe, Zihao fait de même sans trop comprendre, puis me lance à l'ascension des trois étages qui mènent à mon appartement. La partie la plus sportive du périple, sans compter que Zihao finit à moitié avachi sur moi, son bras au-dessus de mes épaules. Je déverrouille non sans mal ma porte (pourquoi est-ce si compliqué de glisser une clé dans une serrure quand on a bu ?) et transporte nos deux corps à l'intérieur. J'aurais croisé un voisin, il aurait certainement cru que je trimballais un cadavre au vu à quel point Zihao est amorphe.

— Morten, je...

— Oui, oui, attends ! Pas sur mon parquet, s'il te plait !

Je presse Zihao jusqu'aux toilettes, et finalement, il en est moins une avant qu'il ne vomisse ailleurs que dans celles-ci. Je chasse les quelques mèches brunes et raides qui viennent tomber sur son visage, effleurant délicatement sa peau moite.

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