28 : Huit mois

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— Essaie une dernière fois.

Je m'élance, tourne sur moi-même, quatre fois et demie, mais rate la réception qui se fait sur deux patins. Puis mes fesses.

— Et merde !

— Allez, viens te reposer. La fatigue n'arrange rien.

Je souffle, mais reconnait que Zihao a raison. Je le rejoins sur le bord de la patinoire où il me glisse une serviette autour du cou pour éponger ma sueur. Heureusement, parce que je suis collant de transpiration. Je renifle mon aisselle, grimace, ce qui fait néanmoins rire l'autre patineur.

— Je t'avoue que tu pues.

— Je sens la transpiration quatre-vingts pour cent du temps. Je sais que tu ne m'aimes pas pour mon odeur corporelle.

— Ouais, je t'aime pour plein d'autres choses. Notamment le fait que tu sois tenace.

— Tenace, peut-être, mais le quadruple Axel me résiste encore. Je garderai le saut en triple pour le programme court, tant pis.

— Tu as encore un mois pour y parvenir.

— Ouais... Mais je dois être à quoi, cinquante pour cent de réussite sur les rotations ? Un atterrissage toujours raté ? Trop risqué. Je te laisserai l'honneur d'être le premier à effectuer un quadruple Axel réussi aux jeux.

— Je ne les réussis pas plus que toi.

— Tu es plus doué, tu sais.

— Arrête.

Zihao me lance un regard de travers. Je sais que cette bataille d'arguments, récurrente, mène toujours au même point de toute façon. On se dirige alors vers les vestiaires, prêts à mettre fin à notre après-midi de libre, où ô suspens, on a préféré patiner plutôt que se détendre. Le stress de la proximité des jeux se fait ressentir, qu'on le veuille ou non.

Alors que j'enlève mes vêtements que je lance en tas près de mon sac de sport, Zihao prend son temps en les pliant soigneusement. Ils seront en boule quand ils seront dans la machine à laver, mais je ne fais aucune remarque sur sa bonne éducation. Ma mère aurait été contente d'avoir eu un fils soigneux comme lui. Il détache sa montre connectée, et regarde avec étonnement l'heure.

— Avec ta ténacité, il est presque vingt-et-une heure.

— Oui, j'avais vu qu'il faisait nuit noire, mais je ne pensais pas qu'il était aussi tard. On commande à manger pour ce soir ?

— Pour une fois, je vais céder...

Je lève mes poings au ciel, fier de ma petite victoire.

— ­­Arrête, je vais finir par croire que tu n'aimes pas quand je cuisine.

— Hé, tu sais que tu es le meilleur cuisinier que je connaisse. Ça fait partie de tes innombrables qualités.

— Cite les autres alors.

Je tourne la tête vers lui, alors qu'il s'est mis à côté de moi, laissant tomber un jet d'eau chaude sur ses épaules. Mon regard souligne ses traits de visages anguleux, son cou fin, sur sa peau ambrée d'où se dessine de fins muscles saillants, comme une délicate sculpture d'argile, mes yeux tombent sur ses reins sans vraiment arriver à les quitter.

— ­Tu es la personne la plus gentille que je connaisse. La plus patiente. Tu es drôle. Tu es mon plus grand soutien. Tu es ma source d'inspiration la plus profonde. Tu es intelligent. J'ai failli oublier : tu es un génie du patinage. Ah, et tu as un putain de corps de Dieu. Et tu es beau. Vraiment. J'adore ton regard. Tes lèvres aussi. J'ai essayé d'être objectif, mais je crois que c'est un échec.

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