31 : Bête noire de la fédération

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Le lendemain, je n'en mène pas large. Comme je m'en doutais, j'ai été convoqué à la fédération. Pas besoin d'être un devin pour mesure l'ampleur de ce que j'ai créé : déjà, les propos d'Ulrick qui niait depuis le début sont écoutés avec plus de sérieux, Violet est désormais prise à partie sur les réseaux sociaux, personnellement mon camp se divise en ceux qui me croient et ceux qui affirment que je mens, et surtout, et c'est pour ça à mon avis que la fédération a si peu tardé à me convoquer : j'ai créé une vague de dénonciations dans le milieu sportif. Ça a commencé au niveau du patinage, où plusieurs sportifs et sportives, amateurs comme professionnels, ont saisi mon cas pour raconter du harcèlement ou des agressions qu'ils auraient subi. Puis ça a touché l'ensemble du domaine. J'ai créé un raz-de-marée, qui engloutit tous les tabous du monde sportif. Et ça ne plait pas à tous.

J'arrive au siège de la fédération danoise de sports sur glace. Je suis un peu dévisagé de toutes parts alors qu'une des agentes de l'accueil me guide jusqu'au bureau où je suis convoqué. Quand on me fait entrer dans ce dernier, je vois que j'étais attendu, pourtant je ne suis pas en retard. Je devine au vu du staff important qui est présent qu'ils avaient une réunion sur mon sujet juste avant. Je ne peux m'empêcher de trouver ça déloyal.

Maya lubof...

Je tourne la tête alors que ma coach russe oublie ses manières de tyran pour révéler ceux d'une mamouchka. Ses doigts fins et délicats caressent délicatement ma joue, avec la même douceur qu'une plume d'oiseau.

— Je suis désolée, maya lubof...

— Merci, Anastasia.

Et ses frêles bras viennent m'enlacer d'une étreinte puissante. Ma gorge se serre et je me retiens pour ne pas pleurer. Je ne peux pas craquer, pas encore.

— Ça va, Morten ? me demande une autre voix féminine tout aussi douce.

— Oui, Kat'...

— Je suis là, maintenant, ok ? On sera là pour toi.

Pour accompagner les propos de la coach féminine du patinage, Peter pose également une main sur mon épaule quand Anastasia me lâche, en signe de soutien.

— Bien, on peut commencer ? Je vous demanderai de nous laisser désormais, on va rester en comité restreint, entre Hans, Morten et moi.

Je tourne la tête vers le nouveau directeur de la fédération qui a remplacé John Lerby il y a quatre ans, après sa démission, pour éviter tout scandale alors que sa fille était à deux doigts de tuer Freya en foutant de la poudre d'amande dans sa gourde. 

J'ai rarement vu ce directeur, il effectue son travail en silence, et c'est la première fois que je viens dans son bureau. Crâne lisse, sourire presque absent, yeux bleus et froids, il me dérange. Peut-être que c'est aussi dû à sa phrase prononcée sèchement, sans même m'avoir préalablement salué, et montrant, malgré lui, que le soutien que certains membres du staff éprouvent pour moi l'énerve déjà.

— Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes là, Monsieur Hansen, déclare l'homme de sa même voix tranchante. Je suis Monsieur Svensen. J'aurai préféré vous croiser en d'autres circonstances, pour être tout à fait honnête.

— Moi aussi, si je dois être honnête.

J'attire un premier regard assassin. Je pense qu'il y a trop de temps perdu en protocoles inutiles ou respect mensonger. Je sais que Svensen n'est pas là pour m'aider. Autant lui faire comprendre que je vois clair dans son jeu.

— Vous avez bousculé la fédération de patinage, l'ISU, à un mois des jeux. C'est regrettable...

— Il y a peut-être plus regrettable : le fait qu'il y ait des victimes, que personne ne s'en rende compte, et que personne ne puisse également les aider.

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