36 : Soutien inespéré

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Katrina va devenir folle à cause de moi, c'est sûr. Elle doit s'en vouloir d'avoir en charge le sportif le plus impulsif et instable du Centre. Elle ne sait même plus où se donner de la tête : d'un côté, elle est rassurée que je sorte de ma chambre, patine un peu et me remette à manger. De l'autre, elle m'a engueulé pour mes phalanges explosées (je n'ai rien trouvé à dire parce qu'il est vrai que j'avais merdé dessus), ma nouvelle crise de colère contre l'entraineur en chef et mon hématome qui ne se résorbe pas. 

En réalité, je crois qu'elle craint réellement pour ma place ici, et que toutes les menaces de Hans que je n'arrange en rien risquent d'arriver à exécution. La nécessité d'une médaille n'a jamais autant pesé sur mes épaules. 

Sans compter le fait qu'elle n'est pas la seule à scruter mes moindres faits et gestes. Entre l'abandon de Violet que j'ai provoqué (même si c'est elle la fautive), les paroles de victimes de violences sexuelles que j'ai libérées, l'enlèvement de Zihao contre lequel j'ai osé m'insurgé et ma crise de nerfs dans la patinoire olympique de Toronto, je participe à la création d'articles de presses comme personne. C'est compliqué pour moi de rester invisible en ce moment et clairement, je sais que ça n'arrange pas du tout mon staff. Surtout Hans.

Mais Katrina essaie de me rassurer comme elle le peut. Elle me laisse entendre qu'elle s'opposera à n'importe quelle décision de Hans contre moi, et qu'elle arriverait à rallier d'autres personnels à sa cause. Toujours est-il que Hans a le dernier mot, la fédération aussi, et je ne crois pas que cette dernière m'aime tant que ça non plus.

— Et tu te sens comment ? me demande-t-elle pour la dixième fois de la journée alors que je suis sur le seuil de ma chambre, prêt à rejoindre mon lit.

— Ça va...

— Les médocs marchent bien ?

— Les antidouleurs ? Euh, ouais.

Je mens avec un aplomb terrifiant. Je ne crois pas que Katrina ne soit dupe. Elle croise souvent les grimaces à chacun de mes gestes.

— Je parle du paracétamol, pas des antidouleurs. Ulrick m'a dit. Et avant que tu ne râles ou lui reproches un truc, je tiens à te dire que c'est moi qui ai insisté. C'est pour ton bien. Je suis là pour toi, Morten.

— Merci, Kat...

Elle me prend dans ses bras, ébouriffe mes cheveux comme elle aime souvent le faire, et m'adresse un clin d'œil en me lâchant :

— Ok. Repose-toi bien. Tu me montreras tes blessures à nouveau demain. Et d'ailleurs... Que je ne te vois pas traîner une seule fois à la patinoire jusqu'aux jeux. Tu te reposes. J'ai parlé à Anastasia. Tu as des étirements avec elle dès dix heures.

— Katrina, par pitié...

— Étirements et entrainement sur le plat, c'est mon dernier mot. Tu remettras les pieds sur la glace le jour du programme court et pas avant. Tu as le niveau de toute façon, et autant te préserver jusqu'au jour J.

— C'est sûr qu'Anastasia va me préserver...

— Oh, arrête de te plaindre un peu. Sinon, j'envoie Oliver te surveiller toute la journée.

— Oh non, c'est bon. Je n'en peux plus de l'entendre s'émerveiller chaque minute que l'on est ici.

— Bien. Dix heures avec Anastasia. N'oublie pas. Bonne nuit.

— Bonne nuit, Kat'.

Malheureusement, malgré toute ma bonne volonté, je peine à trouver le sommeil. Ça me fait ça depuis que je suis arrivé au Canada. Le décalage horaire n'arrange pas les choses, tout d'abord, mais surtout, les derniers évènements ressassent toujours dans mon esprit. Le lit est vide, il me manque la présence de Zihao. Je m'en rends malade. Un premier haut-le-cœur me prend, mais mon dîner reste quand même dans mon estomac. J'en ai marre. Je tourne et vire de chaque côté. Je suis épuisé et énervé en même temps. Je rallume mon portable. Je vois un message de ma mère me souhaitant une bonne nuit. Elle me parle chaque jour avant que mon père et elle ne prennent l'avion pour les jeux, arrivant tout juste la veille de mon programme court. Je lui réponds, alors qu'il est plus d'une heure du matin ici.

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