12 : Temps en suspens

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Je regarde Zihao empaqueter ses affaires dans une petite valise, en pleine réflexion alors que personnellement, je trouve son choix de vêtements assez limité :

— Je pense qu'il te manque un ou deux t-shirts noirs. Je dis ça, je dis rien, me moqué-je.

Mais je le fais esquisser un sourire :

— T'es bête, parfois !

En punition, je reçois un t-shirt (noir évidemment) en pleine tête.

— Ce n'est pas ma faute si tu ne portes que du sombre. Le tri pour la machine à laver est vite fait, remarque. Tout ça pour dire que ta variété de vêtements n'est pas exceptionnelle.

— Et la tienne, on en parle ? Tu es soit torse nu, soit avec un sweat. Pourquoi deux aussi grosses extrêmes ?

— Hé !

Je ne peux rien rétorquer parce qu'à ce moment-là, je me situe sur son lit, exactement torse nu. Les jambes tendues devant moi, j'attrape mes orteils pour étirer mes muscles jumeaux, quand l'exercice n'est pas compliqué par des jets de vêtements à esquiver. Mais Zihao reprend rapidement ses va-et-vient entre le dressing et sa valise, pour toujours y ranger des vêtements noirs.

— Bon, après, le noir ça te va très bien aussi. Ça te donne un petit air sexy mystérieux.

— Être torse nu te va très bien aussi. Pour le petit air sexy mystérieux, rétorque Zihao.

Je fronce les sourcils, mais il ne le voit pas, car son attention est attrapée par son téléphone qui se met à sonner. Il décroche un appel un visio, et je vois un magnifique sourire se dessiner sur son visage.

— 爸爸!

Autant dire que même si je ne comprends jamais un traitre mot au chinois cantonais, vu l'expression de joie arborée par mon colocataire (et le fait qu'en vivant ensemble, j'ai appris beaucoup de choses sur lui), je devine qu'il est en communication avec son père. Mon intuition est confirmée quand Zihao tourne le téléphone vers moi, en pleine position d'étirements sur le lit. Bon, on aura connu mieux comme présentation avec son père (que j'avais rarement vu hormis quelques visios faites avec son fils, quand je débarquais à l'improviste dans sa chambre pour lui demander s'il venait jouer aux jeux vidéo).

Hello sir ! m'exclamé-je de façon enjouée, histoire de sauver au moins les apparences.

Hello, Morten ! me répond Monsieur Qián, avec un sourire chaleureux.

En réalité, je crois qu'il m'aime bien parce que j'héberge son fils, que je suis sympa avec lui (même plus que sympa), et que Zihao doit forcément faire des louanges là-dessus (j'espère, à moins qu'il lui ait dit que j'avais tenté de l'empoisonner avec mon thé dégueulasse à son premier jour ici).

Monsieur Qián repart dans une conversation en chinois, je ne pige absolument rien alors que tous deux éclatent de rire, non sans omettre de me jeter un coup d'œil. Quoi ?

Comparé aux autres fois, la conversation est très courte, quelques minutes à peine, et Zihao raccroche la visio. Je sais que mon ami part rejoindre ses parents quelques jours en Allemagne, vers Hambourg, où ces derniers ont loué un hôtel. C'est difficile pour eux de se voir, même éloignés de la Chine, Zihao m'a fait comprendre que les problèmes politiques qui les concernaient nécessitaient de faire preuve d'une grande prudence. Pourquoi exactement ? Je l'ignore.

— Tu disais quoi, à ton père ?

— Hé, tu critiques Cynthia, mais tu es un vrai fouineur, toi aussi.

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