29 : La vérité

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Le lendemain, tous les sportifs font la gueule dans le hall de la salle de réception du Centre réquisitionnée pour les interviews. Hans maugrée dans son coin. Clairement, je ne vois pas pourquoi on s'inflige ça à quatre semaines des jeux, mais les journalistes sont aussi notre gagne-pain indirect.

— Salut les gars ! nous appelle Freya, à côté d'un Ulrick en train de se ronger les cuticules.

— Salut !

— Vous êtes prêts ?

— Bof, répond Zihao. Ils vont à nouveau essayer de savoir pourquoi je suis encore au Danemark, et pourquoi la fédération chinoise s'obstine à ne pas me laisser intégrer ses rangs.

— T'inquiète, on fait comme on a dit dans ce cas-là, tu restes muet et je lance ma bouteille d'eau en pleine tronche du journaliste.

— Morten, me reprend Freya, tu fais ça et Hans fait vraiment une crise cardiaque.

— C'est qu'il en est capable en plus, ajoute Zihao.

— Morten mène la vie dure à Hans, me reproche Freya.

— Quoi ? Il le faut bien, non ? Il fait toujours ses dramas pour rien, autant que je lui donne de bonnes raisons, non ?

— T'es insupportable.

Je me tourne vers Ulrick, qui demeure à côté de nous sans prononcer le moindre mot :

— Et toi ? T'es pas dans ton assiette.

Il lâche un profond soupir désespéré, avant d'expliquer d'une voix blasée :

— ­Violet a donné une conférence hier disant qu'elle maintenait sa participation aux jeux de Toronto. La veille de notre conférence, bien sûr. Forcément, son sujet revient sur la table alors que ça faisait des mois que j'étais enfin tranquille et que ces sales rumeurs avaient été oubliées. Les journalistes vont sauter l'occasion. J'entends déjà la question : « Monsieur Thorkildsen, qu'est-ce que ça vous fait de retrouver votre victime présumée dans un mois ? ».

— Hé, arrête. Tu n'es pas un agresseur, ok ?

— Mais Morten, personne ne me croit. Et surtout pas eux, désigne-t-il d'un coup de tête haineux les journalistes qui s'agglutinent plus loin pour rentrer dans la salle.

Un goût âcre se forme dans ma bouche. Non, Ulrick, tes amis te croient. Je te crois. Je sais ce dont Violet est capable.

— Allez les enfants ! vient nous chercher Hans avec une voie enthousiaste qui ne berne personne. On y va, on est motivés !

On s'installe donc sur une longue table rectangulaire placée sur une estrade, des hordes de journalistes, leurs caméras et micros pointés vers nous. Ça met à l'aise. J'essaie de sourire pour la forme. L'avantage, c'est que placé entre Ulrick et Zihao, soit un qui fait la tronche et l'autre mort de stress, peu importe la tête que je fasse, j'ai forcément l'air plus rayonnant qu'eux.

Hans, au centre de la table avec Katrina, semble avoir réussi à chasser son anxiété pour présenter, tout souriant, ses heureux élus partant dans quatre semaines pour Toronto. Il ne tarit pas d'éloges sur nous. Je me retiens de rouler des yeux. On lui rapporte surtout pas mal d'argent. Mes coéquipiers adorent tous Hans. Je dois être le seul qu'il exaspère. Ses manières ont toujours l'air fausses à mes yeux. Derrière son air un peu perdu, je sais qu'il nous mène à la baguette ici. Il faut aller dans son sens. Toujours. Évidemment, comme un gosse, je déteste que l'on me dise ce que j'ai à faire.

— Allez, désormais, je vais vous laisser poser toutes les questions que vous désirez, conclut Hans après un long monologue d'une quinzaine de minutes, où j'en profitais pour m'amuser avec ma bouteille d'eau et Zihao à martyriser son pauvre stylo à cause du stress.

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