Ce mec me déboussole !

Chapitre 30 : Se méfier de l'eau qui dort ♫

Dans le car, nous avions eu le choix de nous mettre avec notre binôme ou une personne avec laquelle nous avions plus d'affinité. Nous aurions de toute manière un temps de faire plus ample connaissance durant une pause à l'arrivée. En attendant, je profitais des trente minutes de route pour faire une petite sieste en étant à côté de Violette plongée sur l'un de ses croquis. Je ne m'étais réveillée qu'une fois le véhicule arrivé à destination. En me tournant vers ma voisine, je notais qu'elle en était déjà au stade des finitions.

- Tu me ferais presque dire que Castiel est craquant la dessus, balançai-je par dessus son épaule en observant son œuvre.

- Merci, me lança-t-elle rougissante avant de se lever.

Sur la terre ferme, je me dégourdissais les jambes bientôt rejointe par les filles, les jumeaux et Nathaniel. Dans ces moments, je me rendais compte que notre petit groupe avait grandi. D'un coin de l'œil, j'observais si tout allait bien du côté d'Ambre qui avait préféré s'isoler avec Li, Charlotte et Capucine. Je me demandais si elle leur avait parlé de ses problèmes ou si elle préférait se taire à ce sujet avec ses amies, d'autant que aussi loin que je m'en souviennes, je n'avais jamais entendu dire que Capucine était au courant de l'homosexualité de la grande blonde. Malheureusement, j'étais trop loin pour pouvoir entendre une miette de leur conversation. Par contre, je pouvais entendre très distinctement la voix de Castiel en train de filer à ses cadets, des tuyaux pour « réussir à pécho une meuf ». Ces derniers l'écoutaient comme si il déversait sur eux la sainte parole...

- Y'a pas de secret. L'air blasé, c'est la clef de la réussite.

Tous semblaient acquiescer et retenir ce précieux conseil mais Castiel s'évertua ensuite leur montrer le contre exemple lorsqu'il aperçut Violette en train de porter les cartes et boussoles, accourant limite pour l'aider malgré les protestations de la jeune fille. Sous le regard sidéré des premières, il finit par prendre l'équipement et se dirigea l'air satisfait auprès des enseignants, suivi d'une Violette aux joues enflammées pour ne pas changer. En les regardant faire tous les deux, je n'avais même pas prêté l'attention au victorien qui s'était planté derrière moi, me faisant par la même occasion sursauter.

- Bouh !

- Ne me fais plus jamais d'apparition fantomatique comme ça ! Râlai-je.

- Tu ne m'aides pas à y résister avec ton air pensif, me reprocha gentiment le victorien. Est-ce que tout ira bien ?

- De quoi ?

- De ton binôme.

- Oh. Bin je vais faire avec.

- Il n'empêche que cela ne me rassure pas de vous savoir seules à deux.

- T'en fais pas, je sais me défendre, le rassurai-je.

- À vrai dire, connaissant ta force pour l'avoir expérimentée, c'est plutôt pour Édith que je m'inquiète.

- Hé ! Protestai-je en lui donnant un coup de coude.

- C'est que je ne voudrais pas te voir en centre de détention pour une dent cassée, blagua-t-il encore.

- Ha – Ha – Ha, très drôle... Croix de bois, croix de fer, je ne toucherai pas ses dents. Par contre, je ne dis rien pour les cheveux... ça repousse.

Il n'eut pas le temps de répondre. Lui tirant la langue, je rejoignais comme l'ensemble des élèves, les professeurs faisant encore une fois l'appel pour nous fournir les directives de l'exercice d'orientation. À l'aide d'une carte et d'une boussole, il nous fallait suivre un parcours de balises numérotées de un à douze où se trouvait un poinçon à faire valider sur une petite carte à cases. Chaque binôme devait se placer sur la ligne de départ et attendre 5 minutes après le départ du groupe précédent. Lysandre était parti juste avant moi en compagnie de Samuel. Edith et moi étions plantées là à attendre sans rien dire ou essayer de dire quelque chose pour rompre le malaise. M'emparant du plan et de la boussole, j'avais pris un élan pour ne pas marcher à côté d'elle lorsque notre tour arriva. Nous avions marché ainsi silencieusement jusqu'à la quatrième balise. Chacune semblait se satisfaire du mutisme de l'autre. Je n'avais aucune envie de lui parler, sentant que cela pourrait vite tourner au vinaigre et ma promesse à Lysandre volet en éclat. Mais la chose se corsa lorsque, sur le trajet vers la sixième balise, il nous fallut traverser un petit ruisseau boueux en passant par dessus un fin tronc d'arbre faisant office de poutre. En y plaçant un pied, je notais la fragilité de ce pont de fortune. Pour le traverser, il fallait y aller sans hésitation, chose que j'avais réussi à faire en quatre enjambées. Une fois de l'autre côté, j'avais déjà repris ma marche lorsque l'absence des pas de ma binôme me mit en alerte. Me retournant, je la trouvais encore de l'autre côté, se tortillant de tous les côtés sans savoir quoi faire.