Chapitre 18: Pris au piège ♫

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Si je devais résumer en un mot le trajet effectué en compagnie du jeune homme, le terme silence de plomb conviendrait à merveille. Concentré sur la route, Lysandre ne semblait pas prêt de sortir de son mutisme, provoquant une atmosphère quelque peu embarrassante pour moi. Je me contentais de voir le reflet de mon visage changer de couleur avec le paysage vert défilant le long de l'autoroute. Pour détendre l'ambiance, je demandai à mon chauffeur d'un jour, l'autorisation de mettre un peu de musique. Après approbation du conducteur, j'allumai donc la radio, laissant un vieil air de jazz envahir le véhicule. Je pouvais voir qu'un coin de l'œil que le victorien semblait plus détendu sur l'air de Superstition de Stevie Wonder. Son index qui suivait le tempo en tapotant sur le volant en était la preuve. De mon côté, je me laissais aller au rythme tout en claquant des doigts, secouant la tête et chantant les paroles avec une voix exagérée de chanteuse de Gospel. En croisant nos regards, ce fut le fou rire qui s'installa cette fois.

- On en essaie une autre ? proposai-je amusée.

Partant, il passa à une autre fréquence. Cette fois-ci, ce fut au tour du son Numb de Linkin Park. Au début, si on chantait à deux, je me taisais rapidement pour laisser le jeune homme reprendre à merveille le morceau avec une voix encore plus belle que celle du chanteur. Au bout d'un moment, je me rendais compte que j'observais Lysandre avec plus d'insistance que d'habitude. Mes yeux s'attardaient sur chaque détail de son corps et chaque parcelle de sa peau semblait susciter en moi une drôle de sensation au niveau du bas-ventre. Je ne saurais exactement décrire ce sentiment mais pour résumer la chose, je dirais que c'était quelque chose d'à la fois agréable et désagréable. Ce n'était pas la première fois que j'éprouvais ça et je pouvais clairement deviner qu'il s'agissait d'un désir provoqué par la présence du victorien. « Merde, ce n'était vraiment pas le bon moment d'avoir des pulsions hormonales... » pensais-je. Tentant de me divertir pour ne plus y penser, je me permettais de changer de fréquence, tombant sur Zombie de The Cranberries. J'étais alors attentive aux paroles et les murmurais pour moi seule tandis que Lysandre avait repris son habituel air songeur. L'ambiance retomba rapidement comme si ce petit instant n'avait jamais eu lieu. Pourtant, cette fois-ci, mal à l'aise, je ne savais vraiment comment m'y prendre pour aborder une conversation même des plus bancales. J'en arrivais à me demander à quoi, ou plutôt à qui il pensait.

- Sinon... Célestin n'a pas eu d'autorisation de sortie ? me demanda-t-il soudainement.

- Hein ? m'exclamai-je un peu déconcertée par cette question. Ah si si. Mais il n'a pas jugé utile de sortir de l'hôpital.

- Il compte donc passer les fêtes seul là bas ? s'étonna-t-il.

- Oui, répondis-je un peu tristement. Mais je pense qu'il ne sera pas vraiment seul puisque le staff organise quelque chose avec ceux qui séjournent là-bas pendant les fêtes.

- Je vois... Lança-t-il indifférent.

- On ne peut pas dire que ça t'affecte...

- Je ne le connais pas personnellement pour l'être plus que ça.

- Alors pourquoi tu poses la question ? rétorquai-je presque exaspérée.

Il ne prit pas la peine de me répondre, prenant un virage à droite qui nous fit quitter l'autoroute et entrer dans la ville. J'en voulais au victorien d'être toujours aussi réservé. Comment pouvais-je savoir si la réponse à sa question le soulageait d'une part de ne pas avoir d'autre garçon sur sa route. À moins que cela ne soit que le fruit de mon petit fantasme, encore une fois. Un peu revêche lorsqu'il me déposa devant chez moi, je sortais du véhicule sans même lui porter mon attention alors qu'il sortait mes affaires et me rejoignait sur le porche de la maison. Ça faisait tellement longtemps que je n'avais plus ressenti le picotement du froid sur ma joue. Je m'emmitouflais davantage dans mon écharpe avant que ma mère ne nous ouvre la porte. Elle invita en même temps le jeune victorien à venir se réchauffer devant une tasse de chocolat chaud, proposition qu'il déclina poliment avant de repartir. Ne voulant pas nous séparer sur une broutille, je me retournais pour lui rappeler la promesse de notre sortie à deux. Le jeune homme ouvrant déjà la porte de sa voiture, se retourna en ma direction et le sourire au lèvre, il me proposa le dernier dimanche avant la Noël. Du sourire ou de la date hâtive du rendez-vous, je ne savais lequel des deux suscitait autant mon étonnement. Cela devait donc avoir lieu dans deux jours. C'était trop peu pour me préparer.

Ce mec me déboussole !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant