Chapitre 26 : Adieux ♫

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Effondrée ? Je ne sais pas si ce mot suffisait à lui seul à traduire l'état dans lequel j'avais été après avoir appris la perte d'un ami. À l'annonce de la nouvelle, ça avait été une suite consécutive d'états d'esprit, allant du choc à la colère suivie une tristesse infinie et enfin, le déni.

J'étais présente physiquement aux obsèques tout en y étant absente mentalement. Le décor, les gens vêtus de noir, la tristesse sur le visage, tout me semblait si surréaliste que j'imaginais à tout moment pouvoir me réveiller d'un mauvais rêve. J'avais l'impression qu'hier encore, j'étais dans sa chambre occupée à lui raconter mes histoires de cœur. Pour mon cerveau, la chose était tout bonnement impossible et il semblait déconnecté de cette réalité. Au lieu de ça, il se concentrait sur la musique que le défunt avait choisi pour accompagner ses obsèques.

En y repensant, le songe de la dernière fois avait désormais de lugubres allures prémonitoires. J'avais aussi pleuré mais depuis que j'étais arrivée à la maison de Célestin, mes glandes lacrymales étaient en rupture de stock. Lorsque ma mère avait achevé sa phrase, je m'étais violemment jetée sur Richard, lui hurlant dessus, allant jusqu'à le qualifié de médecin incompétent. Je lui en voulais de n'avoir pu le sauver. J'avais eu des mots très durs à son encontre. Pire, j'en voulais à Célestin de ne m'avoir jamais avoué que ses jours étaient comptés depuis le début. Finalement, j'étais la seule responsable de mon état. J'avais été tellement égoïste de mon côté pour ne jamais m'être penchée de plus près sur sa propre maladie.

Ça me faisait terriblement mal de me dire qu'hier encore, je lui envoyais un sms sur mes pathétiques histoires de cœur alors qu'aujourd'hui, je lui faisais mes derniers adieux lors de la veillée funèbre. Son visage aussi paisible que celui qu'il avait lorsqu'il dormait me donnait l'impression qu'il ne faisait que jouer la comédie pour me charrier comme il en avait l'habitude. J'espérai le voir ouvrir brusquement ses paupières et me lancer un « Bouh ! Mouhaha, je t'ai encore eu Môme ! » comme il aimait me le faire à chaque coup. Je m'étonnai à esquisser un sourire en l'imaginant. Mais c'était fini et il ne faisait pas semblant. Il fallait que je lui fasse de véritables adieux. L'épreuve était des plus difficiles mais je voulais la surmonter seule. Même si Lysandre et Alexy étaient venus avec Richard et moi pour se recueillir sur mon camarade d'infortune qu'ils avaient côtoyé en même temps, je leur parlais très peu, voir pas du tout si cela était possible. Alexy m'avait d'ailleurs avoué lors du trajet jusqu'à la ville natale du défunt, qu'il regrettait déjà de ne plus pouvoir se taper de bonnes barres en abordant leur taquinerie au sujet de mes complexes. Cette allusion avait suffi à me nouer la gorge, me laissant encore plus silencieuse qu'à notre départ.

Désormais, alors que le cercueil entamait sa lente descente dans la fosse qui lui avait été destinée, mon cœur se serrait devant l'impossibilité de faire marche arrière. Et pourtant, je voulais faire demi-tour dans le temps, vérifier si tout cela n'était pas une mauvaise blague, arrêter toute cette mascarade ridicule. Entamant un pas hésitant en direction de la sépulture encore ouverte, une main vint sur mon épaule pour freiner énergiquement mon élan. Lysandre me regarda en secouant la tête, m'incitant ainsi à respecter les derniers instants de Célestin en évitant de faire une scène. Tout était fini maintenant. Je devais me résoudre à ne plus jamais le revoir en dehors de mes souvenirs qu'allait bien vouloir en conserver ma mémoire.

Je n'avais plus assisté à des funérailles depuis le décès de mon arrière grand-mère lorsque j'avais huit ans donc je n'étais pas habituée aux coutumes mais j'avais toutefois trouvé que tout avait été très vite. L'organisation avait été minutieuse. C'est en apprenant que la mère de Célestin qui dirigeait l'auberge où nous dormions, était aussi spécialisée dans l'événementiel que je compris le pourquoi du comment. La pauvre femme avait mis ses connaissances professionnelles au profit de son fils unique. Je n'avais pas eu l'occasion de lui parler car elle était souvent entourée de plusieurs personnes présentes pour la soutenir. De même, ce ne fut qu'après notre retour à l'auberge que j'avais pu voir son visage jusqu'alors caché sous une épaisse voilette. De toute manière, je n'avais eu aucune envie de lui parler, ne sentant pas le cœur à avoir un sujet douloureux pour toutes les deux afin de faire plus ample connaissance. J'avais eu droit à une chambre pour moi, étant la seule fille du groupe alors que Lysandre et Alexy se partageaient une chambre double voisine à la mienne. Richard avait lui aussi sa chambre et nous avions l'avantage d'être tous au premier étage.

Ce mec me déboussole !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant