Cap Vert, 28 mai 2016 (2ème partie)

141 21 7
                                    

Lors de mon arrivée au Cap Vert, je bénéficie d'un taxi privé pour me conduire à la sublime villa que je vais occuper durant six jours. Lorsque j'entre dans le hall d'entrée, je reste bouche bée. Ici pas question d'étalage de fortune comme dans la villa louée par Monica à Miami. Non, l'aménagement, la décoration, tout est sobre. Oh, bien sûr, le lustre du salon doit sans doute valoir une fortune et la cuisine high-tech n'est clairement pas à la portée de tous les portefeuilles. Après avoir visité le rez-de-chaussée, je me rends sur la terrasse qui offre une vue splendide sur l'océan. Et la piscine à débordement qui la jouxte sera idéale pour prendre quelques photos à offrir à mes abonnés.

Pour ce premier voyage « officiel », je suis accompagné par mon équipe personnelle. Terrence a engagé un photographe pour réaliser un book qui sera envoyé à quelques maisons de haute couture réputées. Il trouve que les choses ne bougent pas assez vite et aimerait que je puisse devenir le modèle attitré des plus grands créateurs. C'est le seul domaine dans lequel il n'a pas encore un pied, à son plus grand regret. Et il pense que, parmi tous ses influenceurs, je suis celui qui a le plus de chance de décrocher le Graal. Alors il a mis le paquet.

Aujourd'hui, je suis en congé afin de récupérer de mon voyage en avion et du décalage horaire. Cependant, avant d'aller m'allonger sur un transat, j'enregistre une vidéo du tour complet de la villa pour que mes abonnés puissent la découvrir dans ma nouvelle story.

Je cible surtout la piscine, la salle de bain et son immense jacuzzi ainsi que ma chambre et sa somptueuse vue sur les flots bleus de l'Atlantique.

Après une sieste réparatrice d'une heure, mon premier réflexe est de consulter Instagram. Depuis mon départ de Miami, j'ai vingt-cinq abonnés supplémentaires. J'aurais trouvé ça sympa il y a un mois mais là, je ne suis pas satisfait. Ce putain de compteur ne grimpe pas aussi vite que je le souhaiterai. Du côté des likes par contre c'est nettement plus réjouissant. Comme je m'y attendais, les photos de la classe affaires ont cartonné, pour mon plus grand plaisir.

Je partage ensuite mon dîner avec Shana et c'est l'heure de faire le point sur le programme de mon séjour au Cap Vert. Je pianote sur mon smartphone pour ouvrir le document qu'elle m'a transmis avant d'en discuter avec elle :

— OK donc demain petite balade au marché local à dix heures.

— Et tu n'oublieras pas de faire quelques achats.

— Comme de quoi me concocter une délicieuse salade de fruits.

— Exactement ! me sourit mon assistante.

— Ensuite...déjeuner dans un restaurant qui propose des plats typiques du pays. Hum, tout seul ou tu m'accompagnes ? J'avoue que j'ai encore pas mal de questions à te poser sur l'organisation des prochaines semaines.

— Je peux me libérer, aucun problème. Ensuite tu seras libre l'après-midi mais tâche de ne pas oublier la réception chez Monsieur Gonzalez.

— Aucun problème, j'ai encodé un rappel dans mon téléphone pour avoir le temps de me préparer. Chemise et pantalon blanc c'est bien ça ?

— Oui. Et pas de cravate ni de nœud papillon. C'est un original, il aime proposer à chaque soirée un dress code particulier. Tu seras prudent sur ta consommation d'alcool. Terrence pense que le président d'une société de locations de yachts de luxe sera présent.

— Et ce serait bien si je pouvais l'inciter à collaborer avec nous.

— Voilà.

L'apparence : sans doute le point d'attention ultime. Dans notre contrat, il est stipulé que nous avons l'interdiction de poster des photos et des vidéos nous montrant en état d'ébriété et il est vivement recommandé de rester sobre chaque fois que nous sortons, que ce soit pour l'agence ou à titre privé. Terrence ne veut surtout pas faire les gros titres de la presse people. N'ayant jamais été un gros consommateur et n'ayant jamais terminé une soirée bourré, cela ne me demande aucun effort particulier.

Après avoir englouti un délicieux sorbet à la mangue, je me résous à poster à mon assistante une question qui me trotte dans la tête depuis quelques jours :

— Au fait, Terrence disait que j'allais assez rapidement gagner des followers, genre plus d'une centaine par jour. Mais j'en suis loin. Très loin même. C'est frustrant.

— Patience Lucas. Tu n'as pas encore atteint les dix mille abonnés et ton compte n'est pas encore certifié. Le jour où ce sera le cas, tu verras, les compteurs grimperont en flèche.

— Tu es sûre ? Parce que je ne voudrais pas décevoir Terrence. Et puis...ouais, on s'habitude assez vite à recevoir des tas de commentaires et de likes.

J'esquisse un sourire gêné. J'ai l'impression d'être devenu totalement accro, dépendant même à ces impitoyables statistiques. Addicted to likes, comme dirait Shana.

{ édité} Addicted to likes M/MOù les histoires vivent. Découvrez maintenant