Ibiza, 7 juillet 2016 (2ème partie)

84 18 8
                                    

Je contemple quelques instants les flots calmes de la mer avant de répondre :

— Un peu plus tard que toi, après mes seize ans. J'étais sorti avec deux ou trois filles, pour faire comme mes potes, alors que je n'en ressentais pas l'envie. Elles étaient sympas, jolies, mais je ne les voyais que comme des amies proches. Et puis, nos voisins ont déménagé et une nouvelle famille est arrivée. Il y avait quatre enfants dont trois filles. Le garçon avait mon âge. Je me rappelle très bien la première fois que je l'ai aperçu, pendant qu'il aidait ses parents à décharger des affaires de leur voiture.

— Un coup de foudre ? ricane Alessio.

— Non. J'ai juste pensé qu'il était ultra canon. Et ça m'a perturbé. Trois jours plus tard, je l'ai surpris en caleçon dans son jardin.

— Laisse-moi deviner : le réveil a été brutal !

— Et pas qu'un peu. J'ai refusé de reconnaître la vérité, au début. Ça m'a demandé quand même quelques mois pour l'admettre. Pour ne rien arranger, un garçon de mon lycée qui été harcelé depuis qu'il avait admis son homosexualité, s'est suicidé quelques semaines plus tard.

— Tu as donc décidé de te taire, pour te protéger.

— Exactement. Puis, à force de vivre dans le placard, je m'y suis habitué.

Alessio contemple sa bouteille d'eau en silence. Puis, quand il se tourne à nouveau vers moi, il semble perplexe :

— Et maintenant ? Tu te sens encore capable de te cacher encore longtemps ?

— Comme je suis célibataire et que je dois jouer le jeu avec Marileah, oui.

— Mais après ?

— J'en sais trop rien. Peut-être que j'y réfléchirai sérieusement le jour où je rencontrerai l'homme de ma vie. Pour le moment, ma carrière est plus importante. Je n'ai que vingt-quatre ans après tout. Je suis trop jeune pour me caser.

— Donc, tu penses que devenir un mannequin réputé et assumer publiquement son homosexualité est incompatible ?

— Peut-être pas incompatible mais trop compliqué à gérer.

Alessio ne semble pas convaincu. Sa moue sceptique ne me rassure pas pour la suite de la conversation. Mais nous n'avons pas le temps de poursuivre, notre guide nous appelle pour que nous nous remettions en route.

À nouveau, le silence s'installe entre l'Italien et moi. Merde, chaque fois que j'ai l'impression de me rapprocher de lui, ça finit toujours par coincer. J'ai beau me torturer l'esprit, je ne vois pas comment reprendre le dialogue.

Comme s'il sentait ma gêne, Alessio prend l'initiative de démarrer une nouvelle discussion :

— Ce n'est pas la première fois que tu montes à cheval ?

— J'ai eu quelques expériences en Floride. Mais je ne suis pas un pro.

— Tu te débrouilles bien. Mon père m'a appris quand j'avais cinq ans. Pendant trois ans il a espéré me donner l'envie de devenir un cavalier réputé et de concourir.

— Mais ?

— J'aime les balades à cheval mais ça s'arrête là. Mon père n'était pas très content. Ensuite il a essayé de me faire jouer au golf. Mes piètres performances l'ont découragé de continuer à me payer des cours privés. Le résultat a été le même avec le tennis. Je ne suis pas un sportif du dimanche mais je ne serai jamais un grand champion. Et puis...moi et la compétition, ça fait deux.

— Ah bon, pourquoi ?

— Je...hum...Promets-moi de ne pas te moquer. Je suis un mauvais perdant. Je ne supporte pas de perdre. Et...hum...si ça ne va pas, je m'énerve.

J'oublie que je suis à cheval et je me tourne brusquement vers Alessio. Je manque de tomber et je ne dois d'éviter la chute qu'à un réflexe providentiel de l'Italien qui réussit à me maintenir en selle.

Lorsque tout danger est écarté, nous éclatons de rire tous les deux.

La complicité qui nous unit à cet instant est troublante. Plus intense encore que lors de notre sortie en mer.

Ces moments vont me manquer lorsque je serai de retour à Miami.

Lorsque nous sommes de retour au centre équestre, je traîne les pieds. J'adore Marileah mais ce n'est pas avec elle que j'ai envie de passer du temps. De son côté, Alessio affiche une mine sombre tandis qu'il pianote furieusement sur son smartphone.

Je m'approche pour lui indiquer que je vais repartir :

— Je vais y aller. Marileah doit trouver le temps long. On se voit ce soir ?

— Je ne sais pas. Oui, je serai présent mais mon père m'a demandé de discuter avec quelques personnalités. Le business encore et toujours.

Pas le temps de répondre. Il m'adresse un signe de la main, grimpe danssa voiture et démarre en trombe


----------------------------------

Moment confidences entre Lucas et Alessio. Votre avis ?

Alessio est un mauvais perdant. Et, devinez quoi ? Moi aussi ! Pour ceux et celles qui ne le savent pas encore, je pratique le tennis en compétition (à un niveau régional). Et....eh bien quand je perds, je m'énerve ! MDR Parfois je pète littéralement les plombs jusqu'à lâcher complètement le match.  Bon je me suis calmée avec le temps mais ça arrive encore de temps en temps... Bref, un petit détail personnel glissé dans le texte comme j'aime souvent le faire... ;-)

Lucas espérait passer plus de temps avec notre cher Italien mais manifestement ce dernier a d'autres projets...

{ édité} Addicted to likes M/MOù les histoires vivent. Découvrez maintenant